Dans son rapport annuel sur les inégalités mondiales, l'ONG Oxfam montre que les écarts de richesse échappent « à tout contrôle » et relèvent d'un « système économique sexiste ». Retour en quelques chiffres clés.
« Celles qui comptent ». C'est le titre qu'a cette fois choisi l'ONG Oxfam, qui publie son traditionnel rapport annuel sur les inégalités mondiales ce 20 janvier 2020. En mettant l'accent sur la place du genre dans les écarts de richesse à travers le monde, l'organisation entend démontrer la persistance d'un système économique « sexiste et injuste », qui « valorise davantage la richesse d'une minorité privilégiée, constituée d'hommes principalement, plutôt que les milliards d'heures de travail de soin - non rémunéré ou peu rémunéré - des femmes et des filles dans le monde ».
« Prendre soin des autres, cuisiner, nettoyer, aller chercher de l'eau et du bois de chauffage sont des tâches essentielles au bien-être des sociétés et des communautés ainsi qu'au bon fonctionnement d'une économie, rappelle l'introduction du rapport. La responsabilité lourde et inégale du travail de soin perpétue les inégalités économiques et de genre. »
Oxfam montre ainsi que l'accaparement des richesses mondiales par un petit nombre de personnes continue de se faire au détriment des plus vulnérables. Loin d'être enrayé, le phénomène échappe aujourd'hui « à tout contrôle ». Symbole de ce constat, en 2019, les milliardaires du monde entier, c'est à dire seulement 2 153 personnes, se partageaient plus de richesses que 4,6 milliards de personnes. Comme à son habitude, l'ONG développe son propos en s'appuyant sur une série d'images et de chiffres souvent impressionnants, dont nous avons fait une brève sélection.
14
Dans les communautés rurales et dans les pays à bas revenus, les femmes consacrent jusqu'à 14 heures par jour au travail de soin (garde d'enfants, accompagnement des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, tâches domestiques quotidiennes...) non rémunéré, soit cinq fois plus que les hommes dans ces mêmes communautés. Rien qu'en France, la valorisation économique de ce travail équivaudrait pourtant à 399 milliards d'euros.
22
Les 22 hommes les plus fortunés au monde possèdent plus que l'ensemble de la population féminine d'Afrique. Citant la Banque mondiale, le rapport met en avant le fait que ces richesses extrêmes côtoient une très grande pauvreté, puisque près de la moitié de la population mondiale vivrait avec moins de 5,50 dollars par jour.
41
La France comptait 41 milliardaires en 2019, soit 4 fois plus qu'après la crise financière de 2008. Sur ces 41 personnes, plus de la moitié ont hérité de leur fortune, et seules 5 sont des femmes. Les milliardaires français sont, par ailleurs, ceux qui ont vu leur richesse le plus augmenter au cours de l'année 2019, devant les Américains ou les Chinois.
343
En 2018, l'ex-PDG du groupe fr.wikipedia.org, Olivier Brandicourt, a gagné plus de 343 fois le salaire moyen d'une aide-soignante française chargée d'administrer les produits de la marque à des patients.
10 000
Métaphore pour le moins éloquente : si vous aviez mis de côté 10 000 dollars par jour depuis l'édification des pyramides en Égypte, vous auriez cumulé seulement (!) un cinquième de la fortune moyenne des cinq milliardaires les plus riches. Côté français, Oxfam a calculé que si quelqu'un avait pu économiser l'équivalent de 8 000 euros par jour depuis le 14 juillet 1789, il n'arriverait aujourd'hui qu'à 1 % de la fortune de Bernard Arnault.
9,8 millions
C'est une statistique établie par l'INSEE qu'Oxfam relaie également dans son rapport : le taux de pauvreté a progressé de 14,1 % à 14,7 % entre 2017 et 2018 en France, ce qui signifie que l'Hexagone compte désormais 9,8 millions de pauvres.
2,4 milliards
D'ici 2025, jusqu'à 2,4 milliards de personnes dans le monde pourraient vivre dans des zones où les réserves d'eau sont insuffisantes à cause du changement climatique. Dans un rapport récemment paru, le Forum Économique Mondial classe aussi, pour la première fois, cinq risques relatifs à l'environnement parmi ceux dont la « probabilité » est la plus élevée (« Météo extrême », « Echec de l'action pour le climat », « Catastrophes naturelles », « Recul de la biodiversité » et « Désastres environnementaux causés par les êtres humains »).
0,5 %
Une imposition de 0,5 % supplémentaire sur la fortune des 1 % les plus riches - sur une période de 10 ans et à l'échelle mondiale - permettrait de collecter autant que les investissements requis pour créer 117 millions d'emplois dans l'éducation, la santé et l'accompagnement des seniors, entre autres secteurs.
31 %
Entre 2011 et 2017, les salaires moyens dans les pays du G7 ont augmenté de 3 %, alors que les dividendes versés aux actionnaires les plus riches ont bondi de 31 %. En cause, la façon dont les très grandes fortunes se dérobent à leurs responsabilités fiscales, grâce à des taux d'imposition très faibles dans certains pays.
80 %
Sur les quelque 67 millions de travailleuses et de travailleurs domestiques dans le monde, 80 % sont des femmes. Oxfam estime que 90 % de la main d'oeuvre domestique ne jouit d'aucun accès à un système de sécurité sociale.
Dernière image mobilisée par Oxfam (et dont il faut, au passage, souligner la créativité) : si chaque personne s'asseyait sur ses richesses sous la forme de billets de 100 dollars empilés les uns sur les autres, la plus grande partie de l'humanité serait assise sur le sol. Une personne de la classe moyenne vivant dans un pays riche serait assise à la hauteur d'une chaise et « les deux hommes les plus riches au monde se retrouveraient dans l'espace ». Ou quand les inégalités mondiales deviennent littéralement lunaires.