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Covid-19: Les travailleurs mexicains de l'automobile demandent aux travailleurs américains et canadiens de les aider à fermer les usines

Par Andrea Lobo
24 mars 2020

Les travailleurs mexicains de General Motors réagissent aux grèves sauvages qui ont entraîné la fermeture de l'industrie automobile américaine en lançant un appel aux travailleurs américains et canadiens pour qu'ils les aident à fermer leurs propres usines afin d'empêcher la propagation du coronavirus.

Durant la grève nationale de 48.000 travailleurs de GM aux États-Unis l'automne dernier, les travailleurs du complexe de GM à Silao se sont organisés pour s'opposer aux heures supplémentaires obligatoires et aux accélérations de production que la compagnie a cherché à utiliser pour miner les effets de la grève au nord de la frontière. GM a riposté en licenciant au moins une douzaine de travailleurs et a riposté par des accélérations et d'autres abus. Un fonds de défense international a alors  recueilli des milliers de dollars pour la lutte des travailleurs licenciés de GM à Silao pour qu'ils réintègrent leur poste.

Des travailleurs de l'automobile de Silao

Bien que General Motors, ainsi que Ford et Fiat Chrysler, aient annoncé mercredi qu'ils allaient arrêter la production dans toute l'Amérique du Nord, les travailleurs du complexe de GM de Silao à Guanajuato ont informé le Bulletin d'information des travailleurs de l'automobile du WSWS qu'on leur ordonnait de continuer à travailler.

Les syndicats et les médias corporatifs ont complètement  occulté les nouvelles concernant les grèves sauvages, qui se sont étendues à plusieurs usines d'assemblage de Fiat Chrysler dans le Michigan et à Windsor dans l'Ontario, au Canada. Ces grèves s'inscrivent dans la continuité d'une vague mondiale de grèves sauvages qui a débuté dans des usines automobiles en Espagne et en Italie. Les travailleurs du Mexique ont indiqué que le Bulletin d'information des travailleurs de l'automobile du WSWS a été la seule source à faire état de cette vague de grèves.

Le gouvernement mexicain du président Andrés Manuel López Obrador a été largement dénoncé par les responsables de la santé pour son inaction et son manque de rigueur. Des cas de COVID-19 ont été confirmés dans les villes de Leon et Irapuato, où résident la plupart des travailleurs de l'usine de Silao.

Un travailleur du secteur des transmissions à Silao (GRX) a déclaré que son chef d'équipe avait lu un document officiel qui déclarait que, même si des cas étaient confirmés dans l'usine, «l'entreprise ne ferait que désinfecter, mettre en place l'utilisation de masques, demander aux travailleurs de garder leurs distances, et autres choses». Le chef d'équipe a déchiré le papier avec dégoût après l'avoir lu.

Matériel de nettoyage fourni par la direction du complexe de GM à Silao, 18 mars 2020

Ces reportages ont été confirmés vendredi par le quotidien mexicain El Economista, qui a écrit: «General Motors, le plus grand constructeur automobile du Mexique, a annoncé que ses activités de fabrication au Mexique se poursuivent normalement...»

Les travailleurs du secteur de l'assemblage à Silao signalent que la direction ne fournira que du «matériel de nettoyage» composé d'un vaporisateur avec de l'eau chlorée et des chiffons, et 10 minutes au début de chaque quart pour nettoyer les postes de travail. Les travailleuses enceintes bénéficient de congés de maladie.

Actuellement, Audi, Fiat-Chrysler, Ford, Honda et Toyota ont annoncé des arrêts partiels de deux à dix jours dans leurs usines mexicaines. Leurs annonces citent, non pas la nécessité d'arrêter la production jusqu'à ce que le danger de contagion passe, mais des «ajustements» pour répondre aux perturbations dans la chaîne d'approvisionnement et à la baisse de la demande. Les 3000 travailleurs de l'usine de motos et de pièces détachées de Honda à El Salto, Jalisco, continueront à travailler, ce qui a été confirmé au WSWS par un ancien employé.

Comme le rapportent plusieurs articles du WSWS, la direction du complexe de GM à Silao est connue pour donner aux travailleurs moins de dix minutes pour prendre leurs repas, ne pas laisser les travailleurs prendre des pauses pour aller aux toilettes, rejeter les demandes de congés maladie et licencier arbitrairement les travailleurs ayant des problèmes médicaux. «Il est triste que GM, en tant que société internationale, donne si peu de ressources pour protéger ses travailleurs: les dirigeants ne viennent pas travailler», a noté une ouvrière de l'usine.

