Au Venezuela, tandis que les États-Unis misent sur l'opposant Juan Guaidó pour faire chuter le régime de Nicolás Maduro, la Russie est quant à elle l'un des deux piliers, avec la Chine, qui soutiennent le pouvoir chaviste. Et la Russie dispose d'une carte maîtresse, son géant pétrolier Rosneft, qui fait de bonnes affaires avec le pétrole vénézuélien.
La récente visite du ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov au Venezuela, le 7 février, a remis en lumière, et à point nommé, le soutien de la Russie au régime de Nicolás Maduro, explique BBC Mundo.
À point nommé, car c'est précisément à ce moment, le 5 février, que Donald Trump recevait le président par intérim du Venezuela, Juan Guaidó, à la Maison-Blanche, lui réitérant à cette occasion son appui inconditionnel pour en finir avec Maduro.
Toutefois, le bras de fer entre les deux grandes puissances à propos du Venezuela se joue loin des effets de manche, au cœur du business pétrolier du régime de Nicolás Maduro, avec un géant russe du secteur de l'énergie : Rosneft.
Contourner les sanctions américaines
Rosneft, une compagnie pétrolière largement propriété de l'État russe, "est considérée par la Russie comme l'une de ses entreprises stratégiques", précise BBC Mundo, et son président Igor Setchine est un proche de Vladimir Poutine. Aujourd'hui, l'entreprise "joue un rôle clé dans l'exploitation et la distribution du brut vénézuélien", en lien avec la compagnie pétrolière vénézuélienne, PDVSA.
L'entreprise est présente au Venezuela depuis l'époque du président Hugo Chávez (1999-2013) et y a maintenu ses activités malgré les sanctions américaines contre le régime, d'ailleurs jugées illégales par le gouvernement russe.
Ces sanctions, un embargo sur le pétrole, visent à bloquer les exportations de Caracas en interdisant aux sociétés américaines d'acheter de l'or noir vénézuélien, et aux sociétés étrangères d'utiliser le système bancaire américain pour réaliser des transactions liées au pétrole vénézuélien. Le groupe américain Chevron, très introduit dans le business du pétrole vénézuélien, a été exempté de ces sanctions. Mais dans la foulée, de nombreux clients de PDVSA, comme le chinois CNPC ou le groupe indien Reliance, ont abandonné leurs achats directs de brut vénézuélien.
Principal exportateur du brut vénézuélien
Rosneft quant à elle a trouvé un biais. L'entreprise a continué de s'approvisionner à Caracas en estimant que l'accord selon lequel la dette vénézuélienne à l'égard de la Russie, remboursable sous forme de pétrole, était antérieur aux sanctions américaines, selon des chercheurs américains cités par BBC Mundo, qui ont publié ces informations dans le think tank Inter-American Dialogue. Sous ce prétexte, explique au journal un spécialiste américain du think tank Inter-American Trends :
Rosneft a continué d'opérer au Venezuela et gère actuellement 60 à 70 % des exportations de brut vénézuélien."
Rosneft ne s'est pas limitée à éponger la dette du régime de Nicolás Maduro - actuellement de 800 millions de dollars contre 17 milliards en 2006 - en échange de pétrole. "Elle intervient comme intermédiaire privilégié, en position dominante" auprès de la Chine, écrit le journal, qu'elle livre en brut via l'Inde et Singapour. Au besoin en catimini, tous feux éteints et sans système de signalisation ouvert sur les navires chargés de brut.
Ces tractations et le rôle d'intermédiaire de Rosneft expliquent comment, malgré les sanctions et la baisse de sa production, le Venezuela a accru ses exportations de pétrole vers l'Inde et la Chine. Et peut, outre payer sa dette, se procurer des devises en euros et en espèces à titre de paiement supplémentaire.
Le cas Rosneft a inspiré d'autres compagnies pétrolières étrangères, qui esquivent désormais les sanctions. Néanmoins, mardi 18 février, l'administration américaine a annoncé des sanctions visant spécifiquement Rosneft Trading -une filiale du groupe Rosneft - et son président Didier Casimiro. Mais les États-Unis pourraient désormais avoir fort à faire face à un soutien de la Russie à Nicolás Maduro qui risque désormais d'être encore plus ferme, estime un analyste américain interrogé par BBC Mundo.