14/05/2020 telex.ovh  8 min 🇬🇧 #173885

Analyse du film Snow Therapy

Un bon film est quelque chose sur lequel on tombe par hasard et qui nous happe dans la tête de son auteur.

 Snow Therapy est juste un bon film, sans prétention, totalement banal, à part qu'il opère un renversement d'un nouveau genre en laissant au spectateur le soin de résoudre les problèmes des protagonistes, plutôt que de proposer des solutions, qui sont généralement idiotes mais suffisantes pour faire un film moyen.

Ainsi, en tant que résoluteur de problèmes, si les déboires des acteurs sont le plus souvent superficiels, leur résolution n'est pas imposée par l'auteur. Il revient au spectateur de s'interroger sur ce qu'ils auraient dû faire. Et ainsi, on peut faire une liste des situations, et inaugurer une nouvelle rubrique : "qu'est-ce que les protagonistes auraient dû faire ?", qui d'ailleurs peut marcher pour n'importe quel autre film.

C'est en général cela qui tient le spectateur en haleine, mais en laissant son système de résolution de problèmes au niveau subconscient, ce qui fait qu'il reste bouche bée devant la télé, jusqu'à une fin bête. Ici, la fin est tellement stupide, et à la fois incônique, qu'elle nous force à en créer une meilleure.

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L'élément modificateur est une avalanche qui crée une fausse alerte de panique, qui ensuite dégénère parce que le père de famille, incapable d'exprimer ses émotions, nie avoir réagit de façon répréhensible en prit la fuite, laissant sa famille entière en danger. On apprend ensuite qu'il a fait cela parce que dans son subconscient, il avait déjà trompé sa femme, et il l'avait déjà abandonnée de facto, ce que ses actes ont ensuite révélés, et ce qui lui a glacé le sang.

Ce qu'il aurait dû faire, c'est de prendre son fils dans ses bras, faire face au spectacle majestueux de l'avalanche, prévoyant qu'elle allait s'arrêter à ses pieds. Cela aurait été formidable et héroïque, et même cinématographique.

Lorsqu'on lui pose la question, il nie les faits, et prétend avoir une autre version des faits. Il pourrait très bien tenir le discours que son ami a tenu pour lui, selon lequel dans les situations de danger, de mouvement de foule, c'est comme si "quelqu'un d'autre prenait le contrôle". C'est un thème très important car il démontre l'existence d'une âme collective qui prend le contrôle statistique des foules. Et comme c'est très bien expliqué, même si on peut en venir à piétiner ses enfants dans ce cas, même la loi ne considère pas cela comme répréhensible, puisque c'est un mouvement de foule. C'est un sujet que j'avais déjà abordé, exactement en ces termes.

Ce qu'il aurait pu répondre pour résoudre cette crise était simple, il fallait admettre son manque de capacité à réagir dans une situation d'urgence, et dire simplement qu'il a manqué de sang-froid, et probablement de s'excuser pour cela, afin de réviser son modèle de conduite. Mais cela n'aurait été encore qu'une demi-mesure, il fallait aller vraiment au fond du problème.

Sa femme, elle, qu'on apprend à connaître, a tendance comme souvent à voir son intelligence méprisée par les autres, alors pourtant qu'elle insiste presque lourdement sur le sens logique des choses. Elle va jusqu'à produire une preuve vidéo, afin de faire plier son mari à "sa version des faits". Et pourtant celui-ci continue de nier que ce n'est qu'une interprétation des faits, mais refuse obstinément à s'expliquer sur les autres manières de les interpréter. Il laisse cela au champ du doute, car c'est là qu'est sa marge de manœuvre dans laquelle il peut se sentir en sécurité. Il montre son vrai visage d'opportuniste malicieux, prit au piège.

On peut le voir dans un autre scène où il se fait draguer, ce qui lui fait adopter sa mine de frimeur alors qu'il sortait à peine d'un dépit horrible. Puis les femmes se rétractent, ce qui met son ami en colère, qui demande si c'était une blague. Il s'en suit un désordre qui perturbe ce moment de repos au soleil, où il aurait juste fallu dire "c'est pas grave, bonne journée", mais non, il a fallu que ça réveille des angoisses.

Cet ami en est aussi la proie, quand il n'arrive pas à trouver le sommeil à cause de ce que sa petite amie lui a dit, en spéculant sur le fait que les gens de sa génération réagissaient à l'ancienne, et qu'il ferait sûrement de même en la laissant seule face au danger, ce qu'il nie, mais le triture intérieurement. Elle apporte une donnée essentielle au problème, en disant qu'une mère protège ses enfants, c'est dans sa nature ; mais pas dans celle de l'homme.

