26/05/2020 les-crises.fr  48 min #174441

[Russeuropen-Exil] L'arrêt de la cour de Karlsruhe et l'indépendance des Banques Centrales, par Jacques Sapir

La politique monétaire est elle chose trop grave pour être laissée aux Banques Centrale ? On se souvient de la phrase attribuée à Georges Clemenceau « La guerre ! C'est une chose trop grave pour la confier à des militaires ». Que cette phrase soit inventée ou non par l'un des biographes de Clemenceau ne change rien à l'affaire 1.

Elle aurait été prononcée en 1887 quand le Ministère, dont le Général Boulanger était le Ministre de la Guerre, démissionna 2. Mais, elle incarne, surtout, la politique que mena Clemenceau en 1917 et 1918 3. Sur le fond, que dit-elle ? Que la guerre ne se limite pas au seul emploi des armes, à la tactique et à l'art opératif. Qu'elle implique la mobilisation de moyens divers, allant de la diplomatie à l'économie et au social et qu'en conséquence elle relève de l'action politique.

Aujourd'hui, le problème se pose à l'évidence dans un autre domaine, du fait du hold-up réalisé depuis plusieurs années par les Banques Centrales sur la politique monétaire et, surtout, en raison des conséquences de l'épidémie du Covid-19.

Il est clair que la crise économique induite par le confinement va imposer une politique monétaire (et une politique budgétaire) très active. Cette question du contrôle politique sur les Banques Centrales a été posée, de manière détournée, par le Tribunal Constitutionnel de l'Allemagne, ce que l'on appelle la « cour de Karlsruhe » dans son arrêt du 5 mai dernier. Cet arrêt est, symboliquement mais aussi politiquement, d'une importance considérable.

0. Où en sommes nous ?

La question de la monétisation de la dette se pose aujourd'hui de manière urgente. D'un point de vue macroéconomique, la monétisation des stimuli budgétaires est la seule forme d'intervention qui permet une réduction de l'endettement. D'un point de vue politique, la monétisation, remplace le risque d'insolvabilité par un risque d'inflation. Il ne faut donc pas s'étonner si de nombreux économistes, y compris parmi ceux que l'on peut classer comme des « orthodoxes » en matière de pensée économique 4, se sont ralliés à cette proposition. Certains proposent l'émission de titres dits « perpétuels », à faible taux d'intérêt 5. Enfin, d'autres, comme Paul De Grauwe, insistent sur le rôle central que la Banque Centrale Européenne (BCE) a à jouer dans cette situation 6.

Ceci met la BCE au centre des préoccupations. De toutes les institutions européennes, elle fut la première à réagir avec efficacité. On en a eu un aperçu avec le programme PEPP de la BCE 7. Mais, l'arrêt du 5 mai 2020 du tribunal constitutionnel allemand (la « Cour de Karlsruhe ») repose en réalité la question du contrôle politique sur les décisions de la BCE 8.

On voit donc bien que cette montée en puissance de la BCE ne peut se faire sans un débat sur la question de l'indépendance des Banques Centrales et sur l'interprétation très particulière qu'en fait la BCE 9. Cette dernière se fonde essentiellement sur la capacité d'une Banque Centrale à maintenir l'inflation au niveau le plus bas possible 10. Mais, cette indépendance semble avoir été remise en cause par les conséquences de l'épidémie 11.

1 - Le fétiche de la théorie « européenne » de l'indépendance des Banques Centrales

La question de l'indépendance des Banques Centrales a suscité une immense littérature. La réalité de l'efficacité de cette indépendance a été discutée 12. Elle a été ainsi mise en cause dans la lutte contre l'inflation 13, ce qui est pourtant le principal argument d'habitude des tenants de cette indépendance 14. Il est aussi vrai que la définition de cette indépendance n'est pas une chose aisée. Le recours à des arguments purement juridiques, on peut alors parler d'une « indépendance formelle » a été longtemps privilégié 15.

Mais, cette approche a été contestée par la suite 16. L'importance des facteurs réels dans cette indépendance, et l'on parle alors d'une « indépendance de facto » a été soulignée 17. De fait, la prise en compte de l'indépendance « de facto » à côté de celle « de jure » impose la construction de nouveaux indicateurs 18 qui, en réalité, servent à mettre en lumière les canaux formels et informels de débat entre les autorités de la Banque centrale et celle du gouvernement. Mais, le « modèle » de l'indépendance de la Banque Centrale européenne (BCE), a clairement joué un rôle normatif, et parfois prescriptif, dans de nombreux travaux 19.