En faisant référence aux grèves sauvages au niveau international, elle a expliqué: «On craint ici que [les travailleurs] ne soient licenciés et ne perdent le moyen de subsistance de leur famille.» Elle a convenu de la nécessité d'une lutte commune au niveau international, ajoutant: «Je suis d'accord parce que nous ne prenons pas seulement des risques en tant que travailleurs. Si nous sommes exposés à être infectés, nous exposons nos familles à l'infection».

«La compagnie ne se soucie pas de notre santé», a commenté une collègue. «Il n'y a même pas de désinfectant pour les mains sur les tables à manger, encore moins à l'entrée de l'usine... nous manipulons des pièces qui viennent d'autres usines et même d'autres pays, et nous mangeons avec nos mains totalement sales». De plus, certains travailleurs arrivent malades, alors que les bus qu'ils prennent pour se rendre à l'usine sont remplis de 40 personnes, a-t-elle ajouté.

Elle a ensuite fait une déclaration à l'intention des travailleurs de l'automobile aux États-Unis et au Canada: «Mes frères, je vous demande d'être solidaires en ces temps difficiles, avec cette pandémie qui menace l'humanité tout entière. Chez GM à Silao, nous sommes complètement exposés à contracter le virus, car nous n'avons pas les protections minimales».

«Nous vous demandons votre soutien pour exiger que les usines du Mexique soient fermées en raison de la gravité de cette crise, avec plein salaire pour pouvoir faire face aux dépenses de nos familles. Et si quelqu'un devait tomber malade à cause d'une telle négligence, exigez une compensation pour les travailleurs et leur famille, car nous ne connaissons pas encore les implications de cette maladie.

«En tant que travailleuse de GM, je considère que le syndicat est totalement indifférent à cette question, c'est pourquoi je demande votre collaboration mes frères. S'il vous plait, aidez-nous, exigez que nous soyons écoutés sur cette nécessité. Je vous envoie toute ma reconnaissance au nom de mes collègues de travail».

Une telle collaboration internationale de la classe ouvrière est aussi cruciale pour les travailleurs mexicains que pour leurs homologues américains et canadiens pour surmonter la résistance de certaines des plus puissantes sociétés transnationales, de leurs bailleurs de fonds et des États capitalistes. Les constructeurs automobiles retardent autant que possible les fermetures aux États-Unis et au Canada, tout en maintenant entièrement ouvertes certaines installations telles que les entrepôts de pièces détachées, et prévoient de relancer la fabrication dès que leurs laquais syndicaux reprendront le contrôle et pourront empêcher d'autres débrayages.

Le gouvernement mexicain travaille sans relâche pour minimiser les risques encourus par les travailleurs et leurs familles, tout en rappelant aux entreprises qu'elles ne sont légalement tenues de payer le salaire minimum que pendant les arrêts d'urgence. En d'autres termes, le gouvernement condamne les travailleurs et leurs familles soit au risque d'infection, soit au salaire de misère de 123 pesos par jour, soit 5 dollars américains.

La pandémie mondiale ne peut être contenue et ses conséquences atténuées que si les travailleurs organisent leur force collective au niveau international pour vaincre la politique de négligence maligne des gouvernements capitalistes et des grandes entreprises, qui combine des billions de dollars aux banques et à Wall Street avec des centimes pour ralentir la propagation du virus ou traiter l'infection. Cela doit être fait indépendamment des syndicats procapitalistes et nationalistes, qui travaillent main dans la main avec les entreprises pour maintenir les travailleurs en poste, sur la base d'une lutte contre le capitalisme, qui empêche une utilisation coordonnée et rationnelle des ressources de la société pour combattre la pandémie.

La pandémie de COVID-19 a mis en évidence avec une urgence particulière la nécessité d'étendre et de consolider cette collaboration transfrontalière des travailleurs mexicains et américains à travers un réseau international de comités de la base pour garantir les droits sociaux des travailleurs et la protection de leur vie, au-dessus de toute considération de profit privé.

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[20 mars 2020]

(Article paru en anglais le 21 mars 2020)

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