15/05/2020 reporterre.net  5 min #173920

Vigie-Flore : des bénévoles veillent sur la flore commune

Changement climatique, pollutions agricoles à l'azote et aux herbicides, urbanisation... Les bouleversements environnementaux provoqués par les activités humaines se mesurent jusque dans la flore la plus commune, selon plusieurs études menées à partir du programme de sciences participatives  Vigie-Flore. Ces études, menées sur la base d'inventaires de la flore réalisés par des bénévoles, ont été présentés lors d'un webinaire organisé par les coordinateurs de Vigie-Flore et destiné aux participants du programme, jeudi 7 mai.

Premier effet visible ?  Celui du changement climatique. Depuis le début des inventaires en 2009, « la proportion d'espèces végétales tolérantes aux températures élevées augmente plus que celles à préférence thermique faible et ces espèces sont de plus en plus nombreuses au sein des communautés végétales », rapporte Gabrielle Martin, chercheuse en écologie et animatrice de Vigie-Flore. Cette tendance est particulièrement visible chez les espèces annuelles : l'avoine barbue ( avena barbata), le brome de Madrid ( anisantha madritensis) et la petite linaire ( chaenorrhinum minus), amateurs de chaleur, s'épanouissent. Pour affiner ces résultats, Gabrielle Martin et Alain Danet ont lancé une nouvelle étude sur les effets du changement climatique sur les communautés de plantes. « On peut s'attendre à ce que ces communautés comptent de plus en plus de plantes qui préfèrent les températures chaudes », prévoit Alain Danet, post-doctorant en écologie au Muséum national d'histoire naturelle ( MNHN).

Mais les pollutions diverses affectent aussi la flore commune. C'est le cas de la pollution à l'azote, liée à l'utilisation massive d'engrais en agriculture. « Nous avons détecté une augmentation où la proportion de plantes nitrophiles dans certains milieux comme les landes » pourtant caractérisées par des sols pauvres, indique ainsi Emmanuelle Porcher, coordinatrice scientifique pour Vigie-Flore.

Une étude est en cours pour s'intéresser aux effets de l'utilisation des herbicides - qui représentent 40 % des pesticides utilisés - sur les milieux naturels. « Quelques études ont déjà été menées sur des espèces rares ou menacées, mais quasiment rien sur la flore commune, précise Nicolas Deguines, post-doctorant en écologie au MNHN. C'est à elle que nous allons nous intéresser, en croisant les données obtenues grâce à Vigie-Flore avec la carte de risque d'utilisation des pesticides, disponible depuis très peu de temps. » Déjà, la composition de la flore a été modifiée par le déclin des pollinisateurs : « On assiste au déclin moyen des espèces communes qui leur sont dépendantes, comme le cerfeuil des bois ( anthriscus sylvestris), au bénéfice des espèces indépendantes », dit Gabrielle Martin.

Ces études n'auraient pas été possibles sans l'apport de botanistes amateurs

Ces études n'auraient pas été possibles sans le suivi national de la flore Vigie-Flore, mis en place en 2009 par le Centre d'écologie et des sciences de la conservation (Cesco) du MNHN et coanimé par le réseau des botanistes francophones Tela Botanica. « Son objectif est de mesurer et comprendre les changements de la flore commune et le lien entre ces changements et les pratiques humaines », explique Gabrielle Martin. Pour cela, les botanistes amateurs sont invités à réaliser l'inventaire de toutes les espèces végétales présentes dans des « placettes » de dix mètres carrés inscrites dans des « mailles » d'un kilomètre carré, prédéterminées par le Muséum pour leur caractère représentatif.

Le résultat de ce programme consiste en un volume extrêmement important de données indispensables aux écologues, que le Muséum n'aurait pu se procurer par ses propres moyens et sans lesquelles il aurait eu du mal à mener certaines recherches. Ainsi, depuis 2009, 658 mailles ont fait l'objet d'inventaires menés par 388 observateurs. 2.547 espèces ont ainsi été échantillonnées au cours de 122.033 observations, certaines pour la première fois en 2019 comme le grémil des Pouilles ( neatostema apulum), le taéniathérum tête-de-méduse ( taeniatherum caput-medusae), le grémil ligneux ( lithodora fruticosa), le fumeterre de Vaillant ( Fumaria vaillantii), l'euphraise de Salzbourg ( euphrasia salisburgensis) ou la gennaria à deux feuilles ( Gennaria diphylla). « Le doctorant François Duchenne a comparé les données obtenues par le programme Vigie-Flore et le conservatoire botanique du bassin parisien, qui se concentre sur les parcelles les plus riches et ne renouvelle pas les inventaires dans le temps, rapporte Emmanuelle Porcher. Les données obtenues sont très différentes. Cela montre que la force de Vigie-Flore réside dans sa durée dans le temps »

Lire aussi :  Sur le terrain, des milliers de passionnés font avancer la science de la biodiversité

Source : Emilie Massemin pour Reporterre

Photos :
Chapô : fumeterre de Vaillant /  Wikimedia
Cerfeuil des bois ((anthriscus sylvestris /  Pixabay
Augmentation de la proportion d'espèces tolérantes aux températures élevées. Vigie-Flore (capture d'écran)
Un effet de la pollution à l'azote ? Vigie-Flore (capture d'écran)
Effets des pesticides sur les communautés végétales. Vigie-Flore (capture d'écran)
Échantillonnage depuis 2009. Vigie-Flore (capture d'écran)

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