Aujourd'hui, cette question de l'indépendance des Banques Centrales s'est donc trouvée posée à nouveau avec insistance dès avant le déclenchement de l'épidémie du Covid-19. En témoigne ainsi un texte de l'Institut Jacques Delors 20. Il constate, du moins dans l'Union européenne, une rupture du consensus qui entourait jusque là la Banque Centrale Européenne 21. En fait, dès 2018, un lent mouvement de reprise en main par les Etats des Banques Centrales pouvait être détecté, comme en témoigne l'éditorial de Guillaume Benoit dans Les Echos du 17 décembre 2018 22, mais aussi d'autres sources 23. Or, cette indépendance est inscrite dans les textes constitutifs de l'Union européenne, comme le « Protocole sur les Statuts du Système Européen des Banques Centrales et de la Banque Centrale Européenne » 24.

Dans l'article 7 du protocole du 26 octobre 2012, qui traite de l'indépendance, il est ainsi écrit : « Conformément à l'article 130 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, dans l'exercice des pouvoirs et dans l'accomplissement des missions et des devoirs qui leur ont été conférés par les traités et par les présents statuts, ni la BCE, ni une banque centrale nationale, ni un membre quelconque de leurs organes de décision ne peuvent solliciter ni accepter des instructions des institutions, organes ou organismes de l'Union, des gouvernements des États membres ou de tout autre organisme. Les institutions, organes ou organismes de l'Union ainsi que les gouvernements des États membres s'engagent à respecter ce principe et à ne pas chercher à influencer les membres des organes de décision de la BCE ou des banques centrales nationales dans l'accomplissement de leurs missions. 25»

La coupure entre les autorités politiques, les Parlements ou les gouvernements, et la BCE comme les Banques Centrales des Etats de l'Union européenne est donc réaffirmée avec force. On comprend alors pourquoi la BCE a pu paraître un « modèle » en matière d'indépendance 26. Elle fait partie des institutions constitutives de l'UE 27. Cette coupure pose en principe l'irresponsabilité des banquiers centraux européens face aux instances politiques.

2 - Une vision différente de celle qui fonde le statut de la Réserve Fédérale aux Etats-Unis

Or, cette vision de l'indépendance est particulière à l'Union européenne et, en un sens héritée de la formule utilisée pour la Bundesbank 28. La Réserve Fédérale américaine (FED ou FRS), issue d'une histoire complexe et conflictuelle 29, conserve une forme de responsabilité devant les instances politiques. Il convient ici de lire la déclaration de James K. Galbraith devant la Chambre des Représentants du Congrès des Etats-Unis :

« Aujourd'hui, je me sens particulièrement privilégié, car j'étais membre du personnel de 1975 à 1980 et de l'équipe qui a rédigé la loi sur le plein emploi et la croissance équilibrée de Humphrey-Hawkins de 1978. J'ai rédigé les sections de surveillance de la Réserve fédérale de cette loi, et c'était ma responsabilité d'organiser les audiences sur la conduite de la politique monétaire au cours de ces années, en commençant par la promulgation de H. Con. Res. 133 en 1975. Permettez-moi de me joindre à la frustration qui sous-tend les projets de loi dont vous êtes saisis. La Constitution donne au Congrès le droit de «monnayage et d'en régler la valeur». Le Congrès délègue à juste titre l'exercice de ce pouvoir, mais il conserve également son autorité pour fixer des objectifs et superviser l'exécution de la politique. Il a fallu un long combat pour établir la bonne relation entre le Congrès et la Réserve fédérale, et pour apporter le bon degré d'ouverture, de réactivité et de responsabilité à cette relation. 30» Il précise ensuite « L'objectif de la loi sur le plein emploi et la croissance équilibrée dans ce domaine était plutôt d'ouvrir un dialogue soutenu entre la Réserve fédérale et le Congrès, avec des rapports honnêtes et francs sur les conditions économiques, les perspectives et les objectifs et instruments de politique à tout moment. 31»

