21/05/2020 wsws.org  8 min #174196

Réouverture des usines automobile nord-américaines: un travailleur de l'usine d'assemblage Ford à Chicago a testé positif au Covid-19

Par Shannon Jones
21 mai 2020

Alors que les travailleurs se sont présentés lundi au travail dans toute l'Amérique du Nord au milieu de la pandémie de coronavirus, des informations montrent que plusieurs travailleurs ont testé positif pour la maladie à l'usine d'assemblage Ford de Chicago (CAP). Selon la page Facebook de l'union locale 551 de l'UAW, un travailleur chevronné a testé positif pour le COVID-19 et a été renvoyé chez lui lundi.

Cela fait suite à l'infection confirmée d'un autre travailleur de l'automobile la semaine dernière à l'usine d'assemblage de Fiat Chrysler de Sterling Heights, près de Detroit.

Les travailleurs montrent une inquiétude croissante quant au manque de mesures de sécurité mises en place par les constructeurs automobiles. Le gouvernement Trump est le fer de lance d'un effort qui vise à forcer le retour au travail, éliminant toute prétention de lutte contre la propagation du virus. Les usines automobiles sont en première ligne dans cette campagne et menacent de devenir des centres d'accélération de la pandémie.

Des travailleurs UAW reviennent pour la première équipe à l'usine de camions Warren de FCA, le lundi 18 mai 2020, à Warren, Michigan. Fiat Chrysler Automobile NV, ainsi que ses rivaux Ford et General Motors ont redémarré les chaînes de montage lundi après plusieurs semaines d'inactivité en raison de la pandémie. (AP Photo/Carlos Osorio) Michigan

Selon la page de l'union locale de l'UAW, mercredi soir dernier, une ouvrière de Ford Chicago avait de la fièvre. Jeudi matin, elle ne se sentait toujours pas bien et a décidé de rester chez elle. Plus tard le même jour, elle s'est rendue à l'hôpital local et a subi un test de dépistage du COVID-19. Lundi, elle s'est présentée au travail et a rempli le questionnaire en signalant ses problèmes de santé. Par la suite, on a informé la travailleuse des résultats du test.

Des témoignages non confirmés existent pour d'autres travailleurs également infectés.

Selon des travailleurs, CAP a été fermé temporairement mardi. Selon une lettre signée par l'UAW et Ford, si un travailleur teste positif dans une usine, Ford fermera le bâtiment où ce travailleur est employé pour un nettoyage en profondeur.

Mais les travailleurs ont déclaré que Ford n'a arrêté la production que plusieurs heures après que l'infection fut signalée. Un travailleur de CAP en colère écrit: «Où est l'arrêt de 24 heures pour le nettoyage et la désinfection? Ils nous l'ont dit en mars avant que notre usine n'arrête sa production le 18 mars.» Il poursuit: «Dites-moi, Ford, comment tous les employés et leurs proches resteront en sécurité et en bonne santé s'ils ne nettoient et ne désinfectent pas correctement, même après un résultat positif! Apparemment, Ford s'inquiétait pour certains, mais pas pour nous tous!»

Un autre travailleur de CAP a déclaré à propos de l'incident: «La patiente A est retournée au travail la semaine dernière pour aider à préparer le démarrage lundi. Elle ne s'est pas présentée lundi et a alerté l'usine d'un test COVID positif. Les 14 collègues avec lesquels elle était la semaine dernière n'ont pas été avertis de son résultat positif avant la fin de la journée d'hier, quand on leur a dit de se mettre en quarantaine».

«On a informé notre bâtiment annexe au centre SHO [où les modèles hybrides de la Ford Explorer et de la Lincoln Aviator sont terminés] de deux résultats positifs d'employés qui étaient au travail hier mais pas aujourd'hui. Ils ont été renvoyés à midi. La production dans le bâtiment principal a été suspendue à vingt heures».

Ce travailleur a vivement critiqué l'insuffisance des mesures de sécurité dans l'usine. Il a dit: «Il n'y a pas moyen de rester à deux mètres l'un de l'autre. Il n'y a pas de méthodes de pré-détection ou même de détection qui empêche une personne infectée d'entrer dans le couloir que nous traversons tous pour commencer. De plus, aux postes de scannage, nous retirons tous les Équipements de protection individuelle (ÉPI) pour être scannés, de sorte qu'une zone que tout le monde traverse est l'une des zones les moins protégées».

Dans les jours qui ont précédé le redémarrage officiel des chaînes par les entreprises automobile de Detroit lundi, les médias ont vanté les préparatifs de la direction, notamment les mesures de distanciation sociale et les examens de santé, qui protégeraient les travailleurs contre cette maladie mortelle et hautement infectieuse.

Les travailleurs qui ont contacté l'Autoworker Newsletter (Bulletin d'information des travailleurs de l'automobile) du «World Socialist Web Site» ont fait état de graves manquements aux protocoles de distanciation sociale et autres mesures de protection. Ils ont réfuté les affirmations de la direction et de l'UAW qu'il était possible de reprendre la production en toute sécurité.

Un travailleur d'Adient, un fournisseur de sièges pour l'usine Fiat Chrysler Jeep de Tolède, a déclaré que dans son usine «les gens se trouvent toujours contrariés par le manque de distanciation sociale. Ils ont mis en place des bâches en plastique bon marché qui se déchirent, mais nous ne sommes même pas à un mètre les uns des autres.»

