25/01/2020 2 articles mondialisation.ca  7 min #168016

L'Iran prêt à attaquer de nouveau: les forces Us quitteront-elles l'Irak?

L'Irak s'apprête à tenir des manifestations regroupant un million de contestataires en réponse à l'appel du leader chiite irakien Sayyed Moqtada al-Sadr, pour montrer la solidarité du peuple irakien à l'appel au retrait immédiat de la coalition dirigée par les USA et de toutes les forces étrangères basées dans le pays. Les préparations sont en cours pour amener les civils, les familles, les militants et les compagnons d'armes du commandant des Forces de mobilisation populaire (FMP) Abou Mahdi al-Muhandes à descendre dans les rues pour lancer un message aux forces étrangères dirigées par les USA. Il s'agit là d'un message pacifique, le premier du genre. Mais il est peu probable que les messages qui suivront soient très pacifiques. La coalition dirigée par les USA partira-t-elle en paix?

Selon un officier de haut rang au sein de l'Axe de la résistance, « l'Iran s'est juré de venger ses officiers assassinés à l'aéroport de Bagdad, le major général Qassem Soleimani et ses compagnons, le brigadier général Hossein PourJafari, le colonel Shahroud Mozaffarinia, le major Hadi Taremi et le capitaine Vahid Zamanian. Cette attaque a porté un coup très dur. L'Iran ne s'attendait pas à ce que les USA se lancent dans une guerre ouverte alors que le président Donald Trump s'apprête à lancer sa campagne électorale. L'Iran n'avait pas prévu cette erreur de jugement des USA quant aux conséquences d'un acte de guerre pareil. L'Iran a maintenant fait le bilan de la situation, a assumé ses pertes et se prépare à faire en sorte que l'assassinat de ses officiers reste dans la mémoire des USA pendant de nombreuses années ».

Pour les forces US, quelles sont les options envisageables? Comment les Irakiens réagiront‑ils à la présence de ces militaires sur le point d'être désignés comme une force occupante, légitimant ainsi toute attaque armée de la résistance contre les USA? L'Iran se prépare-t-il à une « guerre par l'entremise de ses alliés »?

Les options sont en fait très claires : soit que les forces US restent en Irak et subissent des attaques, soit qu'elles partent pour de bon. Les forces US ne peuvent rester dans les zones sous contrôle chiite. Elles pourraient bien rester à court terme dans le désert de l'Anbar à l'ouest, proche de la frontière syrienne, ou encore se déplacer dans le Kurdistan irakien.

Les bases US au Kurdistan ne sont pas à l'abri de représailles iraniennes éventuelles. Le bombardement iranien d'Ayn al-Assad et de la base US à Erbil était un message pour dire à Trump qu'aucune base en Irak n'est sûre. L'Iran a des amis et des alliés dans le Kurdistan irakien et peut rendre la vie dure aux forces US.

Toute tentative des USA de séparer le Kurdistan de Bagdad soulèvera de vives réactions de la part des Turcs et des Iraniens. Cela forcera aussi Bagdad à cesser d'aider financièrement la région et cela se ressentira à Kirkouk, riche en pétrole, qui est sous le contrôle des forces gouvernementales irakiennes et ne fait plus partie de la région irakienne du Kurdistan.

Toutes les bases militaires en Irak sont occupées par deux forces distinctes : une partie est sous le contrôle des forces irakiennes et l'autre sous le contrôle des forces US. Le premier ministre irakien n'aura pas d'autre choix que d'ordonner le retrait de toutes les forces irakiennes des bases où les troupes US se sont établies une fois qu'elles seront officiellement désignées comme une force d'occupation qui refuse de s'en aller. Cela permettra à la résistance irakienne d'attaquer les bases sans risque de faire de victimes irakiennes.

De plus, il est dorénavant trop dangereux pour les USA de poursuivre leurs programmes d'entraînement militaire. Les forces US pourraient être attaquées pendant les séances d'entraînement par des Irakiens désireux de les voir partir. Les amis des membres des brigades 45 et 46, que les USA ont attaqués à la frontière irako-syrienne, et ceux qui sont fidèles à leur commandant Abou Mahdi, n'hésiteront pas à s'en prendre au personnel militaire américain à la première occasion.