Il va même plus loin, en soulignant explicitement la différence fondamentale qui existe entre le FRS et la BCE : « un haut fonctionnaire de la Banque centrale européenne a déclaré que la BCE avait été «pleinement fidèle» à son mandat. Les membres du Congrès pourraient ne pas être heureux, si la Réserve fédérale disait la même chose à un moment où vingt-cinq pour cent des Américains étaient sans emploi. Contrairement à la BCE, la Réserve fédérale est une agence statutaire dont, en dernier ressort, le Congrès est responsable. 32»

On voit donc ici que si la Réserve fédérale est bien une « agence », dotée d'une indépendance d'action, celle-ci ne peut la mettre en contradiction avec le Congrès. Cette responsabilité politique envers ce dernier est aussi un conséquence du « double mandat » de la Réserve fédérale, garantir une inflation faible ET le plein emploi 33.

Cette coupure spécifique à la BCE, qui en fait en réalité un cas à part dans les Banques centrales, doit donc être expliquée, car elle apparaît comme relativement neuve dans l'histoire économique depuis la fin de la Première Guerre Mondiale. Elle s'enracine en fait dans le tournant pris par la théorie économique dominante (ou « orthodoxe ») à la fin des années 1970 et dans les années 1980.

La crédibilité et la réputation de la politique monétaire étaient devenues le nouveau centre de la littérature économique relative aux questions concernant le « central banking » 34. De fait, si le problème théorique fut posé, car dans la pratique les traditions politiques des divers Etats permettaient des formes diverses dans les relations entre la Banque Centrale et le gouvernement, c'est bien parce que le contexte monétaire avait globalement changé avec la fin des accords de Bretton Woods 35. En fait, cette origine peut être recherchée à la fois dans des travaux théoriques sur le problème de la « réputation » et dans une reconstruction de l'histoire de la Banque centrale de l'Allemagne Fédérale, la Bundesbank.

3 - L'indépendance à l'aune de l'expérience allemande

Une première justification de l'indépendance des Banques Centrales fonctionne sur le modèle de l'analogie : La trajectoire de la RFA dans l'après-guerre a été un grand succès, la RFA avait une Banque centrale indépendante (la Bank deutscher Länder puis la Bundesbank) donc le principe d'indépendance est validé. Ce raisonnement non seulement ignore les facteurs non monétaires du succès de la RFA (très forte dévaluation initiale, rôle de la demande des forces américaines d'occupation 36, flux de main d'œuvre qualifiée en provenance de la zone soviétique puis de la RDA qui joue sur la modération des salaires 37) mais contient évidemment un problème dans l'usage même qui est fait de cette analogie.

Un argument dérivé consiste à attribuer à l'idéologie dominante en économie en Allemagne, l'ordolibéralisme, cette indépendance de la Banque Centrale. Or, contrairement à une présomption répandue, l'ordolibéralisme - le courant dominant contemporain en vigueur au sein de la profession économique allemande et largement considéré comme ayant façonné la nouvelle ordre de l'Allemagne de l'Ouest appelé Soziale Marktwirtschaft (ou économie sociale de marché) 38 semble n'avoir eu aucun impact sur l'ordre monétaire émergent du pays si l'on en croit Jörg Bibow 39. En réalité, des contradictions importantes entre le postulat d'indépendance de la banque centrale et certaines des idées clés qui sous-tendent l'Ordolibéralisme sont identifiables. Pour comprendre cela, il faut revenir sur les circonstances qui ont donné naissance à la Banque Centrale allemande.

De fait, cette indépendance semble bien plus relever d'un hasard institutionnel que d'une décision politique délibérée. A la suite de la guerre et de la défaite de l'Allemagne nazie, la Bank deutscher Länder (BdL), fut créée le 1er mars 1948. Elle fut le précurseur de la Deutsche Bundesbank qui fut, elle, érigée en 1957. Elle est généralement considérée comme résultant d'un compromis entre des idées contradictoires des britanniques et des américains dans ce domaine 40.

Contrairement à l'accord de Potsdam de Août 1945, qui obligeait les Alliés à traiter les quatre zones d'occupation comme une seule zone économique, les développements entre les secteurs financiers des trois zones occidentales se sont rapidement diversifiés. Guidé par l'organisation centralisée de la Banque d'Angleterre, la politique d'occupation britannique s'est concentrée quant à elle sur la conservation de ce qui restait de l'ancienne Reichsbank, y compris ses structures centralisées. Les bonnes relations traditionnelles entre la Banque d'Angleterre et la Reichsbank avaient survécu à la guerre 41. Il y avait aussi un intérêt plus pragmatique à ne pas détruire ce qui pourrait encore être intact ou facilement réparable.

