Entretien avec Eugénie Mérieau, autrice de La dictature, une antithèse de la démocratie ?, un ouvrage passionnant qui déconstruit les idées reçues sur les régimes autoritaires.
Fin janvier, dans un avion le ramenant d'Israël, Emmanuel Macron dénonçait « les discours politiques extraordinairement coupables » qui affirment que la France est devenue une dictature et qui justifieraient, selon lui, la violence politique et sociale. « S'est installé dans notre société l'idée que nous ne serions plus dans une démocratie, affirmait-il alors. Mais allez en dictature ! Une dictature c'est un régime où une personne ou un clan décide des lois. Une dictature c'est un régime où on ne change pas les dirigeants, jamais. Si la France c'est ça, essayez la dictature et vous verrez ! »
Que révèle cette prise de position ? Les régimes autoritaires exercent-ils leur pouvoir sans le consentement des populations ? Et quelle réalité politique le terme de « démocratie » recouvre-t-il vraiment en Occident ? La politiste et juriste Eugénie Mérieau, chercheuse au Centre d'Etudes du Droit Asiatique à l'Université Nationale de Singapour, publiait justement, à la fin de l'année 2019, La dictature, une antithèse de la démocratie ? (éditions Le cavalier bleu). Un ouvrage en forme de déconstruction de 20 idées reçues sur les régimes autoritaires, qui répond avec nuance et clarté à toutes ces questions. Entretien.
Usbek & Rica : La récente prise de parole d'Emmanuel Macron ressemble à s'y méprendre au point de départ de votre livre, à savoir les déclarations du type « Allez donc vivre en Corée du Nord si vous trouvez la France liberticide ! » Que révèle la persistance de ce type de discours, d'après vous ?
Eugénie Mérieau : Le propos d'Emmanuel Macron est révélateur d'un discours dominant visant à légitimer l'ordre existant d'une démocratie imparfaite dont il faudrait se contenter sous prétexte qu'il y a « pire ailleurs ». « La démocratie est le pire des régimes à l'exception de tous les autres » : au-delà de la faiblesse de l'argument, il s'agit d'un raisonnement syllogique en trois temps, extrêmement banal et surtout tautologique, qui se déroule comme suit. La dictature c'est l'enfer. Or, la dictature est l'antithèse de la démocratie. Donc la démocratie est une sorte de paradis.
L'objectif de mon livre est précisément de révéler, par une étude empirique, la fausseté des prémisses du syllogisme - au lecteur d'en tirer la conclusion qu'il jugera la plus pertinente concernant l'état de la démocratie en France. L'irréductible antinomie des dictatures et des démocraties repose sur une construction binaire simpliste : élections/pas d'élections, droit/arbitraire, violence/légitimité. Or, les régimes autoritaires procèdent à des élections, cherchent à minimiser la violence et à accroître leur légitimité, et se fondent sur le droit pour gouverner, tout comme les démocraties.
Par ailleurs, réduire au silence toute critique de la démocratie par l'invocation de l'enfer de la dictature est un procédé rendu encore plus contestable dans le contexte actuel. Il recèle une grande violence à l'égard de toutes les victimes de la répression policière, notamment des éborgnés du mouvement social. Pire encore, son mode réducteur et totalisant vise à étouffer toute critique, à annihiler tout imaginaire pour venir enfermer la pensée dans le discours du « There Is No Alternative » [ selon la celèbre déclaration de l'ex-dirigeante britannique Margaret Thatcher, ndlr].
« On note bien une détérioration de la qualité de la démocratie en France »
En réalité, la dictature ne renvoie pas à une catégorie d'analyse que l'on pourrait définir à la Aristote, par des critères nécessaires et suffisants, qui correspondraient à la négation de l'idéal démocratique : absence d'élections, impossibilité d'un changement de leader... Caractéristiques qui d'ailleurs n'ont qu'un fondement empirique des plus ténus au XXIe siècle. Tout comme le terme « populisme », celui de dictature renvoie davantage à un discours politique dénonçant une pratique illégitime du pouvoir. Et l'illégitimité est une appréciation contextuelle, située historiquement et socialement par rapport à l'expérience d'une société donnée.
