15/02/2020 ism-france.org  6 min #169029

La nouvelle unité de santé mentale de Gaza : un projet de contrôle psychologique

Par Samah Jabr
En mars, un hôpital de campagne construit par le groupe d'aide humanitaire israélien Natan en collaboration avec l'organisation chrétienne évangélique américaine Friend Ships commencera à fonctionner dans le nord de la bande de Gaza, près du passage d'Erez.
Les autorités de Ramallah occupée ont affirmé que le projet, dirigé par des donateurs pro-israéliens, est une façade pour les opérations de renseignement américaines et israéliennes.

Le Premier ministre de l'AP, Mohammed Shtayyeh, a accusé l'hôpital de servir le "plan de paix" de l'administration Trump ; mais malheureusement, les protestations visaient davantage à nuire à l'image publique des autorités de Gaza qu'à analyser et à expliquer aux Palestiniens, y compris aux autorités de Gaza, les préjudices à attendre d'un tel projet. En réaction, le porte-parole du Hamas, Hazem Qassim, s'est montré sur la défensive, déclarant à Dunya Al-Watan : "Ils [l'Autorité palestinienne] ont tissé [leurs craintes] avec des informations imaginaires."

J'ai vu des annonces appelant des volontaires internationaux, y compris des professionnels de la santé mentale, à travailler sur le projet, et j'ai découvert ce qui suit :

Natan, une "organisation humanitaire à but non lucratif" basée à Tel-Aviv, fait partie de ce projet et fournit des soins psychologiques, entre autres, par l'intermédiaire de détenteurs de passeports non israéliens engagés pour fournir des services de santé à Gaza.

Friend Ships-Natan ont également fait équipe pour fournir des soins médicaux aux Syriens du côté contrôlé par la Syrie du plateau du Golan occupé.

Dans son appel aux volontaires, Natan déclare : "Ce nouveau centre de santé peut avoir une influence directe sur la sécurité israélienne en réduisant la menace de violence de Gaza par l'amélioration de la qualité de vie des civils qui y vivent". L'organisation utilise le langage courant israélien pour décrire les Palestiniens comme une menace qui doit être contrôlée de toutes les manières possibles ; il n'y a rien à propos de la justice, de l'occupation ou de la levée du siège. Dans ce cas, "améliorer la qualité de vie des civils sur place" est une méthode stratégique de contrôle et d'hégémonie.

L'appel mentionne en particulier un membre du conseil d'administration de Natan, le major général Matan Vilnai, ancien chef d'état-major adjoint de l'armée israélienne, qui est consulté pour assurer la sécurité des volontaires. L'appel ne mentionne cependant pas que cet homme a été accusé de crimes contre l'humanité lors du bombardement de Gaza en 2009. Il ne mentionne pas non plus ses menaces de génocide lancées aux habitants de Gaza lorsqu'il affirmait que les Gazaouis "entraîneront une plus grande Shoah parce que nous utiliserons toutes nos forces pour nous défendre", utilisant le mot hébreu normalement réservé pour désigner l'Holocauste juif.

Le personnel et les bénévoles du nouveau centre médical entreront dans le camp depuis Israël et les patients depuis le côté palestinien par des points de contrôle contrôlés par les forces d'occupation israéliennes choisies selon les normes de Vilnai ; tant pis pour l'humanitarisme !

Les politiques américaines soutenues par Israël ont sapé le secteur de la santé, en particulier à Gaza. Il y a une pénurie importante de soins de santé, de médicaments et de fournitures médicales que personne ne peut nier. En apparence, le camp de soins de santé semble être un effort pour atténuer cette situation voulue, mais en fait, c'est une façon d'imposer plus de contrôle et de dépendance aux plus vulnérables parmi les Palestiniens.