La pensée américaine allait cependant dans des directions différentes 42. Pour assurer un affaiblissement permanent de l'Allemagne totalitaire vaincue, la décentralisation représentait la politique clé des Etats-Unis. L'ancienne Reichsbank centralisée était considérée comme une institution faisant partie du régime nazi. En vue de la structure décentralisée du système des banques de la réserve fédérale, aussi, il sembla naturel aux autorités américaines de redessiner le paysage bancaire central de l'Allemagne sur le modèle adopté aux Etats-Unis.

Il faut ici se souvenir, dans ce contexte que, bien que la Reichsbank soit devenue juridiquement indépendante du gouvernement (mais pas des Alliés) avec la loi d'Autonomie du 26 mai 1922 (confirmée par la Loi du 30 août 1924), cela n'a pas empêché la banque de commettre des bévues catastrophiques comme l'hyperinflation en 1923, puis les crises bancaires et la déflation au début des années 1930, suivies de l'ère nazie. A cette aune, il semblerait juste de dire que l'expérience antérieure de l'Allemagne avec l'indépendance des Banques Centrales avait été exceptionnellement pauvre 43.

Par ailleurs, les idées des puissances occupantes de l'époque dans le domaine des Banques Centrales n'allaient clairement pas dans la direction d'une « indépendance » de ces dernières. Avec le New Deal et l'augmentation du ratio de la dette publique des États-Unis en raison de la guerre, le système de réserve a été étroitement surveillé par le Trésor jusqu'à l'accord de 1951 44.

En Grande-Bretagne, une étroite coopération Trésor-Banque d'Angleterre a vu le jour après septembre 1931, et cette coopération était devenue non moins important avec la guerre. La « Vieille Dame » avait été nationalisée et le Trésor donnait des instructions en 1946 45. Le gouvernement français quant à lui exerçait un contrôle direct sur la Banque de France depuis la loi de 1936 et la nationalisation de la banque en 1945 46. Tout ceci ne créait pas un contexte favorable à l'indépendance de la Bank deutscher Länder (BdL)

De leur côté, les autorités des Länder allemands faisaient de gros efforts pour accroître leur influence sur les banques des Lander (les Landenzbank) mais aussi sur la BdL elle même 47. Il y a donc une incohérence à penser que l'indépendance de la BdL ait pu résulter des pressions des Alliés.

La réalité était que la BdL n'était pas du tout indépendante. Elle était sous le contrôle des puissances occupantes, au travers de l'Allied Banking Commission (ABC) 48. En témoigne ainsi l'article II de la loi n° 60 du gouvernement militaire américain 49. Cet texte déclarait ainsi: «Pour déterminer les politiques de la Banque, le Conseil d'administration est soumis à les instructions qui peuvent être émises par la Commission des banques alliées », conformément à ce qu'en 1946 le plan Dodge avait prévu plus tôt pour la Länder-Union-Bank 50.

La Commission Bancaire Alliée (ABC) avait été créée en collaboration avec la BdL Elle résidait de fait sous le même toit. Le but de cette commission était que s'exerce un contrôle allié plutôt qu'allemand sur la banque. Et, au moins au début, l'ABC a adopté une approche pratique pour superviser la BdL, y compris les questions relatives au personnel, la détermination et la mise en œuvre des politiques ainsi que les problèmes de supervision. La BdL était non seulement très consciente de cela, mais encore au départ elle avait sa dépendance en détestation. Fait intéressant, en poussant sa propre cause et ses propres politiques, la banque n'a pas hésité à provoquer des conflits avec l'ABC. Peut-être pour tester jusqu'où elle pourrait aller 51.

Par la suite, la BdL et l'ABC ont amélioré leurs relations, les ont appréciées, et ont même essayé de le conserver alors que les développements politiques pointaient vers le changement. Inévitablement, un changement important s'est produit en 1949 avec la création de la République Fédérale d'Allemagne. Le pouvoir passa à l'Allied High Commission (AHC). Dès lors l'ABC devait informer l'Allied High Commission (AHC) et en particulier son Comité aux Finances (FC) et n'exerçait plus de tutelle directe sur la BdL.

