14/01/2020 elcorreo.eu.org  5 min #167463

Superpuissance bananière ?

Vient donc de débuter l'année électorale au cours de laquelle la confrontation politique devrait être la plus importante depuis un siècle pour l'avenir des États-Unis en tant que république constitutionnelle semi-démocratique et avec des implications dramatiques pour une grande partie du monde.

Ici, aux Etats-Unis, une grande confrontation politique existe non seulement entre les institutions gouvernementales et les partis, mais aussi en leur sein. Ce qui s'y décidera, c'est si ce processus démocratique survit, et de quelle manière. Trump marque la fin d'une expérience néolibérale. Reste à voir, au moins sur la scène politico-électorale, ce qui suit.

Le régime actuel a montré un tel mépris pour le gouvernement institutionnel, le président ayant attaqué à plusieurs reprises les hauts gradés des forces armées, les agences de renseignement, les agences de sécurité publique et même divers Secrétariats d'Etat, provoquant une détérioration du moral et un exode des diplomates, analystes et officiers. Les chefs qui restent sont ceux qui sont prêts à être des serviteurs inconditionnels de ce président.

Et même ceux-ci sont en difficulté, ayant besoin constamment de trouver des moyens de justifier ou de repenser les déclarations présidentielles et des décisions qui les prennent par surprise. Par exemple, dimanche, le secrétaire à la Défense Mark Esper a été contraint de dire qu'il n'avait pas vu les renseignements mentionnés par Trump, montrant que le général iranien, qu'il avait ordonné assassiné, avait l'intention d'attaquer quatre ambassades des Etats-Unis. Il y a quelques jours, des chefs militaires ont dû dire qu'ils ne respecteraient pas les ordres de Trump de bombarder des sites culturels en Iran, car ce serait un crime de guerre.

En revanche, certains fidèles à la cause de droitière, expulsés du paradis du pouvoir, ont décidé de se venger de leur ancien patron. Par exemple, le faucon ultraconservateur John Bolton, ancien conseiller de Trump pour la Sécurité Nationale, a déclaré qu'il était disposé à témoigner dans le procès pour impeachment [mis en accusation] du président du Sénat s'il était convoqué, ce que son ancien patron a déjà dit qu'il n'autoriserait pas.

Mais dans l'ensemble, le Parti Républicain a décidé d'être complètement subordonné à Trump. Le leader républicain du Sénat, Mitch McConnell, a annoncé publiquement que lorsque le procès politique du président se profilerait, il se coordonnerait pleinement avec la Maison Blanche. Mais selon la loi, chaque sénateur est obligé d'agir impartialement dans son rôle de jury lors d'un tel procès, et par conséquent, ceux qui ont déjà décidé avec leur chef d'exprimer leur loyauté envers le président violent le serment que chacun a fait à la Constitution.

La Constitution a été violée si systématiquement et ouvertement par ce régime dans de nombreux domaines - depuis l'ordre d'assassiner un dirigeant étranger [en mission diplomatique et invité par un pays étranger], au fait de mettre des enfants migrants en prison, jusqu'aux actes de corruption de toutes sortes violant le processus électoral, à louer l' utilisation de la torture, à défier les décisions judiciaires et les ordonnances législatives, entre autres - que la validité de la Magna Carta nationale est mise en cause.

C'est pourquoi les candidats et les chefs de l'opposition de tous bords crient chaque jour que « la république est en danger » avec le régime actuel. Ils soulignent que c'est la raison pour laquelle il s'agit du troisième président de l'histoire à être déclaré impeached et soumis à un procès politique.

D'après ce qu'on dit, il s'agit toujours d' une démocratie électorale (avec des défauts fondamentaux, dont l'un a conduit Trump à la présidence, puisqu'il n'y a pas de vote direct pour le président, il a gagné avec moins de voix que son adversaire selon les règles du Collège électoral). Mais pour la première fois dans l'Histoire moderne, et au cours des trois dernières décennies durant lesquelles certains d'entre nous ont rendu compte de ce pays, la question est de savoir si ce sera encore le cas cette année.

Jamais auparavant des spéculations aussi courantes dans les pays dits « sous-développés » n'ont été entendues ici, comme il ne peut être exclu que Trump décide de ne pas respecter le résultat des élections.

Autrement dit, le pays pourrait être la première superpuissance bananière (république). Cette décision est pour l'instant entre les mains des démos étasunien.

David Brooks* pour  La Jornada

 La Jornada. Méxique, 13 de enero de 2020

Traduit de l'espagnol pour  El Correo de la Diaspora par : Estelle et Carlos Debiasi

* David Brooks est journaliste et correspondant aux USA pour le quotidien mexicain La Jornada depuis 1992. Il est l'auteur de divers travaux universitaires, dont un livre avec le sociologue du Mexique Jonathan Fox. En 1988, Brooks a fondé le Programme mexicano-US Diálogos, qui a promu des échanges bilatéraux entre les secteurs sociaux des deux pays sur l'intégration économique. Avant de travailler pour La Jornada, il a travaillé à l'Instituto de Estudios de Estados Unidos du CIDE, l'un des principaux instituts de recherche mexicains, et il a été le cofondateur et collaborateur du Centro Latinoamericano de Estudios Estratégicos (CLEE), aussi à Mexico.

 El Correo de la Diaspora. Paris, le 14 janvier 2020

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