Israël a négocié avec des patients palestiniens espérant quitter la bande de Gaza pour se faire soigner, les transformant en informateurs contre leur peuple en échange de permis de sortie pour accéder aux soins médicaux. Il a également empêché les parents d'accompagner leurs enfants très malades hors de Gaza, laissant des mineurs mourir seuls dans les hôpitaux de Jérusalem.

Israël a imposé un siège, détérioré les infrastructures et provoqué une situation humanitaire dramatique à Gaza, la laissant avide d'aide et dépendante des offres humanitaires étrangères. Ces circonstances terribles ont rendu ceux gèrent Gaza aveugles au préjudice psychologique et moral certain de ce projet qui permet à Israël de se laver les mains après tout le sang qu'il a versé dans la Bande et d'être à la fois l'auteur et le guérisseur dans une dynamique de traumatisme très complexe.

Un centre de santé gardé par l'armée israélienne est l'antithèse d'un lieu sûr nécessaire pour les soins psychologiques ; un thérapeute bénévole qui accepte le postulat d'un projet qui vise à améliorer la sécurité d'"Israël" et à contrôler la "violence" palestinienne n'a pas la sensibilisation nécessaire et l'empathie requise pour être thérapeute pour les Gazaouis ; en fait, et au mieux, il s'agit d'un projet d'amélioration des relations publiques pour Israël et la garantie d'une aventure professionnelle excitante pour des bénévoles dans une zone traumatisée.

Bien sûr, l'utilisation de ce complexe sanitaire comporte d'autres risques politiques et sécuritaires potentiels ; mater la Marche du Retour et dépouiller la véritable solidarité internationale qui envoie la Flottille de la Liberté avec une petite quantité d'aide médicale à Gaza. Dans un article précédent, j'ai mentionné qu'"un rapport de la Force des Nations unies chargée d'observer le désengagement (FNUOD) a révélé qu'Israël a collaboré avec des groupes jihadistes salafistes dans le Golan syrien occupé ; cette collaboration ne s'est pas limitée à offrir une aide médicale aux membres blessés de Jabhat Al-Nusra. Au contraire, des rapports ont décrit le transfert de fournitures non spécifiées d'Israël vers les Syriens, ainsi que des incidents au cours desquels les soldats israéliens ont permis le libre passage à des Syriens qui n'étaient pas blessés".

Je crains que ce projet n'envoie pas seulement le matériel et l'équipement de la frontière syrienne à la frontière de Gaza, mais aussi le savoir-faire de l'utilisation du rapport thérapeutique et de l'intimité médicale pour espionner la population, créer des divisions et recruter des informateurs et des collaborateurs.

Le 11 novembre 2018, huit agents israéliens infiltrés, déguisés en membres d'une famille palestinienne, sont entrés dans la bande de Gaza dans le but d'installer des dispositifs d'écoute sur le système de communication privé du Hamas. Les enquêtes ont révélé que l'unité israélienne a utilisé des logiciels espions et du matériel de forage qui sont entrés à Gaza sous la couverture de l'organisation humanitaire internationale Humedica, un organisme basé en Allemagne qui fournit de l'aide à Gaza.

Le directeur de secteur Joao Santos, titulaire d'un passeport portugais, a fui Gaza un jour après l'échec de l'opération. On dit qu'il est bénévole.

A une époque où la politique internationale permet à Israël d'avoir un contrôle total sur la terre et les ressources, l'humanitarisme est utilisé pour permettre le contrôle des esprits palestiniens. L'humanitarisme peut être un masque trompeur pour des intentions sadiques et le maintien de l'emprise des Israéliens sur les Palestiniens. Promouvoir l'indépendance des Palestiniens et mettre fin immédiatement à la partition entre Gaza et la Cisjordanie est la bonne réponse à cela. Les professionnels et les services de santé mentale palestiniens en Cisjordanie sont impatients d'apporter une réponse et de répondre aux besoins de ceux qui se trouvent à Gaza dès que nous aurons les mains libres.

Source :  Middle East Monitor

Traduction : MR pour ISM

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