Cette tutelle relevait désormais du Comité aux Finances. Mais, ce dernier avait un réel problème de légitimité du fait de sa subordination directe à l'AHC ; quant à cette dernière, la situation géopolitique (le Blocus de Berlin) tendait à faire passer pour elle les considérations monétaires au second plan. Les autorités d'occupation ont par ailleurs activement encouragé le nouveau gouvernement allemand à poursuivre en ce domaine la politique de l'ABC et à ne pas laisser un vide politique s'installer 52.

Dans le contexte d'une révision du statut d'occupation de l'Allemagne l'Allied High Commission envoya une lettre au gouvernement allemand en 1951 le pressant de mettre en place son propre système de contrôle sur la BdL. Cette dernière s'était cependant accoutumée au relâchement de la tutelle de l'ABC, et elle sut jouer astucieusement des conflits politiques au sein du gouvernement allemand pour préserver l'indépendance de fait qu'elle avait acquise en raison de la confusion administrative qu'avait provoquée la transformation du statut d'occupation et le déclenchement de la Guerre Froide, avec son lot de priorités nettement différentes de celles de 1947-1948. La loi intérimaire de 1951, devait reconnaître cet état de fait et établir une « indépendance » de fait 53.

Il convient de noter que dans la pensée ordolibérale de l'époque, telle qu'elle est exprimée par Eucken 54, les processus d'action doivent être laissés à la discrétion de la Banque Centrale, mais pas le cadre lui-même de cette action, qui relève de la décision politique. Le but étant de créer un « ordre monétaire » qui tende vers la stabilité 55. Cette conception apparaît donc comme assez différente de l'idée d'indépendance des Banques Centrales, en dépit de certaines opinions 56.

L'idée de l'indépendance revient en réalité à confier à un organisme centralisé à la fois la conception et la mise en œuvre de la politique monétaire hors de tout contrôle des autorités politiques. C'est bien cette idée qui prévaut à la BCE et qui est d'ailleurs inscrite dans son statut. On constate donc qu'en Allemagne elle semble plus résulter de circonstances institutionnelles particulières que d'autre chose. Quant à ses effets, comme on l'a écrit, ils ne peuvent être séparés d'autres facteurs qui ont certainement dû peser lourd quant à la trajectoire macroéconomique de l'Allemagne.

4- L'indépendance contestée

Quelles qu'en soient les justifications, qu'elles se prétendent théoriques ou historiques, le fait que la BCE s'est construite sur cette coupure radicale entre le monde des banquiers centraux et celui des politiques, subsiste. On peut, certes, l'expliquer. La BCE représente une institution que l'on peut qualifier de « proto-fédérale » au sein de l'Union européenne qui, techniquement, relève de la coordination entre Nations 57.

Dans sa constitution, et du fait de l'absence de l'acteur politique fédéral susceptible d'entretenir avec la BCE le type de relations que le Congrès des États-Unis entretient avec la Réserve Fédérale, cette coupure s'imposait comme la solution la plus simple. Fonder la BCE sur une règle était la seule solution. Mais, l'usage de la règle, qui s'apparente ici à la « Constitution économique » 58, a deux inconvénients. Il pose un problème de contrôle démocratique, à partir du moment où l'organisme régi par la règle est amené à sortir de l'action purement mécanique. C'est le problème de la légitimité 59. Le second inconvénients est d'ordre opérationnel : la règle limite grandement la capacité de réaction de la BCE en temps de crise, sauf à ce qu'elle s'en affranchisse.

On peut le montrer au travers d'un exemple historique, l'expérience malheureuse de l'Autriche au tout début des années 1930 60. Ce pays avait connu, immédiatement après le premier conflit mondial, une grave crise hyper-inflationniste 61. Les gouvernants avaient cru bon, pour restaurer la confiance et construire ce que nous appellerions de nos jours la "réputation" de la monnaie autrichienne, devoir introduire dans la nouvelle Constitution du pays l'interdiction du déficit budgétaire 62.

