13/01/2020 reseauinternational.net  6 min #167376

L'Iran confirme son rang de puissance balistique mais devra assurer la cohésion de sa stratégie face à une guerre hybride par l'exploitation de la colère d'une partie de sa population et l'ingénierie sociale

La riposte iranienne à l'assassinat ciblé du général major Qassem Sulaïmani et du commandant en second irakien des unités de la mobilisation populaires à Baghdad a consisté en un tir de barrage de missiles balistiques Sol-Sol sur deux bases US (et non irakiennes comme ce fut rapporté par les médias) dans la province d'Al-Anbar (Irak occidental) et sur la zone semi-autonome du Kurdistan irakien (Nord). La probabilité d'erreur circulaire des missiles iraniens n'excédait pas 2 ou 3 mètres et aucun des missiles iraniens n'a été intercepté par les défenses antimissiles US en Irak. Ce fait révèle la redoutable efficacité des missiles balistiques iraniens et le fait que Téhéran aurait averti le pouvoir corrompu et pro-US de Baghdad avant les frappes ne change rien à cette donne essentielle.

La défense antiaérienne iranienne a abattu par erreur dans la même nuit un Boeing 737-800 de Ukraine International Airlines (vol 752) assurant la liaison Téhéran-Kiev. L'appareil civil aurait été atteint par un missile TOR M-1 dont l'opérateur avait eu moins de dix secondes pour décider si oui ou non il devait appuyer sur le bouton de tir sans en référer à sa hiérarchie. Les radars iraniens ont tous été « allumés » par de fausses attaques impliquant plus de 170 appareils hostiles. Une cyberattaque d'envergure coïncidant avec le décollage d'une douzaine d'avions de combat et de drones US simulant une attaque aérienne visant des objectifs à l'intérieur de l'Iran. Au moins deux drones US dotés de puissantes capacités de brouillages électromagnétiques ont participé dans cette cyberattaque d'un type inconnu. Téhéran a reconnu sa responsabilité dans le drame de la perte du Boeing 737-800 ukrainien et la mort de tous ses occupants et a présenté des excuses officielles à l'Ukraine. Celle-ci réclame des compensations. Cette erreur a également relancé la colère de certains segments de la population iranienne contre ses dirigeants.

C'est l'occasion rêvée pour Washington et ses alliés pour relancer le projet d'un changement de régime en Iran au moyen d'une révolution de couleur appuyée ou non par une guerre hybride.

D'un côté, il y a les personnes mécontentes de la mort de plus de soixante citoyens iraniens dans la destruction du Boeing ukrainien par un missile Sol-Air de la défense aérienne du Corps des Gardiens de la Révolution iranienne. D'un autre il y a une masse plus importante qui est enragée par les informations faisant état d'une mansuétude délibérée de la riposte iranienne contre des bases US en Irak et pour une large part de l'opinion iranienne, ce fait n'a aucun sens. Enfin, la majorité est fort mécontente des conditions économiques très difficiles, conséquence directe des trains de sanctions économiques et financières frappant la République islamique d'Iran.

Ces événements ont confirmé également qu'une majorité d'Irakiens ont toujours été favorables au maintien d'une présence militaire US qu'ils regrettent depuis le retrait partiel des forces US d'Irak en 2011. Que ce soit dans la rue ou sur les réseaux sociaux, une majorité d'Irakiens souhaite le maintien d'une présence militaire et sécuritaire US en Irak et si l'on se réfère au gouvernement irakien que l'on décrit souvent à tort de pro-iranien, les insurgés ayant résisté à ce « qu'ils appelaient l'occupation US de l'Irak entre 2003 et 2008 » n'ont jamais représenté plus de 0,4 % de la population irakienne et l'ensemble de leurs sympathisants 2,5 % dans le meilleur des cas. D'ailleurs pour l'ensemble des exécutifs irakiens post-2003 à nos jours, tous ceux qui ont pris les armes contre les forces US en Irak sont classés comme des terroristes et sont traités comme tels par les forces de sécurité irakiennes. Les jeunes Irakiens, hyper-branchés, ne peuvent pas concevoir une seconde leur pays sans la présence de bases militaires US dont ils sont très fiers. C'est une forme de syndrome identique à celui ayant frappé de plein fouet les jeunes de Hong Kong. C'est pour cette raison que l'Irak ne peut être classé comme faisant partie de l'axe Damas-Téhéran et que ce pays n'est pas seulement le maillon le plus faible de cet axe auquel il n'appartient pas mais qu'il constitue une base d'appui des forces US (et celles de L'OTAN), à partir de laquelle sont coordonnés des opérations de guerre hybride visant à la fois à la Syrie et l'Iran.

Indubitablement, le leadership iranien a commis une série d'erreurs depuis le laxisme sidérant de l'entourage du général major Sulaimani jusqu'à la destruction du Boeing ukrainien en passant par la très déplorable bousculade meurtrière lors des funérailles de l'ex-commandant de la force Al-Qods durant lesquels les dirigeants iraniens n'auraient pas dû encourager une hyper exploitation émotionnelle d'un tel événement avec tous les dangers que cela pouvait représenter. Maintenant ils sont dos au mur vis à vis de leurs propres populations dont la colère risque d'être exploitée à des fins géostratégiques. La Nature bicéphale du pouvoir en Iran a fini par porter préjudice aux intérêts stratégiques iraniens. Une grande partie des responsables iraniens accordent une confiance exorbitante aux européens et au néolibéralisme alors que l'Europe n'est plus qu'une mosaïque de petits États vassaux de Washington qui n'ont aucune voix sur la scène internationale. Une autre partie du pouvoir iranien continuait à entretenir divers canaux secrets de communication avec un adversaire dont l'objectif est l'annihilation de la République islamique établie en 1979 et un changement de régime en Iran en faveur des intérêts géostratégique de l'Empire. Les Syriens l'avaient compris depuis 2017. Et ce n'est d'ailleurs pas un hasard si l'assistance militaire iranienne à Damas fut réduite à son strict minimum dès le printemps 2018. La politique est l'art des possibles et des compromis certes mais on en peut ménager indéfiniment deux options contradictoires et non convergentes. Il existe au sein du pouvoir iraniens de vrais résistants engagés mais ils sont trop souvent mis à l'écart par ce que l'on appelle les « Bazaristes » ou la version iranienne des « oligarques » dont on sait qu'ils sont favorables aux affaires et à une normalisation des relations avec l'adversaire déclaré pour le profit. Les stratèges de Damas, bien qu'ayant perdu une Armée et des milliers de tonnes de systèmes d'armes, sont bien plus déterminés et intransigeants. Ils se sont efforcés de coopérer avec la faction opposée aux oligarques ou ce que les pays occidentaux appellent les modérés jusqu'à ce que les rapports de forces au sein du pouvoir iraniens soient plus favorable à une cohérence stratégique.

Tout ceci est dépassé. L'Iran se retrouve aujourd'hui forcé de réajuster sa politique et de chercher un moyen d'assurer sa défense contre la menace d'une guerre hybride car il n'y aura jamais de guerre directe entre Téhéran et Washington. Ce dernier estime en effet qu'il serait plus judicieux d'utiliser les moyens de déstabilisation éprouvés lors des révolutions dites de couleur. Cette méthode permet à Israël de rester à l'écart d'un éventuel conflit aux conséquences aléatoires. La balle est donc dans le camp de Téhéran.

source :  strategika51.org

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