Or, de 2015 à 2017, au cours des deux ans d' état d'urgence, l'Etat français a procédé à 4 500 perquisitions administratives, et 750 assignations à résidence, sans parler de l'interdiction administrative de manifester pour le climat lors de la COP21 ; de 2018 à 2020, au cours du mouvement des gilets jaunes, le gouvernement a présidé à 25 éborgnements, 10 000 gardes à vue, 400 condamnations à des peines de prison ferme. Il ne s'agit ici que de constater le récent recul sur les droits humains, tel que « noté avec une profonde inquiétude » par le Haut-Commissariat aux Droits de l'Homme des Nations Unies. On note bien une détérioration de la qualité de la démocratie en France, telle qu'enregistrée par les indicateurs de V-Dem mesurant les évolutions dans le temps des régimes politiques à travers le monde.
Autoritarisme : les raisons d'un succèsAutoritarisme : les raisons d'un succès que l'on assiste à un double mouvement de « libéralisation des régimes autoritaires » et de « dé-démocratisation des démocraties libérales ». Quels seraient les symboles récents de ce double mouvement ?
Le point de rencontre évident entre dictature et démocratie est l'état d'urgence, ou la loi martiale, pour son versant militaire. Mais enfin il s'agit de la même chose. Dans les dictatures comme dans les démocraties, les violences à l'égard des populations civiles se font en application des instruments juridiques d'état d'urgence : arrestations et détention préventives, surveillance des populations, perquisitions administratives, interdiction administrative de se réunir et de manifester, entraves à la liberté de circuler.
L'état d'urgence est cet état transitoire, ce « sas » faisant basculer une démocratie dans une dictature. Le mot dictature désignait d'ailleurs durant la République romaine l'état d'urgence, qui devait se limiter à six mois, et c'est la dictature de Jules César qui, se prolongeant à dix ans puis à vie, mit la République à l'agonie, pour donner naissance à l'Empire en 27 avant Jésus-Christ.
Ce que l'état d'urgence nous donne à voir, c'est qu'il n'y a pas de frontière rigide entre démocratie et dictature, mais une grande fluidité. L'état d'urgence, de par sa présence dans les ordres juridiques de tous les Etats du monde - démocratie comme dictature - est une menace permanente. Car il est en réalité au fondement même de l'Etat - c'est la raison d'Etat - et la condition préalable d'existence de toute constitution. Rappelez-vous la loi martiale, l'une des premières lois votées par la Constituante pendant la Révolution française, promulguée dès octobre 1789, et utilisée pour fusiller les manifestants du Champ de mars en 1791 avant même la promulgation de la première Constitution française.
« Il existe entre les États démocratiques et autoritaires une parenté des formes d'exercice du pouvoir »
Parmi les marques distinctives de la dictature, le coup d'Etat figure en bonne position. Faut-il rappeler que ce dernier est avant tout une « proclamation de la loi martiale », en application du droit d'exception existant ? De la même manière, la répression violente de manifestations, dont l'emblème semble être aujourd'hui, pour des raisons géopolitiques évidentes, l'envoi des chars sur Tiannanmen, s'est également déroulée dans le cadre de la proclamation de l'état d'urgence.
Force est de constater qu'il existe en réalité entre les États démocratiques et autoritaires une parenté des formes d'exercice du pouvoir : des instances de légitimation et des instances de répression, qui prennent des formes variées mais néanmoins apparentées. Aujourd'hui, la majorité des régimes autoritaires organisent des élections, qui ne sont « truquées » que si par trucage s'entend l'« optimisation » en amont des règles du jeu électoral : conditions d'éligibilité des candidatures, découpage des circonscriptions, choix du mode de scrutin, loi sur les fake news, régulation des médias indépendants, chantage au chaos, à la guerre civile ou à l'effondrement économique en cas de « mauvais choix » par les électeurs... C'est ainsi que le People Action's Party est réélu régulièrement à Singapour tous les cinq ans depuis 1965. Les démocraties ne procèdent pas fondamentalement autrement.
