19/12/2019 logic.ovh  6 min #166292

La retraite idéale

"Le piège des mots", une expression judicieuse et pertinente utilisée par Greta, relève d'un questionnement qui peut être étendu au "piège des idées".

Dans leur esprit, non formé à la programmation, les gens croient que toute chose est définitive, fermée, assumée, valable ou pas valable, chérissable et dogmatique ou à rejeter totalement au risque de se trouver entraîné par malveillance à dire une bêtise.

La question des retraites positionne des pions-idées qui font des discussions des zones de guerre. Finalement les questions tournent en rond, soulèvent des connaissances nouvelles, et pendant que les gens prennent le temps de bien comprendre ce qui se passe, l'idée principale qui en fait découle logiquement du contexte, prend la tournure de l'inéluctable. Et la dictature poursuit tranquillement son cheminement en volant au-dessus des foules.

Il en va de même avec la question du système social, qui est sacrément complexe mais non-inaccessible, pourvu qu'on ne se laisse pas piéger à la moindre anfractuosité comme une bulle de champagne dans un récipient hétéroforme (pardon pour l'analogie, je ne savais pas quoi mettre).

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Ce qu'il faut en toutes circonstance c'est savoir se dégager des conflits stupides et des idée-trappes qui jouent sur notre habitude gauloise et franchement inculte à faire valoir nos émotions plus que la raison, qui elle, le plus souvent, passe pour de l'hypocrisie en défense d'une idée que personne ne peut se permettre d'avoir, tant elle donne raison à ses ennemis.

La question des retraites est la même que celle du système social, elle vous demande, si vous voulez bien répondre "Que voulez-vous ?". Non pas "Que voulez-vous, les choses sont comme ça", mais plutôt "Que voulez-vous, dans l'idéal ?". Définissez-le, et après les moyens d'y parvenir se présenteront à vous. Si vous êtes bloqués par le "Comment c'est possible", ce qui est toujours le cas pour un discours jugé "rationnel et recevable, audible et respectable", alors vous plongez tête baissée sur des barrières qui ont été posées là pour voir si vous êtes capables de les surmonter (et les élites rigolent en se moquant de la pauvreté intellectuelle des petites gens, qu'on peut guider comme des souris dans un labyrinthe).

Non, il ne faut pas conditionner ce qui est désirable par les moyens de l'obtenir, déjà parce que ces moyens peuvent être variables et indéfinis, et aussi parce qu'ils peuvent être estimés à court terme et à long terme. Tout est une question de volonté, il suffit de vouloir, d'abord, pour ensuite pouvoir, sans effort.

J'insiste sur cette anicroche pour dire que le système social, capitaliste, basé sur le principe de l'argent, érigé en équivalence permettant de justifier les actes, ne consiste qu'àen cela : mettre des conditions pour l'accès aux biens dont on a besoin pour vivre. C'est cela, le système social actuel. "Si tu veux vivre, alors en échange tu dois donner ceci ou cela". Dès lors ce qu'on peut vouloir est qu'il n'en soit pas ainsi, tout simplement. Le reste, les solutions, couleront de source.

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Pour les retraites, mon angoisse s'est brièvement réveillée quand je me suis rendu compte, comme les artistes, les entrepreneurs, les handicapés sociaux, les personnes au RSA (dont je suis) et qui sont légion, eux, nous, ne toucheront jamais un centime de retraite. L'idée même de travailler quarante ans de suite sans se faire virer nous paraît être totalement de la science-fiction. À chaque fois qu'on se fait jeter à la rue, il faut rebondir et se battre pour retrouver un travail, au bout d'un ou deux ans, et puis rebelote, retours à la case départ. À tel point que même en ayant un travail bien payé il faut veiller à ne pas dépasser le niveau de vie du RSA puisqu'une fois ce travail perdu, il faudra 500 euros/mois multiplié par la quantité d'argent gagné, en terme de temps, avant de toucher à nouveau le RSA. Donc il va falloir pouvoir tenir. C'est ce qu'on appelle "le parachute" (qui n'est pas doré).

Qu'on repousse l'âge de la retraite à 70 ou 80 ans n'est pas un problème pour nous, puisque de toute façon notre droit à avoir un travail et une vie digne, droit à posséder son logement, droit à pouvoir marcher dans la rue sans ressentir de honte, en pleine journée alors que les autres travaillent, sans risquer de se faire contrôler par la police, ces droits ne sont pas les nôtres. L'âge de la retraite ne signe que l'âge de la fin du RSA et donc la mort. Car il faut le savoir, personne ne le dit jamais (comme les "je t'aime"), l'état-providence a pour fonction principale de sauver la vie des gens, chaque jour. Si pour une vie sauver, Dieu vous offre la vie éternelle, alors dans ce cas les travailleurs qui contribuent au système social de l'état-providence, eux méritent tous des royaumes, car ils sauvent la vie de millions de gens chaque mois.