La crise de nerfs explose, et le père de famille n'arrive plus à contrôler sa tristesse, deux jours après les événements, qu'il n'avait pas su digérer. Cela m'est arrivé de voir une journée de vacances heureuse tourner au drame, et c'est incroyable comme tout change dans ce cas. Plus rien n'est beau, il n'y a plus de présent, et on est frigorifiés. C'est courant que le cheminement des traumatismes soit aussi long à resurgir. Il fait simplement partie des personnes qui sont des gestionnaires, et non des réactifs, et qui planifient et décalent leurs sentiments pour avoir un recul dessus. Ceux-là mettent du temps à réaliser ce qui se passe, contrairement aux vrais héros qui savent toujours quoi faire.

Un truc amusant pour la résolution de conflits, est quand la mère simule un danger pour voir comment il va réagir, en étant perdu dans le brouillard épais. Il entend l'appel au secours de sa femme et décide de courir vers elle, comme pour se rattraper, mais encore une fois oublie ses enfants qu'il laisse sur place. Cela montre à quel point il est difficile de faire le bon choix quand on est dans l'urgence. Il aurait pu leur demander de déchausser leurs skis et de le suivre dans le brouillard, cela ne l'aurait pas tant retardé. Mais tout va bien, il revient en la portant, puis elle se relève et repars chercher ses skis. Elle avait simulé la situation pour faire rire tout le monde.

C'est comme dans ce moment où en revenant du ski ils passent par un tapis roulant parfaitement imbécile, où si on fait tomber un gant, il faut demander à la personne derrière de l'attraper en passant, ce qui est une opération délicate. Ils se sentent toujours gênés et même merdiques, sur ce tapis-roulant qui va à deux à l'heure. C'est dingue comme la situation force les réactions, le plus simple aurait été de déchausser les skis, de les porter, et de marcher sur le tapis roulant, plutôt que de subir cette attente interminable dans le froid d'un couloir hideux.

Ou à un autre moment quand le père de famille oublie ses clefs, il part à la recherche de sa femme qui ne répond pas en courant dans toute la ville, quitte à se retrouver au milieu d'une fiesta, embrigadé par son fatal destin de fêtard, alors qu'il suffisait d'appeler son ami et d'aller boire un verre au chaud en attendant sa femme. Des fois on se demande ce qu'il y a dans la tête des gens. Le spectateur est un peu désabusé comme l'employé de ménage qui fume sa clope en regardant de loin les déboires ridicules des riches malheureux.

Enfin en repartant de vacances, le chauffeur de bus fait quelques maladresses. Il manque, par deux fois, d'envoyer le bus dans le ravin. Les passagers, excédés, décident de quitter le navire sous l'impulsion guidée par la mère de famille. Elle aussi veut montrer à elle-même qu'elle est capable d'être un leader dans les situations de danger. Le chauffeur, qui se débat avec son levier de vitesse, ne répond pas, ne réagit pas, semble incapable de parler, comme le père de famille. C'est vraiment exaspérant ! Le bus appuyé contre la rambarde de la route qui va sur un ravin, il passe la marche avant par erreur. Le pire est qu'une fois les passagers débarqués, il finit sa manœuvre et s'en va, tout seul, en roulant trop vite comme d'habitude.

La bonne réaction aurait dû être de virer le chauffeur du bus et non les passagers. Ils seraient restés au chaud le temps qu'on leur envoie un vrai chauffeur de bus. Encore une fois, dans le feu de l'action, une mauvaise réaction a engendré une mauvaise décision de foule. Là aussi c'est un message du film, disant, et je l'ai constaté, à quel point les foules sont manipulables sous l'effet de la terreur. Même là, avec toute la bonne volonté du monde, le choix de la mère de famille n'était pas le plus judicieux.

Une seule passagère décida de rester dans le bus et de ne pas céder à la panique, l'amie de la mère de famille qui a des aventures extra-conjugales assumées, sans jamais capitaliser sur l'avenir, et qui ne se soucie que du temps présent. Elle resta seule dans le bus, au chaud, et la seule à arriver à destination. Elle n'a pas cédé au mouvement de foule, peut-être dans une pulsion suicidaire.

J'aie bien le concept du film mal fait, avec des erreurs grossières - ce qui est la spécialité des films américains en général - dans cette variante qui consiste à, au lieu de jouer avec le spectateur sur un chantage émotionnel de piètre qualité, le mettre face à ses propres méthodes de résolution de conflits et de situations extrêmes.

C'est un film finalement sur l'erreur humaine, les manquements, l'effet de sidération qui défie le bon sens, et tout ce qui conduit une humanité à se retrouver à marcher en troupe sur la route par un froid hiver alors qu'ils auraient pu être tranquillement assis et heureux au soleil.

 telex.ovh

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