Vous expliquez dans votre livre que la distinction très nette que l'on tend souvent à créer entre démocratie et dictature répond à un certain « confort intellectuel », mais aussi à un paradigme historique selon lequel l'Occident serait naturellement démocratique et l'Orient naturellement « à démocratiser ». Par quels mécanismes ce « conte moral », pour reprendre votre expression, continue-t-il d'opérer ?
Oui, il s'agit d'un conte moral visant à légitimer la domination de l'Occident sur le reste du monde en arguant de sa supériorité civilisationnelle, dont le dernier emblème en date est la démocratie. La logique à l'œuvre dans ce discours est d'ordre identitaire : distinction entre un « nous » démocratique et un « Autre » dictatorial qui rejoue la suprématie morale de l'homme blanc sur le reste du monde. Et même les démocraties prospères et consolidées, si tant est qu'elles soient orientales, ne sont pas acceptées comme jouant dans la même cour que les démocraties. On en a vu une démonstration récente avec le traitement de Carlos Ghosn, se dérobant à la justice nippone, qu'il répudie comme relevant d'un régime autoritaire - et ce, sans soulever de grande indignation ici.
Dans ce « conte moral », il s'agit de réduire les imaginaires politiques à une lutte symbolique entre Démocratie et Dictature, entre Bien et Mal, entre un Occident moderne et progressiste et un Orient barbare et archaïque. À cet égard, si la Corée du Nord n'existait pas, il faudrait l'inventer. Ce grand récit a une très longue histoire : on peut remonter aux Grecs, qui utilisaient le mot démocratie pour se distinguer des perses dits « barbares ».
« L'Europe a construit son identité en s'octroyant le monopole de l'héritage grec »
L'Europe a construit son identité en s'octroyant le monopole de l'héritage grec, tirant de ceci l'affirmation du principe d'une civilisation occidentale supérieure. Transposant la conception grecque antique du monde, l'Occident moderne se définit alors par opposition à un Orient barbare. Au siècle des Lumières, Montesquieu théorise le « despotisme de l'Orient » qu'il oppose à l'absolutisme européen. La modernité occidentale, articulée à partir du règne de la raison, de la science et de la loi, s'érige alors contre ce qu'elle perçoit comme la superstition, l'obscurantisme et le despotisme de l'Orient, sa parfaite négation.
Friedrich Hegel, au début du XIXe siècle, pose le principe d'un caractère cumulatif et directionnel de l'histoire : un mouvement de l'Orient vers l'Occident, du despotisme vers la liberté, dont la réalisation devait représenter la fin de l'histoire. Dans la seconde moitié du siècle, alors que le darwinisme est très en vogue, les notions de primitif et de civilisé deviennent de véritables catégories scientifiques. L'Europe s'engage dans une « mission civilisatrice » visant à apporter « la modernité » aux peuples « restés dans l'enfance » : c'est la colonisation.
Le XXe siècle, siècle des totalitarismes, est soumis à une même lecture morale. Selon le récit dominant de la chute d'Hitler, de Staline, ou de Mussolini, c'est la démocratie libérale qui a vaincu les forces obscures du totalitarisme. Mais on a tendance à passer sous silence que c'est en réalité un totalitarisme, l'Union Soviétique, qui a anéanti l'autre - l'Allemagne nazie. On préfère imaginer que le nazisme, le fascisme, et le communisme sont tombés parce que le bien triomphe toujours du mal. À la fin de la Guerre froide, la mission civilisatrice de l'Europe et des États-Unis se déplace : elle a désormais pour objet l'exportation de la démocratie dans le monde - il faut apporter la « modernité politique » aux sociétés non plus « primitives » mais « en développement ».
Depuis, on tend à découper le monde en deux entre d'un côté les démocraties libérales, occidentales et modernes, et de l'autre les dictatures, non-occidentales et traditionnelles, voire archaïques. Le destin naturel de ces dernières serait de « rattraper la marche de l'histoire » et d'épouser enfin la démocratie libérale, perçue comme norme et aspiration universelle. Le discours est intériorisé et les dirigeants des démocraties dites libérales y croient souvent sincèrement : c'est le cas de Nicolas Sarkozy lorsqu'il déclare « l'Afrique n'est pas entrée dans l'histoire » à Dakar.
