26/01/2020 reseauinternational.net  5 min #168032

Les 75 ans de la libération du camp nazi d'Auschwitz-Birkenau par l'armée soviétique : un problème majeur dans ce monde atlantiste

Dans son obsession pour la Russie, le gouvernement polonais se précipite maintenant tête baissée dans un révisionnisme écœurant de l'Holocauste

par Nebojsa Malic.

La guerre de mots entre la Pologne et la Russie au sujet de la Seconde Guerre Mondiale a pris une tournure désastreuse, le Président polonais refusant d'assister à un mémorial de l'Holocauste en Israël et son Premier Ministre accusant l'Union Soviétique d'avoir retardé la libération d'Auschwitz.

Le Président Andrzej Duda a refusé l'invitation au Forum Mondial sur l'Holocauste à Yad Vashem jeudi, en signe de protestation contre le fait que le Président russe Vladimir Poutine a été invité à s'exprimer lors de l'événement alors que lui ne l'était pas. À la place, Duda présidera la cérémonie commémorative à Auschwitz lundi - à laquelle son gouvernement n'a délibérément pas invité Poutine.

La Journée Internationale de Commémoration de l'Holocauste est célébrée le 27 janvier car à cette date, en 1945, les troupes de l'Armée Rouge ont libéré le tristement célèbre camp de la mort nazi à ce qui est aujourd'hui appelé Oswiecim. Pourtant, le gouvernement polonais actuel a refusé d'accorder à l'Union Soviétique le moindre crédit pour la libération d'Auschwitz - ou de la Pologne, d'ailleurs - en insistant plutôt sur le fait que leur pays était une victime purement innocente des nazis et des Soviétiques dans une mesure égale.

Le parti Droit et Justice (PiS) de Duda a même fait pression sur l'UE pour que cela soit déclaré comme un fait historique dans une résolution parlementaire - à la fureur de Moscou, qui considère que cela revient à cracher sur les tombes de près de 27 millions de citoyens soviétiques morts dans la guerre contre le régime d'Hitler, et de quelque 600 000 soldats qui ont péri pour libérer la Pologne en particulier.

Varsovie est allée jusqu'à ignorer complètement le 75e anniversaire de sa libération des nazis, le décrivant plutôt comme le début de « l'occupation » par l'URSS. Cependant, le nouveau coup bas a certainement été l'éditorial publié dans Politico cette semaine, dans lequel le Premier Ministre Mateusz Morawiecki a affirmé que les Soviétiques ont délibérément arrêté leur avancée à l'été 1944, au lieu de poursuivre vers la libération de Varsovie ou d'Auschwitz.

La porte-parole du Ministère russe des Affaires Étrangères, Maria Zakharova, a qualifié la diatribe de Morawiecki de « véritable suicide », notant que « dans ces quatre pages, le Premier Ministre polonais a tué sa propre humanité ».

Une femme âgée visite un cimetière militaire à Moscou où sont enterrés de nombreux vétérans de la Seconde Guerre mondiale. AFP / Dmitry Kostyukov

Selon elle, l'hostilité écrasante de la Pologne moderne à l'égard de la Russie va au-delà des griefs qui sont nés de siècles d'histoire partagée - et souvent litigieuse. Avec les autres voisins et rivaux historiques de la Pologne - tels que l'Allemagne et l'Autriche - désormais aux côtés de Varsovie dans une grande famille européenne prétendument heureuse, la Russie est devenue l'Autre sur lequel les nationalistes polonais peuvent projeter toutes leurs frustrations.

Les frustrations de la Guerre Froide n'expliquent pas tout, non plus. Si la Pologne tente de compenser le fait qu'elle était alors un vassal soviétique, la Hongrie voisine a connu une expérience encore plus turbulente entre 1945 et 1989, mais Budapest ne semble pas avoir de crises de russophobie.

Viktor Orban n'est pas moins nationaliste ou conservateur que Morawiecki - mais il est également pragmatique, tirant parti des relations avec Moscou pour maintenir l'UE en dehors des affaires de la Hongrie. La Pologne a les mêmes problèmes avec les instances de Bruxelles, mais elle a choisi de s'accrocher avec empressement au train russophobe de Washington à la place.

Cette approche du PiS semble correspondre aux tentatives de la Pologne de l'entre-deux-guerres de chercher des alliés à Londres et à Paris à la fin des années 1930, alors que ses relations avec l'Allemagne et l'URSS se détérioraient. La deuxième République Polonaise était considérée à l'Ouest comme une puissance révisionniste, détestée et méfiante, désireuse de se retourner contre des voisins comme la Tchécoslovaquie - comme elle l'a fait à Munich en 1938 - et la première à conclure un pacte avec Hitler, en 1934. Duda a crié en signe de protestation lorsque Poutine a qualifié d'antisémite l'Ambassadeur de Pologne à Berlin dans les années 1930, mais les archives historiques montrent que le Président russe avait raison.

Adolf Hitler en conversation avec l'Ambassadeur polonais Jozef Lipski, 1er janvier 1935 (Berliner Illustrirte Zeitung) © Getty Images/Heinrich Hoffmann

Les ressemblances ne s'arrêtent pas là. La junte établie par le Maréchal Jozef Pilsudski rêvait d'un méga-État « intermarium » entre la Baltique et la Mer Noire, dirigé par la Pologne et servant de tampon entre l'Europe Occidentale et l'URSS, qu'elle cherchait à démanteler. L'idée a été  ressuscitée à l'époque moderne sous le nom « d'Initiative des Trois Mers », cette fois avec le soutien de l'OTAN.

Ces politiques ont été un échec à l'époque, et il n'y a aucune raison de croire qu'elles feront mieux aujourd'hui. Pourtant, Duda et Morawiecki sont tellement déterminés à rejouer cette période particulière de l'histoire polonaise qu'ils accusent l'URSS d'être complice de l'Holocauste. C'est tout simplement ignoble.

C'est aussi mesquin, insensé et finalement autodestructeur, car cela déshonore la mémoire non seulement des soldats soviétiques qui ont donné leur vie pour vaincre Hitler, mais aussi des nombreux Polonais qui ont combattu et sont morts à leurs côtés.

source :  In its obsession with Russia, Polish government now rushes headlong into disgusting Holocaust revisionism

traduit par  Réseau International

 reseauinternational.net

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