Ceci se traduisit, dans un premier temps, par un succès évident. Il arriva, dans la seconde moitié des années vingt, que le système bancaire autrichien connut une crise grave. Elle était largement prévisible car le pays avait hérité des grands établissements financiers de l'ex-empire Austro-Hongrois, et ces banques avaient bien du mal à survivre sur un espace désormais fragmenté 63. Le gouvernement autrichien dût, à la suite d'une crise bancaire particulièrement grave, procéder à une recapitalisation du principal établissement financier. Il n'y a ici rien de plus normal. Le bon fonctionnement des banques est nécessaire à la crédibilité du système des paiements sans laquelle il n'y a pas d'économie de marché.

Ceci justifie une action de « prêteur en dernier ressort » de la part de la puissance publique. Seulement, pour prendre une telle mesure, le gouvernement autrichien dût prévoir, en cours d'exercice budgétaire, des dépenses supplémentaires. Ceci le conduisit à enfreindre la Constitution. Pour ne pas provoquer de crise politique, il décida de tenir secrète cette décision. Le secret fut éventé, détruisant rapidement la réputation du gouvernement et du pays dans le contexte de la montée de la crise de 1929, et conduisant à une nouvelle crise monétaire grave 64.

Le déficit budgétaire consenti pour recapitaliser le système bancaire autrichien était en réalité insignifiant, et bien incapable par lui seul d'induire une déstabilisation massive. Mais, ce qui compta fut le manquement à la règle et non l'ampleur de l'infraction à cette dernière. On voit ici que, pour acheter à bon compte une réputation monétaire, les autorités autrichiennes s'étaient mises dans une situation les privant de capacité de réaction face à de nouvelles crises. Pour en revenir à la question du « Constitutionnalisme économique », Hayek, qui est l'origine de l'engouement pour cette idée, a pris conscience, vers la fin de sa vie, de cette contradiction. Il a admis, dans un ouvrage de 1979, la nécessité d'avoir une souplesse décisionnelle dans le domaine des règles économiques 65, sans quoi l'ordre spontané était susceptible d'aboutir au chaos 66.

De fait, la BCE s'est largement écartée de son statut originel, et de la règle, depuis 2008, et en particulier depuis le « whatever it takes » de M. Mario Draghi en 2012. Cela pose des problèmes de légitimité, et donc de démocratie, qui sont incontestables 67. On ne peut exclure certaines questions du débat sans encourir le risque d'une de-légitimation de l'institution, et donc de la pratique d'exclusion 68. Ce point, présent déjà dans la réflexion politico-juridique de la fin du XVIIIème siècle 69, a été l'une des causes qui ont conduites à la Guerre de Sécession en raison de la volonté par les Etats du Sud d'exclure du débat la question de l'esclavage 70.

Dès lors, l'indépendance de la BCE pourrait-elle être contestée par une instance juridique ? On constate en effet, depuis les années 2010, qu'en Allemagne le recours en constitutionnalité, autrement dit la mobilisation de la Cour Constitutionnelle allemande, et ce de la droite à la gauche, joue désormais comme une soupape de sécurité autorisant l'expression d'une profonde insatisfaction avec la politique transnationale d'aides budgétaires menée au sein de la zone Euro depuis 2010 71. D'une manière plus générale, à défaut d'un contrôle politique, l'option juridique apparaît comme la seule manière de mettre en question la responsabilité de la BCE.

C'est pourquoi, l'arrêt de la cour constitutionnelle allemande (dite aussi « Cour de Karlsruhe») du 5 mai 2020 pourrait à cet égard s'avérer historique 72. Cet arrêt vient mettre un terme à une dérive de la Banque Centrale Européenne (BCE), qui s'instituait de plus en plus une agence parfaitement indépendante de la volonté des citoyens. Cet arrêt a immédiatement engendré une réaction de la part de la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) 73. Cette dernière a rappelé qu'elle était seule compétente en matière d'institutions européennes. C'est entièrement exact mais la Cour de Karlsruhe est quant à elle seule compétente par rapport aux institutions allemandes. De fait, si la BCE ne répondait pas à la Cour de Karlsruhe cette dernière pourrait contraindre la Bundesbank à se retirer des opérations de la BCE, ce qui signifierait la fin de l'Union Economique et Monétaire, et donc la fin de l'Euro.