Insister sur la nature « autoritaire » ou « dictatoriale » d'un régime en place permet aussi, bien souvent, de ne pas parler de la population régie par ce même régime. Je pense notamment au cas de la Corée du Nord, où l'attention portée par les médias internationaux sur la personnalité et sur les missiles nucléaires de Kim Jong-un éclipse souvent le sort des Nord-Coréens eux-mêmes.
Exactement. Ce discours n'a que faire du sort des populations ; il n'est pas motivé par des considérations idéalistes mais par des logiques réalistes de puissance drapées dans un discours moral. Surtout, la qualification autoritaire d'un régime est instrumentalisée par les démocraties pour se libérer des contraintes du droit international, en invoquant des discours ayant trait à la « guerre juste ». Les dictatures ainsi diabolisées par les démocraties se retrouvent victimes de sanctions économiques ou d'invasions sans mandat de l'ONU imposées par les démocraties, comme en Irak en 2003, ou en Libye en 2011, par exemple.
Quand une journaliste demande à Madeleine Albright, future secrétaire d'Etat sous Bill Clinton, si la mort des « 500 000 enfants irakiens » sous l'effet des sanctions « valaient le coup », Madeleine Albright - The deaths of 500,000 Iraqi children was worth it for Iraq's non existent WMD'sMadeleine Albright - The deaths of 500,000 Iraqi children was worth it for Iraq's non existent WMD's « oui, ça vaut le coup », de sacrifier la population civile pour « punir Saddam Hussein ». Quelle logique ! Les sanctions économiques, les exclusions, les guerres, même « préemptives », sont autant de violences perpétrées à l'égard des régimes dits dictatoriaux du fait même de leur désignation en tant que dictature : et ce sont in fine les populations qui souffrent, accablées d'une double-peine.
« [Il y a une] prévalence des valeurs masculinistes qui définissent la politique étrangère américaine »
L'obsession concernant les armes nucléaires de Kim Jong-un renvoie en outre au fait que les relations internationales sont toujours, au XXIe siècle, appréhendées en termes de rapports de force mesurés par la force de frappe militaire. Cette inertie de l'imagination peut s'expliquer par la prévalence des valeurs masculinistes qui définissent la politique étrangère américaine et dont l'arme nucléaire, référent phallique, représente en quelque sorte la quintessence. C'est ce que montrent notamment les travaux de la chercheuse Carol Cohn.
Vous écrivez que la théorie de la démocratisation par la modernisation s'est récemment « renouvelée sous l'effet du développement d'Internet et des réseaux sociaux », ce qui constitue en réalité un trompe-l'œil. Les outils numériques ne recèlent aucun « potentiel » démocratique d'après vous ? Les mouvements des gilets jaunes en France ou pro-démocratie à Hong Kong ne tirent-ils pas une grande partie de leur force de leur activisme en ligne, et plus particulièrement sur les réseaux sociaux ?
On n'a eu de cesse, en effet, de souligner le potentiel démocratique des technologies de télécommunication, qu'il s'agisse du rôle du fax dans les mobilisations de Tiannanmen Square, des téléphones mobiles lors du printemps asiatique des années 1990, ou de l'Internet et des réseaux sociaux pour les printemps arabes... Les technologies de télécommunications sont plus difficilement sujettes à monopole que d'autres technologies, traditionnellement utilisées par l'Etat, comme la statistique ou l'arme nucléaire par exemple. En ce sens, elles ont certes un potentiel émancipateur.
