Par Alex Lantier
6 avril 2020
Hier, le nombre de cas COVID-19 dans le monde atteignait 1,2 million, celui des décès 66.500. L'Europe enregistrait 35.520 nouveaux cas et environ 5000 nouveaux décès pour un total de 613.000 cas et 46.400 décès. Celle-ci, qui se vantait autrefois de son «économie sociale de marché» et de ses systèmes de santé de premier plan au niveau mondial, compte à présent plus de 70 pour cent des décès dus au COVID-19 dans le monde et a transmis la maladie à de nombreux pays d'Afrique et d'Amérique latine, de l'Algérie jusqu'au Brésil.
Alors que la moitié de l'humanité est confinée et que plus de 10 millions d'emplois ont été perdus en deux semaines aux États-Unis, l'Europe est confrontée non seulement à sa plus grande crise sanitaire depuis l'épidémie de grippe espagnole de 1918-1919, mais encore à sa plus grande crise sociale et économique depuis la Grande Dépression des années 1930.
Même selon les statistiques incomplètes disponibles, plus de 11 millions de travailleurs européens ont perdu leur emploi rien que ces deux dernières semaines. En Allemagne, 470.000 entreprises ont demandé l'aide publique pour plus de 2 millions de travailleurs licenciés, soit 50 pour cent de plus qu'après le krach de 2008. En France, quatre millions de travailleurs licenciés doivent recevoir des aides de l'État. En Espagne, 900.000 travailleurs ont été carrément mis à la porte et 1,84 million reçoivent des subventions post-licenciement - plus en deux semaines, que dans les 20 premières semaines après le krach de 2008.
Un million de Britanniques ont demandé l'aide sociale. En Finlande et en Norvège, 800.000 travailleurs ont perdu leur emploi. Le chômage en Autriche a augmenté de 52,5 pour cent pour atteindre 545.000 salariés, le plus grand important depuis la Seconde Guerre mondiale.
Ces statistiques ne tiennent pas compte de l'Italie, l'épicentre initial de la pandémie en Europe et le pays ayant subi le plus long confinement dû à la pandémie. Rome n'a pas publié de statistiques sur le nombre des travailleurs licenciés ni sur les licenciés devant recevoir une allocation chômage de l'État. Mais quand le serveur du gouvernement chargé de traiter les demandes d'allocation en ligne a été mis en service cette semaine, il s'est effondré en juste deux heures, saturé par les centaines de milliers de demandes.
La pandémie a donc provoqué non seulement la plus grande crise sanitaire mais aussi la plus grande crise sociale et économique à laquelle le capitalisme européen a été confronté depuis la Grande Dépression des années 1930.
Responsable de cette catastrophe n'est pas seulement la virulence du coronavirus mais surtout la faillite du capitalisme européen déchiré par des conflits de classe et des conflits politiques insolubles. Les systèmes de santé européens, dévastés par des décennies de réduction des financements, ont subi un effondrement historique. Même avec la plupart des grandes économies à l'arrêt pour tenter désespérément d'arrêter la propagation de la maladie, ce qui broie l'économie européenne, l'épidémie s'est tellement étendue qu'on découvre quotidiennement des milliers de nouveaux cas, des semaines après le début du premier confinement, en Italie.
Il y a un mois, la Corée du Sud, l'Iran et l'Italie étaient les pays clés confrontés à la propagation de la maladie à partir de l'épicentre initial, en Chine. Ils présentaient respectivement 5.621, 2.922 et 3.809 cas. Les autres pays européens avaient quelques centaines de cas. Aujourd'hui, la plupart des 10.062 cas de la Corée du Sud sont rétablis, après un confinement forcé à domicile, des tests de masse dans la population et le traitement et l'isolement des malades. Ce nombre total a été dépassé non seulement par l'Italie (128.948), l'Espagne (130.759), l'Allemagne (96.092), la France (90.848) et la Grande-Bretagne (42.477) mais aussi par des pays beaucoup moins peuplés que la Corée du Sud.
Même la Suisse (20.505 cas, 666 décès), la Belgique (19.691 cas, 1283 décès) et les Pays-Bas (16 627 cas et 1651 décès) ont dépassé les 174 décès de la Corée du Sud du au COVID-19.
Dans l'un des premiers points chauds de la pandémie à Vò, en Italie, le personnel de santé a réussi à isoler l'épidémie en obligeant des masses des gens à rester chez eux, avec des tests de masse et l'isolement des malades. Le gouverneur régional, Luca Zaia, a déclaré: «Ici, il y a eu les deux premiers cas. Nous avons testé tout le monde, même si les "experts" nous ont dit que c'était une erreur: 3.000 tests. Nous avons trouvé 66 cas positifs, que nous avons isolés pendant 14 jours, et après cela, 6 d'entre eux étaient toujours positifs. Et c'est ainsi que nous y avons mis fin».
