12/04/2020 reseauinternational.net  5 min #172161

Trump et Poutine vont discuter de la fin du pétrole de schiste étatsunien

Comment le coronavirus a tué l'industrie du schiste

par Moon of Alabama.

L'industrie du pétrole de schiste va mourir. Elle pourrait renaître un jour, mais ce sera dans plusieurs années.

La pandémie de coronavirus a réduit la demande de pétrole de 100 millions de barils par jour à environ 75 Mbpj. Le prix du pétrole est passé de 60 dollars le baril à 20 dollars le baril.

Jeudi, l'OPEP+, le cartel original des producteurs de pétrole, plus la Russie, a accepté officiellement de réduire la production de 10 millions de barils par jour. Les réductions réelles promises  auraient été moins importantes. Mais l'accord dépendait de l'engagement de tous les membres de l'OPEP.

Le Mexique n'a pas accepté de réduire sa production. Le pays a assuré la  quasi-totalité de ses exportations de pétrole :

« Le Mexique, le 12ème producteur mondial de pétrole, a couvert une grande partie de sa production de 2020 - c'est-à-dire qu'il a accepté à l'avance un prix fixe, qui serait d'environ 49 dollars le baril. Cela supprime pratiquement toute motivation pour le Mexique de réduire sa production cette année ».

À 1,3 milliard de dollars, la couverture a coûté cher au Mexique. Mais il garantit que son budget pour cette année est entièrement pris en charge. Le Mexique a également réorienté une partie de ses exportations  vers ses propres raffineries pour produire de l'essence qu'il aurait autrement importée.

L'OPEP+ avait également prévu que d'autres producteurs, les États-Unis, le Canada, le Brésil, accepteraient de réduire leur production de 5 Mbpj. Avec les 10 Mbpj de l'OPEP+, cela aurait contribué à empêcher le prix du pétrole de s'effondrer davantage. Hier, une réunion des pays du G-20 a eu lieu pour discuter de la question. Aucun d'entre eux ne s'est engagé à des coupes drastiques ou à des quotas. Le Canada a  démenti les affirmations de la Russie selon lesquelles il réduirait de 1 Mbpj. Les États-Unis ont refusé de réduire davantage que ce qui était déjà prévu, faute de marché. Il n'y aura pas d'OPEP++.

Hier, Trump s'est de nouveau entretenu avec Poutine. Il lui a été dit qu'il n'y aurait pas d'accord sans que le Mexique et les autres producteurs américains ne s'engagent à en conclure un. Trump a alors  promis de compenser d'une manière ou d'une autre le Mexique.

On peut douter du fait que l'OPEP+ accepte l'affirmation de Trump. Il n'y aura donc pas d'accord. Alors que les pays de l'OPEP prétendront s'en tenir à leurs quotas officiels pour éviter la pression américaine, tout le monde trichera et essaiera de vendre autant que possible.

La Russie, l'Arabie Saoudite et d'autres pays du Golfe pourraient encore réduire leur production. Mais la raison n'en sera pas l'accord OPEP+ de jeudi, mais un manque de demande et l'absence de place pour stocker le pétrole excédentaire.

Cela signifie que le prix du pétrole passera en dessous de 20 $/bl jusqu'à ce que la demande revienne de ses 75 Mbpj actuels à plus de 90 Mbpj. Cela ne pourra se produire que lorsque la pandémie de coronavirus aura diminué, lorsque les quarantaines auront pris fin et que le trafic aérien reprendra à un rythme suffisant. Ce moment viendra probablement dans deux ans. Mais les effets de la dépression mondiale que la pandémie provoquera mettront encore plus de temps à guérir. Lorsque la demande reviendra enfin à des niveaux précieux, la hausse des prix du pétrole sera encore bien retardée, car tous les stocks sont désormais pleins et doivent être vendus avant qu'une plus grande partie de la production de brut puisse être remise en service.

Le pétrole de schiste américain a été marginalement rentable au-dessus de 45 dollars le baril. Ce prix est hors de portée pour les trois à cinq prochaines années. C'est beaucoup plus long que ce que les compagnies de pétrole de schiste pourront financer elles-mêmes. Les banques américaines, qui ont prêté des milliards à ces entreprises, se préparent déjà à  saisir leurs actifs. Les banques vont perdre la majeure partie des 100 milliards de dollars et plus qu'elles ont investis dans les sociétés d'exploitation du schiste.

La production coûteuse de sables bitumineux au Canada n'est pas non plus viable avec les prix actuels.

Les industries pétrolières d'Amérique du Nord ont profité des précédents accords de l'OPEP+ qui ont limité la production dans les pays qui peuvent produire à des coûts beaucoup plus bas. Les prix artificiellement maintenus se sont effondrés et il n'est pas question qu'ils reviennent de sitôt.

C'est une catastrophe pour le marché du travail dans le secteur pétrolier américain. D'autant plus que les pertes d'emplois viendront s'ajouter à celles des autres services et industries.

C'est également catastrophique pour les pays du Golfe Persique qui dépendent des ventes de pétrole pour financer leur budget. L'Irak sera très durement touché et le manque d'argent pourrait provoquer son effondrement. Les « royaux » saoudiens ne pourront plus financer l'État-providence qui a sérieusement remis en cause leur pouvoir.

Les producteurs d'énergie alternative pourraient également être victimes de la baisse des prix du pétrole, car ils ne sont plus compétitifs. Avec la baisse du prix de l'essence, les voitures électriques perdront l'avantage de l'électricité bon marché.

Trump avait plaidé pour un désengagement des États-Unis au Moyen-Orient, les États-Unis ayant obtenu leur indépendance vis-à-vis de l'énergie étrangère. Avec l'industrie du pétrole de schiste sur son lit de mort, les États-Unis devront à nouveau importer du pétrole du Moyen-Orient. Bien que le désengagement de Trump n'ait jamais été entièrement réalisé, la nouvelle situation pourrait conduire à un changement de stratégie.

source :  https://www.moonofalabama.org

traduit par  Réseau International

 reseauinternational.net

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