Néanmoins, toute technologie recèle des potentialités diverses selon l'usage qu'on en fait, le contenu qu'on lui donne, et les acteurs qui se l'approprient. L'Etat, premier utilisateur de technologies mobilise, pour son objectif de contrôle social, la technologie du droit, tantôt pour émanciper tantôt pour opprimer. « [La loi] doit être la même pour tous, soit qu'elle protège soit qu'elle punisse », affirme la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. À cet égard, l'école des études juridiques critiques, qui pose en hypothèse l'indétermination fondamentale de la règle de droit, affirme que son sens et son usage, malléable, doivent être l'enjeu de luttes politiques. En réalité, la question technologique est une question d'ordre pratique : comment s'approprier la technologie et se servir de son potentiel émancipateur contre son potentiel oppressif ?
On pensait que le progrès, assimilé à une occidentalisation, mènerait à une convergence démocratique mondiale fondant la paix perpétuelle : c'est dans les grandes lignes l'un des piliers du projet moderne. Mais la réalité est plus complexe, et l'histoire prouve la grande ambivalence du progrès technologique. À la vision utopique du progrès comme catalyseur de démocratie répond la vision dystopique d'un progrès technologique faisant muter la dictature en un monstre encore plus puissant, au contrôle de plus en plus total. C'est toute la force du roman 1984 de George Orwell.
Vous appuyez à la fin du livre la nécessité de « penser la possibilité d'assistes populaires à la dictature » : « La dictature répond certainement à un besoin d'autorité », écrivez-vous. N'est-ce pas justement « naturaliser » le désir des populations concernées, qui approuveraient les régimes autoritaires en raison d'un « désir » ontologique présent chez eux (et par extension, chez les êtres humains en général) ?
Loin de moi l'idée de parler d'une nature humaine ayant un besoin intrinsèque d'autorité. Mon propos vise au contraire à dénoncer l'invisibilisation des populations vivant en régime autoritaire par le discrédit porté sur leur vote. Que l'on dise que ces dernières ont subi « un lavage de cerveau », ou que les « élections sont truquées », cela revient à affirmer que les électeurs des régimes autoritaires ne doivent pas être écoutés ou pris au sérieux juste parce que le vainqueur déclaré est un militaire ou un autocrate.
Or, dans de nombreux pays, l'armée jouit réellement du soutien d'une partie de l'électorat, comme en Thaïlande par exemple, et dans de nombreux autres désignés comme des régimes autoritaires, les leaders sont mieux élus que les dirigeants des démocraties, en pourcentage des votes exprimés - à l'instar de Vladimir Poutine en Russie. Il est essentiel d'étudier pourquoi ces hommes sont soutenus par une part conséquente de la population plutôt que de balayer la question d'un revers de main.
« La dimension rationnelle de l'électeur d'un dictateur est souvent minimisée par rapport à ses émotions, à ses passions »
Aujourd'hui, la dimension rationnelle de l'électeur d'un « dictateur » est souvent minimisée par rapport à ses émotions, à ses passions : l'électeur est vu comme une victime passive de la démagogie d'un autocrate jouant avec ses peurs primitives. Adopter cette lecture est à mon sens problématique. Les études électorales classiques s'appliquent aux régimes autoritaires organisant des élections, soit la grande majorité des régimes autoritaires. De la même manière, l'étude de la dimension rationnelle des dirigeants autoritaires est souvent délaissée au profit d'études psychologiques sur leur narcissisme ou leur folie paranoïaque. L'utilité de ces approches à la compréhension du phénomène autoritaire est à mon sens assez faible.
Heureusement de nombreux travaux, aux Etats-Unis surtout, sont venus renouveler la discipline et combler cette lacune. Je pense notamment aux travaux de Ronald Wintrobe, qui applique les outils de la théorie du choix rationnel aux électeurs comme aux élus des régimes autoritaires.
Il faut reconnaître qu'il n'est pas rare que les populations choisissent en pleine conscience, par un vote, en régime démocratique comme autoritaire, l'ordre, la stabilité et l'autorité - valeurs plus rassurantes que le désordre, l'instabilité ou l'absence d'autorité. L'autorité, c'est une certaine « puissance d'agir », sur la scène internationale, ou face à des crises économiques, environnementales, etc. En ce sens, elle est rassurante. Il faut dans un premier temps accepter cette donnée, dans un second temps en analyser ses composantes pour dans un troisième temps y apporter des réponses adaptées.