Mais les gouvernements européens ont tous rejeté la stratégie de quarantaines massives, d'arrêts ciblés de la production économique, de tests de masse et d'isolement des malades adoptée en Corée du Sud et à Vò. Ils les ont rejeté car elles nécessitent un investissement massif dans les équipements de test, les masques, les respirateurs et les équipements de protection, pour être appliquée à grande échelle. Alors que la Banque centrale européenne créait 750 milliards d'euros d'argent frais pour renflouer les marchés financiers, on a laissé les systèmes de santé faire avec des infrastructures dévastées par les coupes imposées à hauteur de dizaines de milliards d'euros depuis le krach de 2008.
Les autorités européennes ont ignoré l'importance de l'épidémie avec une légèreté criminelle. Le ministre italien des Affaires étrangères, Luigi di Maio, a rejeté les avertissements relatifs à la pandémie, les qualifiant d'«infodémie», des fausses nouvelles visant à nuire à l'économie italienne. L'ex-ministre française de la Santé, Agnès Buzyn, membre dirigeant du parti au pouvoir, a décrit le risque de propagation du COVID-19 en France comme «pratiquement nul».
Ce n'est qu'après l'explosion incontrôlée de la maladie en Italie, qui a provoqué des grèves sauvages dans tout le pays - les travailleurs réclamant le droit de s'abriter chez eux s'ils occupaient des emplois non essentiels - que Rome, puis d'autres gouvernements européens, ont accepté d'arrêter les entreprises. Un large mouvement a vu le jour lorsque des travailleurs de toute l'Europe et d'Amérique ont quitté le travail ou protesté pour tenter d'imposer une approche plus rationnelle de la lutte contre la pandémie.
C'est là toutefois un combat international et politique qui exige l'unification de la classe ouvrière dans une lutte contre l'ensemble de la bourgeoisie européenne et organisée indépendamment des bureaucraties syndicales.
Les besoins fondamentaux des travailleurs ne peuvent être subordonnés à des accords politiques entre les syndicats et les gouvernements capitalistes. Les travailleurs qui restent chez eux doivent continuer à toucher leur plein salaire, et ceux qui travaillent encore dans les industries alimentaires et médicales clés ont besoin de conditions de travail sûres. La fourniture de soins complets et modernes à tous les malades nécessite des investissements d'urgence massifs dans les soins de santé et la transformation d'usines sur tout le continent en services publics coordonnés à l'international. Ces usines doivent produire des équipements médicaux essentiels pour lutter contre la pandémie. L'application des quarantaines doit être retirée des mains des unités de l'armée et de celles d'une police anti-émeute brutale, qui sont un danger évident pour les droits démocratiques.
Avant tout, la décision de savoir quand les travailleurs doivent retourner au travail ne peut être laissée à des gouvernements capitalistes qui sont des dictatures à peine déguisées de l'aristocratie financière. L'épidémie continue de s'étendre de manière incontrôlée à travers l'Europe, les principaux gouvernements européens continuent à faire pression pour trouver des méthodes frauduleuses ou non scientifiques, afin d'obliger les travailleurs à retourner au travail pour produire des profits pour les grandes banques et sociétés.
Londres et Paris se saisissent des premières recherches sur les tests de détection des anticorps du coronavirus faites au Centre Helmholtz d'infectiologie de Braunschweig, en Allemagne. Ces tests expérimentaux sont conçus pour vérifier si un individu a développé des anticorps pour combattre le virus, montrant qu'il a été exposé au virus et est peut-être immunisé. Mais on ne sait pas si, ni combien de temps, une personne dont le test de détection des anticorps est positif sera immunisée contre le virus.
Néanmoins, les responsables britanniques et français demandent l'administration de tests de masse pour les anticorps, après quoi toute personne testée positive aux anticorps pourrait être contrainte de reprendre le travail.
«Nous envisageons un certificat d'immunité», a déclaré jeudi le ministre britannique de la santé Matt Hancock. «Les personnes qui ont eu la maladie ont généré les anticorps et sont ainsi immunisées et peuvent le montrer. Elles peuvent alors reprendre autant que possible une vie normale».
Plusieurs de ces tests se sont révélés défectueux, testant positifs lorsqu'un individu a été exposé non pas au coronavirus causant le COVID-19 mais à d'autres coronavirus plus courants, dont beaucoup sont à l'origine du rhume. Néanmoins, le gouvernement britannique a acheté des millions de ces tests.
Tout en reconnaissant ouvertement que ces tests sont inefficaces, Hancock a insisté pour dire que le gouvernement britannique continuerait néanmoins à faire pression pour cette politique. «Les premiers résultats de certains d'entre eux n'ont pas donné de bons résultats. Mais nous espérons que les derniers tests que nous avons obtenus sont suffisamment fiables pour que les gens puissent les utiliser en toute confiance», a-t-il déclaré. Il a ajouté: «C'est quelque chose que nous ferons et examinerons, mais il est trop tôt dans la science... pour pouvoir éclaircir ce point».
Le premier ministre français Édouard Philippe lui aussi a néanmoins annoncé que les tests d'anticorps seraient « prêts à organiser la sortie de la politique de confinement à domicile», qui, selon son gouvernement, pourrait avoir lieu dans seulement deux semaines.
(Article paru d'abord en anglais 4 avril 2020)
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