21/02/2020 chroniquepalestine.com  6min #169298

Pour Angela Merkel, c'est « Israël über alles ! »

Un jeune manifestant palestinien blessé par les tirs israéliens à la clôture séparant Gaza sous blocus des territoires israéliens [Palestine de 1948] - Photo: ActiveStills

Par  Iqbal Jassat

Peu de temps après sa visite en Afrique du Sud, le gouvernement de la chancelière allemande Angela Merkel a fait une annonce choquante en défendant le bilan criminel d'Israël et ses graves violations des droits de l'homme.

L'Allemagne a pris la décision honteuse de saper le droit international en contestant la compétence de La Haye, affirmant que la Cour pénale internationale (CPI) n'a pas le pouvoir d'enquêter sur les crimes de guerre d'Israël contre les Palestiniens.

Dans une pétition déposée auprès de la CPI, le gouvernement de Merkel a demandé à être « amicus curiae » [contributeur non lié à la question judiciaire] afin d'empêcher la Haye de poursuivre le régime de Netanyahu.

Après de longues périodes de procrastination, la procureur de la CPI, Fatou Bensouda, a finalement annoncé en décembre qu'il existait une base raisonnable pour enquêter sur les actions d'Israël.

Elle a cependant laissé un trou béant qui est exploité par Israël et ses alliés comme l'Allemagne. Bensouda a demandé à La Haye de se prononcer sur la question de sa compétence, ce qui pourrait dévoyer et miner toute possibilité de poursuivre et de punir les criminels de guerre du régime colonialiste.

Et cela bien que le Bureau du Procureur ait insisté sur le fait qu'Israël avait détruit des propriétés palestiniennes, expulsé de force des Palestiniens de la Cisjordanie occupée et de Jérusalem-Est. Bensouda a également inclus dans son acte d'accusation des crimes de guerre commis dans la bande de Gaza occupée pendant l'opération Bordure protectrice de 2014, en plus de l'opération israélienne d'évacuation des résidents palestiniens du village bédouin de Khan al-Ahmar et la construction de colonies en Cisjordanie.

La décision peu judicieuse de Merkel de prendre le parti d'Israël renforce l'attaque de Netanyahu contre la CPI. Dans une récente interview accordée à une chaîne de télévision chrétienne, le dirigeant israélien qui a été inculpé de fraude et de corruption, a faussement affirmé que la CPI était dans une « attaque frontale » contre les Juifs et a appelé avec culot à des sanctions contre La Haye.

L'argument de l'Allemagne dans sa pétition ressemble à un « copier-coller » des déclarations d'Israël qui prétend que la compétence de la CPI ne s'étend pas aux territoires palestiniens occupés car la Palestine n'est pas un État. Étrangement, [l'Allemagne] ignore ainsi le fait que la Palestine est signataire du Statut de Rome de la CPI.

Non seulement il est malhonnête de la part de l'Allemagne de ne pas respecter les droits de la Palestine, mais en tentant d'induire la CPI en erreur, le gouvernement Merkel légitime sept décennies de déshumanisation des Palestiniens par Israël.

Alors que la collusion honteuse de Merkel avec Netanyahu peut être vue par certains comme une aubaine pour lui à un moment où il risque la prison, pour les Palestiniens, il est clair que l'Allemagne a trahi leur juste et légitime cause pour la justice. Sinon, comment les familles de martyrs peuvent-elle interpréter la très choquante et injuste pétition de Merkel, qui prétend que la CPI n'a même pas le pouvoir de discuter si Israël a commis des crimes de guerre ?

L'Allemagne étant l'un des principaux États membres du Tribunal de La Haye, elle a l'avantage injustifié de pouvoir influencer un résultat qui nuira aux revendications de justice des Palestiniens. La décision si flagrante de Merkel de se ranger du côté de Netanyahu est donc un abus de pouvoir en raison de sa position privilégiée lors des audiences.

Les derniers rapports indiquent qu'en plus de l'Allemagne, Israël est activement impliqué dans le recrutement de nombreux pays pour plaider en son nom en tant que « mandataires non officiels », car lui-même a choisi de ne pas participer afin « d'éviter de conférer une légitimité » à la CPI.

La Hongrie et la République tchèque ainsi que l'Autriche, l'Australie et le Canada se sont tous associés pour soutenir l'impunité d'Israël.

Bien que le procureur Bensouda estime que la Palestine soit « suffisamment un État » pour transférer la juridiction pénale sur son territoire à La Haye, sa demande de faire vérifier ce point de vue peut faire échouer l'enquête étant donné la bataille juridique sur la définition de ce qui constitue un « État ».

L'attaque contre la CPI - avec les appels de Netanyahu à la sanctionner - survient juste après la publication par l'ONU d'une  liste de 112 sociétés liées aux colonies illégales d'Israël. Et dans le même esprit contraire à l'éthique, le régime d'apartheid a attaqué le commissaire des Nations Unies en tant que partenaire et outil du  mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanctions).

Se ranger du côté d'Israël pour blanchir ses terribles crimes contre les Palestiniens peut permettre à Merkel d'échapper à la colère d'Israël, mais cela place l'Allemagne du mauvais côté de l'Histoire -  encore une fois !

Bien qu'il semble incongru que l'Allemagne et une poignée de pays veuillent empêcher l'exercice de la justice par La Haye - ce qu'ils s'efforcent pourtant de faire - il est vrai qu'en ce qui concerne les Palestiniens, le fait de se ranger du côté d'Israël permet à cet État-voyou de continuer à commettre des crimes de guerre et des violations du droit international humanitaire.

Certains commentateurs ont fait valoir à juste titre que cette défense absurde de la conduite criminelle systématique d'Israël pouvait représenter un coup mortel pour la CPI.

La crainte exprimée est que l'action de la chancelière Merkel soit à courte vue en créant un trou noir légal dans les territoires palestiniens occupés qui pourrait entraîner la destruction d'une CPI déjà fortement décrédibilisée.

Israël espère qu'en déformant les faits et en déplaçant les objectifs de la CPI, il en sortira indemne. Ses espoirs reposent sur la chancelière Merkel en tant que principal dirigeant européen pour détourner La Haye de ses responsabilités en l'engageant dans une bataille sémantique juridique vide de sens telle que la question de la « juridiction » et en contestant la ratification par la Palestine du Statut de Rome.

Alors que les juristes internationaux seront occupés (jeu de mots) dans le débat sur les concepts juridiques, il appartient à des pays tels que l'Afrique du Sud d'élever la voix contre les diversions juridiques.

Le silence face à cet obstacle juridique fabriqué de toutes pièces sera interprété comme un échec à faire respecter et à défendre les droits humains palestiniens.

* Iqbal Jassat est membre exécutif du  Media Review Network basé en Afrique du Sud.

17 février 2020 -  The Palestine Chronicle - Traduction :  Chronique de Palestine

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