Par Jacques Valentin
26 mars 2020
La journée de mardi a vu éclater un nouveau scandale lorsque la presse a révélé que le gouvernement livre des données de mortalité au Covid-19 sous-évaluées qui ne comptabilisent que les décès hospitaliers et pas ceux des personnes, de plus en plus nombreuses, qui décèdent dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
Ces établissements connaissent des épidémies localisées de plus en plus fréquentes qui font de nombreuses victimes. L'évolution des cas est souvent foudroyante chez ces personnes très âgées qui souffrent déjà de nombreuses pathologies. On constate qu'on les hospitalise rarement, ce qui semble une politique délibérée. Les autorités tentent d'éviter autant que possible leur hospitalisation pour réserver les lits aux personnes qui ont de meilleures chances de survie. Face à la pénurie de lits de réanimation qui est déjà aigüe ou attendue d'ici quelques jours dans la plupart des régions, on compte sacrifier les personnes âgées fragiles.
La contagiosité est telle que les cas se multiplient dans le même établissement qui atteint à la fois les résidents et le personnel qui se contaminent mutuellement. Ainsi le bilan français de personnes décédées qui a fait officiellement un total de 1.100 victimes au 24 mars est-il largement sous-évalué. Les décès par Covid-19 des personnes sans domicile fixe, les décès dans d'autres établissements spécialisés (pour handicapés, etc.) ou à domicile ne sont pas non plus comptabilisés.
Les Ehpad français accueillent 585.000 résidents âgés ne pouvant vivre seuls à leur domicile, selon des critères de dépendance et de perte d'autonomie. 400.000 personnes y travaillent dans 7.400 établissements. Le 7 mars, le gouvernement avait déclenché le plan bleu, qui prévoit des mesures de confinement et la suspension des visites des familles et des sorties, car en l'absence de ces mesures on évoquait des décès qui auraient pu frapper jusqu'à 100.000 résidents.
Avec l'augmentation des cas dans la population, avec le manque dramatique de tests de dépistage et leur rationnement délibéré par les pouvoirs publics, avec le manque de masques, la diffusion des cas par le personnel était inévitable, malgré les précautions prises. Pour tenter de ralentir la diffusion des cas, les établissements confinent de plus en plus souvent gardent les résidents dans leur chambre, ce qui n'était malheureusement pas encore la règle, les repas collectifs et les activités internes se sont jusqu'alors souvent poursuivis. Dans les établissements contaminés, on essaie aussi de créer des ailes Covid-19 pour ralentir la diffusion quand c'est techniquement possible.
Les décès sont annoncés au compte-goutte par les Agences Régionales de Santé (ARS) et les préfectures sans qu'aucune vue d'ensemble ne soit fournie. On doit recouper et compléter les informations officielles avec des informations qui remontent de la presse locale pour tenter de suivre l'épidémie. Les pouvoirs publics demandent de ne tester que les tout premiers cas lorsqu'une épidémie se déclare en Ehpad. C'est en tout cas très efficace pour minorer artificiellement le nombre de cas de Covid-19 ainsi que la mortalité.
D'après Libération, on a appris lundi la mort de vingt résidents d'un Ehpad de Cornimont (Vosges) «en lien possible avec le Covid-19» depuis le début de l'épidémie. À Thise (Doubs), près de Besançon, quinze résidents d'un Ehpad sont décédés depuis le dépistage des premiers cas le 5 mars. «Vingt-cinq résidents sur 70 ont de la fièvre et sont confinés dans leur chambre selon le maire», rapporte France 3 Bourgogne Franche-Comté. À Saint-Dizier (Haute-Marne), ce serait treize personnes qui seraient mortes, selon un le média local PTV.
On pense en général que la situation est catastrophique dans l'Est, un des foyers épidémiques principaux français, mais les données restent parcellaires.
Selon Le Monde, à l'Ehpad des Aiguerelles à Mauguio (Hérault), on a recensé trois décès de résidents testés positifs ont été, quatre autres sont morts sans on les teste, mais avec les symptômes de la maladie. 29 pensionnaires sur 78 au total sont porteurs du virus ainsi que six soignants sur 40.
Seize personnes atteintes du covid-19 sont décédées dans un Ehpad du groupe Rothschild, dans le XIIe arrondissement de Paris, qui accueille 570 pensionnaires sur deux bâtiments différents. Les membres du personnel sont aussi touchés. En Île-de-France, près de 150 établissements seraient contaminés.
La situation devient critique dans les Ehpad concernés. Infirmières et aide-soignants sont à bout de souffle. «On va vers une hécatombe dans les Ehpad. Je pèse mes mots», a déclaré Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins-urgentistes de France, sur RTL. Selon France Inter qui a interviewé Dominique Chave, secrétaire général de l'Union fédérale Santé privée UFSP, qui fait le point sur ses remontées du terrain, «À ce stade déjà, "ça ne se compte plus en dizaines, mais en centaines de morts".
Comme d'habitude les autorités utilisent les faux-fuyants pour se justifier et évoquent les lacunes du recensement effectué dans les Ehpad sur les cas de coronavirus pour expliquer l'impossibilité de dénombrer les décès et les cas. C'est un mensonge grossier.
À la suite des cas de grippes intervenus en Ehpad ces dernières années, les pouvoirs publics ont mis en place un système de déclaration obligatoire des cas groupés d'infection respiratoire aiguë. On retrouve par exemple ces données en consultant les Bulletins hebdomadaires de suivi de la grippe de Santé Publique France. C'est un outil adapté à la situation actuelle et qui permettrait de suivre pratiquement sur une base hebdomadaire à la fois le nombre de cas de coronavirus et le nombre de décès associés.
C'est donc de façon tout à fait délibérée que les pouvoirs publics n'utilisent pas ces données pour suivre la progression de l'épidémie.
Cette inaction malveillante est le reflet du développement d'une politique délibérée, profondément indifférente à la survie de la population et aux efforts des professionnels de santé pour maîtriser l'épidémie.
Le soutien aux professionnels de santé et à tous ceux qui participent aux efforts nécessaires dans la période actuelle ne doit en aucun cas aboutir à une quelconque solidarité avec les responsables du désastre actuel qui bénéficient de la solidarité sans faille des médias. Il est essentiel de clarifier sans ménagement, et au fur et à mesure, les tenants et aboutissants des actions menées par la classe dirigeante.