Aucune société pétrolière américaine ne peut rester en Irak non plus, car les membres du personnel provenant des USA risquent de devenir des cibles vulnérables susceptibles de se faire enlever ou d'être tués par des Irakiens. Aucune force ne peut protéger les sociétés américaines et l'Irak n'aura aucune difficulté à permettre à la Chine de les remplacer (la Chine a déjà exprimé sa volonté de dédommager les sociétés étrangères prêtes à partir). Les assassinats ciblés auront des conséquences terribles pour les USA en général.

L'Iran a livré des missiles de précision aux Irakiens, qui sont prêts à venger leur commandant assassiné Abou Mahdi al-Muhandes en expulsant les USA hors de la Mésopotamie. L'Iran ne demande pas mieux que de livrer tous les missiles de précision qu'il faut pour remplir les entrepôts irakiens et voir le nombre de victimes américaines grimper juste avant le déclenchement officiel de la prochaine campagne présidentielle aux USA! Il y a peu d'espoir pour Trump qu'il termine ses années à la présidence sans morts ni blessés dans les rangs de ses forces en Irak et en Syrie.

En Syrie, les forces US sont présentes autour des champs pétrolifères, mais les USA en retirent peu d'avantages. Trump a dit ne pas avoir besoin du  pétrole du Moyen-Orient, avouant ainsi que dans les faits, sa décision de rester ne repose que sur un seul objectif : plaire à Israël.

Israël tire avantage de la présence des USA à Al-Tanf et au nord-est de la Syrie en s'attaquant à des cibles en Syrie tout en violant l'espace aérien irakien. Israël se cache derrière la présence américaine pour intimider l'Iran et ses alliés et les dissuader d'user de représailles pour les centaines d'attaques menées contre eux ces dernières années. Trump aura beaucoup de difficulté à justifier les pertes dans les rangs du personnel militaire américain pour le motif de pouvoir voler le  pétrole syrien. La présence américaine est une raison légitime pour les Syriens et leurs alliés de riposter contre les forces occupantes qui prennent de force le pétrole syrien et qui ont cessé de combattre Daech.

Toute tentative de mobiliser des protestataires et de mettre le feu aux bureaux et aux institutions du gouvernement ne sera plus prise à la légère sans rien faire par la résistance irakienne s'il y a des preuves d'une implication américaine dans les coulisses.

Sayyed Moqtada al-Sadr a pris les commandes de la résistance contre la présence américaine. Il est aujourd'hui reconnu comme le leader de la résistance, en rassemblant sous son aile tous les groupes qui se sont battus contre Daech en Irak et en Syrie. C'est un poste qui convient à Sayyed Moqtada tant qu'il continuera à remplir son rôle.

Les partisans sadristes peuvent facilement causer la pagaille dans les rangs des forces US. Moqtada al-Sadr possède une longue expérience de combat contre les USA et Washington le sait. S'il hésite, d'autres leaders se pointeront. Les alliés de l'Irak au sein de l'Axe de la Résistance sont également présents en Irak, prêts à intervenir. Les USA ne tarderont pas à prendre conscience des conséquences de leurs assassinats ciblés, de leurs violations de la souveraineté de l'Irak ET de leur véritable déclaration de guerre contre l'Iran.

La table est mise. Trump et l'Iran se livrent une guerre non déclarée. Les forces US occupent un terrain que l'Iran et ses alliés connaissent très bien, où ils peuvent de déplacer plus librement que les forces US. L'Irak d'abord, puis la Syrie, sont les champs de bataille choisis.

Elijah J. Magnier

Traduit de l'anglais par Daniel G.

 Irak: manifestation monstre à Bagdad contre l'occupation américaine

Le 24 janvier 2020. Source : RFI

En Irak, des milliers de manifestants marchent ce 24 janvier contre la présence américaine dans le pays. REUTERS

La source originale de cet article est  ejmagnier.com
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