16/01/2020 tlaxcala-int.org  5 min #167555

Pas de #metoo pour ces femmes palestiniennes emprisonnées en Israël

 Gideon Levy جدعون ليفي גדעון לוי

Ce ne sont pas des femmes, ce sont des « terroristes », alors personne ne se soucie de savoir si elles sont maltraitées.

À une époque où toute remarque sexiste envers une femme peut conduire à une émeute, la torture pendant l'interrogatoire ou l'emprisonnement abusif de femmes n'exaspère personne. Lorsque des carrières et des vies sont ruinées à cause d'un baiser ou d'une étreinte inappropriés, la constriction de femmes pendant des jours et des nuits dans des positions distordues, la privation de sommeil et la séquestration illégale sont acceptables parce qu'il s'agit de « terroristes ». Le mouvement #MeToo est allé loin, parfois trop loin et parfois pas assez loin : il s'arrête à la porte du Camp Ofer et des locaux d'interrogatoires du service de sécurité du Shin Bet. Là, il n'existe pas. Là-bas, les femmes peuvent être abusées au plus haut point par les autorités d'occupation. Personne ne protestera.

Khalida Jarrar dans la salle d'audience du centre de détention d'Ofer, 2019. Photo Alex Levac

Un jour de la semaine dernière, la détenue Khalida Jarrar, membre du parlement palestinien fantôme, a été amenée devant le déprimant tribunal militaire d'Ofer. Elle n'a pas été torturée pendant ses interrogatoires, mais des signes de souffrances infligées étaient clairement visibles. Menottée, dans un uniforme défraîchi des services pénitentiaires israéliens, son visage montrant la fatigue de trois mois et demi de détention et d'interrogatoires, vétérane de détentions en série, la plupart sans qu'aucune charge n'ait été retenue contre elle, elle a été accusée d'avoir « occupé un poste dans une association illégale ». La montagne des briefings du Shin Bet aux médias, dans lesquels elle était accusée d'être responsable du meurtre de Rina Shnerb en Cisjordanie en août dernier, a accouché d'une souris sous la forme d'une arrestation politique pour « occupation d'un poste »

Israël ne prend même pas la peine de cacher le fait qu'il détient des détenus politiques, comme dans les régimes despotiques.

Jarrar a été accusée d'être responsable de « l'activité nationale et politique » du Front Populaire de Libération de la Palestine, un parti laïque de gauche, dont l'occupant ne reconnaît pas le droit à l'existence, tout comme il ne reconnaît le droit à l'existence d'aucun parti palestinien, parce qu'ils sont tous des « organisations terroristes ». Même ses procureurs admettent que le seul péché de Jarrar est son activité politique. Seules trois femmes israéliennes, qui méritent d'être félicitées, sont venues à Ofer pour montrer leur solidarité avec la courageuse féministe palestinienne emprisonnée. #MeToo ? Une organisation de femmes ? Pas ici.

Arrestation de Mais Abu Ghosh

Le sort de l'étudiante en journalisme  Mais Abou Ghosh était encore pire. D'après son père et ses avocats, elle a été torturée pendant ses interrogatoires. Étudiante militante, elle est en détention depuis environ six mois. Les accusations portées contre elle sont terrifiantes, mais après les avoir lues, il est clair qu'elles sont presque toutes ridicules. Le chef d'accusation le plus grave, « port d'arme, possession et fabrication d'arme », indique qu'elle a rempli des bouteilles en verre d'essence dans une station-service et y a enfoncé des chiffons, pour les utiliser comme cocktails Molotov. C'est la grande fabricante d'armes de Kalandiya.

Les autres accusations sont complètement politiques. « Contact avec l'ennemi », par exemple, fait référence à sa participation à une conférence au Liban sur le retour des réfugiés et à une interview avec la station de radio du Hezbollah. Ses avocats demandent un voir-dire [examens de preuves établissant le caractère libre et volontaire de toute déclaration attribuée à un accusé, NdT], un procès dans un procès, pour la violence dont elle aurait été victime pendant son interrogatoire. Son père dit qu'il l'a à peine reconnue la première fois qu'il l'a vue après son arrestation. C'était peu après qu'un autre détenu, Samer Arbid, ait été hospitalisé dans un état critique à la suite des tortures infligées par ses interrogateurs, qui lui ont brisé 16 côtes en 30 heures et lui ont causé des lésions internes.

Samer Arbid

Les avocats d'Abou Ghosh disent qu'elle a été interrogée pendant des jours et des nuits, ligotée dans les fameuses positions dites de la « banane » et de la « grenouille » (« qambaz »). Là non plus, pas de #MeToo. Il est interdit de caresser une femme contre sa volonté, comme il se doit, mais il est permis de l'enchaîner dans des positions de stress et de l'abuser. Les femmes du mouvement féministe qui mettent au pilori ceux qui embrassent de force ne fustigeront aucun des interrogateurs et tortionnaires. Les organisations de femmes resteront silencieuses : elles sont trop occupées par la lutte héroïque pour mettre des jeunes femmes dans des tanks afin qu'elles puissent bombarder Gaza à leur guise, comme les gars, au nom de l'égalité des sexes.

Mais il y a quelques dizaines de femmes palestiniennes dans la prison de Damon en ce moment. Certaines sont des détenues politiques, certaines ont été torturées pendant leur interrogatoire. Pourquoi les lionnes en colère de #MeToo ne se soucient-elles pas d'elles ?

Source:  Addameer

« Il est inévitable que les chaînes soient brisées », affiche d'Abed Altamam, 2003. Musée Abou Jihad pour les affaires du mouvement des prisonniers, Université d'Al-Qods, Abou Dis

Courtesy of  Tlaxcala
Source:  cutt.ly
Publication date of original article: 15/01/2020

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