«Beaucoup de gens ont peur et ne veulent pas entrer, alors ils utilisent leurs congés. Ils n'ont fait que 50 sièges en sept heures lundi. Habituellement, c'est 50-60 par heure. C'est donc tout ce que FCA construit. Nous sommes le seul fournisseur de sièges. Ils vont nous obliger à travailler».

Ce travailleur a signalé qu'à l'usine Jeep, certaines stations de lavage des mains étaient déjà à court de savon, et la direction affirmait que les fournitures étaient «en rupture de stock».

Un autre ouvrier des pièces détachées du nord de l'Ohio a déclaré au WSWS: «Personne à qui j'ai parlé, et nous parlons bien que nous essayions à faire de la distanciation sociale, n'a dit qu'il voulait vraiment reprendre».

De nombreux travailleurs ont évoqué la difficulté de porter des masques et des écrans faciaux dans la chaleur intense régnant dans la plupart des environnements de travail de l'industrie automobile.

Exprimant les sentiments de nombreux travailleurs, un employé de FCA Warren Truck a déclaré à Reuters lundi matin ses sentiments concernant son retour dans l'usine: «Je ne sais pas où les gens ont été pendant la fermeture, je ne sais pas ce qu'ils ont fait. Je n'aime pas ça, mais vraiment, qu'est-ce que je peux faire?»

Un travailleur à plein temps de l'équipe C de Ford Chicago Assembly a déclaré au WSWS: «Mon équipe n'est pas retournée à l'usine. Mais j'ai entendu des collègues qui se sont portés volontaires pour y aller la semaine dernière dire qu'ils avaient installé des stations de lavage des mains. Ils ont dit aussi qu'ils avaient commandé des masques à Amazon et un morceau de ruban adhésif qui change de couleur lorsque la température est trop élevée, et qu'il faut se mettre sur le front avant d'entrer. Mais ce virus est imprévisible; certaines personnes n'ont pas de symptômes, alors comment peuvent-elles savoir qui le propage.»

La réponse des marchés financiers souligna le fait que le redémarrage de la production était basé sur la pression économique et pas sur la science médicale. Wall Street a salué le redémarrage de la production automobile ; les actions de GM ont augmenté de plus de 9 pour cent lundi. Les actions de FCA ont augmenté de 7,3 pour cent, et celles de Ford de 6,7 pour cent.

«Ils savent qu'une deuxième vague de la pandémie va arriver», a déclaré le travailleur de Ford C Crew de Chicago. «Certaines personnes disent que retourner dans les usines maintenant est un suicide ou un génocide. Je pense que la compagnie nous affame. Ils savent que nous avons les factures à payer et que certains estiment qu'ils n'ont pas d'autre choix que de retourner au travail.»

«Les entreprises ont le pouvoir de nous donner tout ce qu'il nous faut pour rester chez nous deux ou trois mois de plus, mais elles ne le font pas parce que tout ce qui les intéresse, ce sont leurs profits».

Il a ajouté: «Et qui dirige vraiment le gouvernement? C'est l'Amérique des entreprises, elle n'est pas dirigée dans l'intérêt de la classe ouvrière. Je pense que la différence entre avant, lorsque les entreprises fermaient des usines et supprimaient des emplois, et maintenant, lorsqu'elles nous disent de reprendre le travail et qu'elles ne peuvent pas rester fermées, est que maintenant elles voient vraiment la menace qui pèse sur leur richesse. Avant, ils avaient l'impression d'avoir le pouvoir et le contrôle des choses, mais plus maintenant. [La pandémie] va provoquer un grand changement dans le monde».

L'UAW soutient pleinement le retour prématuré au travail. Le président de l'union locale 862 de l'UAW, Todd Dunn, s'est assimilé à la direction dans ses remarques à Reuters. «En fin de compte, nous sommes dans le même bateau», a-t-il déclaré. «Si nous ne construisons pas de camions, la Ford Motor Company va disparaître.»

Un travailleur de Ford à Louisville a déclaré à l'Autoworker Newsletter qu'à l'usine de Kentucky Truck, «la direction appelle des autocars et les gens sont renvoyés chez eux à cause de l'exposition au virus. Comme d'habitude, l'UAW n'a rien fait. Ce sont des marionnettes de l'entreprise. Personne ne sait avec certitude ce qu'on doit faire face à ce virus, mais entasser les gens dans ces usines avec peu ou pas de circulation d'air est criminel».

Le Parti de l'égalité socialiste et l'Autoworker Newsletter du WSWS appellent à la formation de comités de sécurité indépendants de l'UAW dans chaque usine et lieu de travail. Ils doivent garantir la protection des travailleurs et l'application de pratiques médicalement approuvées. Ces comités doivent faire valoir le droit des travailleurs à la vie et à la santé, contre les profits des entreprises.

Le retour forcé des travailleurs dans les usines automobiles met en évidence le conflit fondamental entre les revendications de la classe ouvrière pour un environnement de travail sûr et la recherche insatiable du profit dirigée par Wall Street. Ces exigences de vie et de mort ne sont pas négociables. Elles montrent la nécessité pour les travailleurs de contrôler la production en établissant la propriété publique des entreprises automobiles et des autres grandes industries.

(Article paru d'abord en anglais 20 mai 2020)

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