La politique actuelle, opportunément soutenue par des publicités pour des assurances à la télé, consiste à dire "Cotisez pour votre retraite dès votre entrée dans la vie active", sous-entendu "si vous ne voulez pas vous retrouver dans la merde" - et aussi "si vous ne l'avez pas déjà fait, vous y êtes déjà". Ensuite ils ajoutent fièrement "Grâce à nous, le chacun-pour-soi va bon train, et vous n'avez rien à craindre" (c'est leur slogan). Et les gens souscrivent avec bonne conscience à donner aux banques encore plus d'argent qu'aux impôts en échange de la promesse qu'elle ne partira pas avec la caisse à la première occasion, et que malgré une hyperinflation affolante largement prévisible ils vous rendront intactes les centimes que sont devenus les mois et années de salaires confisqués. Mais vous aurez que dalle.

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Ma posture (de pauvre) impose de soumettre une idée nouvelle pour les retraites : il n'y a pas de retraite. Changez complètement de point de vue : pousser les gens à travailler plus longtemps c'est confisquer du travail à 10% de gens restants sur le bas-côté pendant toute leur vie. Les chiffres sont pourtant clairs. De plus avec la robotisation à outrance de tout ce qui est possible, dans dix ans il n'y aura plus que les moitié des emploi actuels de disponibles. Cela veut dire que bientôt, vous aussi, travailleurs, viendrez gonfler nos rangs de personnes dont le système n'a pas besoin.

Donc franchement on s'en fout des retraites, le monde va changer radicalement, et il faut un autre modèle de société pour y faire face.

Ce qu'on veut pour nos vieux jours, c'est vivre en paix et sereinement. Et c'est aussi ce qu'on veut pour nos jours actuels, durant toute la vie. Si bien que selon les capacités de chacun et selon les besoins de l'ensemble des métiers, le travail doit être réparti équitablement de sorte que chacun en fasse autant que les autres, et de sorte que l'automatisation inéluctable des métiers profite à tout le monde, en réduisant les journées de travail à trois ou quatre heures par jour.

De même, une fois vieux mais encore capables, on dit que les gens meurent vite par ennui. Il n'est pas juste de les envoyer dans les collèges pour vieux qui achèvent de les ruiner pour qu'il s'y fassent oublier comme s'ils avaient été mis à la poubelle. Les vieux veulent continuer d'avoir une activité, même modique, dans le monde social, auprès de gens, des enfants, et transmettre leur savoir et leur expérience. Tout cela n'a pas à être rémunéré, ou considéré comme un travail, c'est juste la vie. Chacun doit avoir la vie qui lui convient, en tant qu'être humain. Chacun doit pouvoir contribuer à rendre le monde meilleur autant qu'il le veut. (C'est cela la tristesse qu'on ressent quand on a été mit à la poubelle par le système.)

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Figurez-vous que cette gestion des inputs et des outputs, n'est rien d'autre que le fond de commerce du libéralisme, qui se prétend seul capable de savoir comment administrer l'activité humaine, en faisant varier les prix, la misère et la guerre dans cette optique. Le maître-mot qui est enseigné aux économistes c'est "le marché", le marché veut ceci, alors on modifie les prix pour avoir cela. C'est leur seule méthode connue pour gérer le destin du monde. Elle est tellement insuffisante qu'on peut la qualifier de complètement dingue et absurde, dangereuse et criminelle. Et le pire est qu'ils ne s'en rendent pas compte, et même peuvent être catapultés "président de république" comme s'ils étaient à un poste parmi d'autres, avec des patrons à satisfaire et des objectifs à atteindre, qui sont chiffrables, et privés. "Start-up nation", qu'il disaient. Et la promesse a été tenue.

C'est sur ce mode de gestion des ressources, ici on parle des ressources humaines mais par extension on va devoir parler des ressources naturelles, comment on peut les utiliser de la meilleure manière possible, qui est au centre de tous les problèmes et de toutes les solutions. Trouvez comment justifier l'activité humaine, et vous n'aurez plus besoin de retraite, vous tous, travailleurs, comme nous les ratés, vous pourrez profiter dès aujourd'hui des jours de paix qui permettent d'élever la réflexion.

 logic.ovh

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