31/03/2020 tlaxcala-int.org  5 min #171402

Le coronavirus fera payer à Israël pour avoir négligé ses minorités

 Noa Landau נועה לנדאו نوا لانداو

Le traitement erroné de la population ultra-orthodoxe par Israël est déjà apparu comme l'un de ses plus graves échecs dans l'approche de la crise du coronavirus

Des policiers israéliens appliquent les restrictions imposées par le gouvernement pour freiner la propagation du coronavirus dans le quartier de Mea Shearim à Jérusalem le 26 mars 2020. Photo Ronen Zvulun/REUTERS

Le traitement erroné de la population ultra-orthodoxe par Israël est déjà apparu comme l'un de ses plus graves échecs dans la gestion de la crise du coronavirus. Depuis des semaines maintenant, beaucoup se préoccupent de critiquer le fait même qu'un problème ait été pointé du doigt, comme si cela constituait une attaque « antisémite » contre un certain secteur. Pendant ce temps, la communauté a été laissée à elle-même pour tomber malade en nombre toujours croissant.

Les données internes du ministère de la Santé sont claires : le nombre de personnes infectées par le virus dans la communauté ultra-orthodoxe a fortement augmenté. Des centaines d'autres ont contracté le virus en trois jours, à un rythme bien plus élevé que la moyenne nationale.

Cela ne surprendra pas ceux qui suivent les enquêtes épidémiologiques et les schémas d'infection. Au tout début de l'épidémie, les synagogues ont été identifiées comme les sites d'infection les plus dangereux du pays - comme l'a rapporté Haaretz la semaine dernière. Et pourtant, la réponse du gouvernement Netanyahou, sous les auspices du ministre ultra-orthodoxe de la Santé, a été honteusement faible et très hésitante. Il a laissé les synagogues ouvertes pendant trop longtemps et permet même maintenant aux quorums de prière [10 personnes minimum, NdT] de se réunir et aux bains rituels pour les femmes de rester ouverts, alors que tous les autres ont été priés de rester presque totalement confinés.

Le gouvernement a ainsi baissé les bras face au public religieux et ultra-orthodoxe, qui n'a pas encore compris la signification exceptionnelle de cette époque. Au lieu de protéger la santé de ce groupe, comme on devait s'y attendre, le gouvernement s'est déchargé de cette responsabilité sur les rabbins.

Le 15 mars, le Premier ministre Benjamin Netanyahou a rencontré les principaux rabbins, les secrétaires du Conseil des Sages de la Torah, le président du comité des yeshivas [écoles talmudiques] et les dirigeants des sectes ultra-orthodoxes. Lors de cette réunion, il a été décidé, selon le bureau de Netanyahou, que « les directives du ministère de la Santé doivent être suivies tout en trouvant des solutions pour la poursuite de l'étude de la Torah ». Il était essentiel d'encourager ces dirigeants à contribuer au respect des directives, mais cela n'aurait en aucun cas pu remplacer la souveraineté du gouvernement sur ses citoyens.

La politique israélienne du no man's land n'est pas nouvelle. La crise du coronavirus n'est qu'un exemple de plus de la manière dont cette politique pourrait nous exploser à la figure à tout moment. Des ultra-orthodoxes à la communauté arabe [= palestinienne], des avant-postes de colons sur les collines des territoires [palestiniens occupés depuis 1967] aux communautés de demandeurs d'asile à Tel-Aviv : Israël a abandonné des groupes entiers jusqu'à ce qu'il soit trop tard. Les autorités sanitaires, sociales et policières sont presque inexistantes jusqu'à ce que soudainement, une intervention soit nécessaire et que la seule réponse qui reste soit toujours de recourir à la violence. C'est ainsi que ça se passe avec les jeunes colons des collines qui font les fous dans les avant-postes ; il en va de même pour la délinquance et la criminalité dans la communauté arabe et c'est la même chose pour la communauté ultra-orthodoxe [NdT : les délinquants juifs « font les fous », les Palestiniens sont « criminels »]

La répression violente est le seul outil que l'État a laissé dans des endroits où il n'a presque rien investi dans l'éducation, l'explication et le maintien de l'ordre dans le cadre des règles.

Il ne fait aucun doute que la violence est la seule solution qui subsistera dans ce cas également si le gouvernement ne revient pas immédiatement à la raison. La police devra bientôt expulser les gens des services de prière, certainement parmi les groupes les plus problématiques comme l'extrémiste Peleg Yerushalmi et les communautés de Mea She'arim et Beit Shemesh. Ces images seront choquantes et susciteront des protestations - mais elles sauveront des vies.

Au lieu d'en arriver là, le gouvernement devrait ouvrir les yeux et constater que les efforts pour expliquer la situation et faire appliquer les directives font encore défaut. Il est vrai que Netanyahou a rencontré quelques rabbins et médecins arabes, que quelques tracts ont été distribués en yiddish et en arabe et que quelques autres tentatives trop tardives ont été faites pour prévenir les catastrophes.

Mais ce n'est pas suffisant et cela ne fonctionne pas. La police distribue des masses PV à des personnes assises seules sur des bancs dans les parcs, tout en ignorant complètement ce qui se passe le jour du shabbat à Bnei Brak, qui devient un foyer du virus. Les responsables des autorités locales ultra-orthodoxes ont dit à Haaretz que le ministère de la santé n'informe même pas leurs habitants qu'ils doivent être isolés, car ils n'ont pas de smartphones. Les habitants des villages [bédouins] non reconnus du Néguev font état de problèmes similaires.

Le gouvernement israélien doit comprendre que ce qui se passe actuellement est le résultat de la déliquescence continue des minorités, ultra-orthodoxes, arabes ou autres, et de leur transformation en autonomies non officielles, ce qui n'est pas à leur avantage. La police ne peut pas être envoyée pour éteindre le feu par la force, certainement pas lorsqu'il s'agit d'une épidémie.

Courtesy of  Tlaxcala
Source:  haaretz.com
Publication date of original article: 29/03/2020

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