5 - La BCE contestée : le jugement de la Cour de Karlsruhe

De quoi s'agit-il ? La Cour constitutionnelle allemande a mis en cause la politique monétaire adopté par la BCE, exigeant de cette dernière qu'elle justifie de la « proportionnalité » de ses actions avec ses objectifs tels qu'il ont été définis dans sont statut 74. Elle considère que cela n'a pas été le cas dans le programme d'achat de titres lancé par la BCE. Par extension, ce jugement pourrait évidemment s'étendre au « Pandemic Emergency Purchasing Program » décidé à la suite de l'épidémie du Covid-19 et qui est vital pour assurer à certains pays, dont l'Italie, des conditions de bon refinancement de sa dette publique.

Les magistrats constitutionnels d'Outre-Rhin rappellent ici une évidence : rien ne peut autoriser des entités créées par la Constitution à violer cette constitution ou à ignorer le principe fondamental de démocratie. C'est la question de la « compétence de la compétence ». Ce concept est inhérent au fédéralisme. Il désigne le pouvoir (souveraineté) d'attribuer certaines compétences à un détenteur du pouvoir souverain. En ce qui concerne l'UE, celle-ci ne dispose pas de la compétence de la compétence, c'est-à-dire qu'elle ne peut pas donner pouvoir 75. Elle dispose des seuls pouvoirs et compétences que lui ont attribué/transféré par voie de traité les Etats membres : c'est le principe d'attribution 76.

Ce point a d'ailleurs été souligné par un juriste appartenant à la gauche allemande 77. Andreas Fisahn remarque donc dans la décision de lancer en 2012 le programme d'Outright Monetary Transaction (OMT) la BCE a pris une décision de politique économique et pas seulement de politique monétaire. Il ajoute : « L'arrêt Pringle de la Cour de justice européenne (CJUE) 78, datée du 27 novembre 2012, avait stipulé que la BCE n'était autorisée à mener qu'une politique monétaire et non sa propre politique économique. C'est assez absurde, car la politique monétaire est toujours aussi une politique économique et vice versa - la distinction est artificielle. Mais la jurisprudence crée des dogmes, de sorte que la volonté de séparer la politique monétaire et la politique économique est devenue une prémisse jamais remise en question » 79.

On ne peut donc que constater que l'arrêt rendu le 5 mai dernier s'inscrit dans une jurisprudence constante de la cour de Karlsruhe depuis plusieurs années. Le conflit entre la Cour Constitutionnelle et la BCE existe à bas bruit depuis au moins le 12 septembre 2012 et l'arrêt, pourtant favorable 80, qu'elle avait rendue sur le MES 81. En particulier, cette décision vient confirmer des arrêts précédents indiquant, contre les tendances fédéralistes à l'œuvre tant à Bruxelles qu'à Francfort, que la démocratie ne peut se vérifier QUE dans les cadres nationaux. La supériorité des règles et lois nationales sur les directives européennes a été affirmée, une nouvelle fois, en Allemagne lors d'un arrêt de la Cours Constitutionnel de Karlsruhe. L'arrêt du 30 juin 2009 82 stipule en effet qu'en raisons des limites du processus démocratique en Europe, seuls les États-Nations sont dépositaires de la légitimité démocratique 83.

Au delà, la Cour de Karlsruhe avait pris des décisions importantes au sujet de la politique monétaire européenne. Le tribunal constitutionnel de Karlsruhe devait en effet préciser, dans l'arrêt qu'il rendît le 12 octobre 1993 à l'occasion de la ratification du traité de Maastricht, que le passage à la monnaie unique devait se faire dans le cadre d'une communauté de stabilité monétaire : « Cette conception de l'union monétaire, communauté de stabilité monétaire, est le fondement de la loi allemande » 84.

Ceci a des conséquences directes sur la situation actuelle. Le principe d'une mutualisation de la dette a ainsi été considéré comme anticonstitutionnel pour la Cour de Karlsruhe. Elle l'a réaffirmé dans l'arrêt qu'elle a rendu au début de septembre 2011 en réponse à une question portant sur la constitutionnalité de l'accord du 21 juillet sur le sauvetage de la Grèce. La Cour Constitutionnelle de Karlsruhe a toujours été plus que réservée sur la constitutionnalité des Euro-obligations. De même a-t-elle toujours été opposée à l'idée d'un hypothétique financement monétaire direct des dettes des États par la BCE 85.

On voit donc que la récente décision de la Cour de Karlsruhe s'inscrit dans la continuité constante de sa jurisprudence. Dans le cas de l'arrêt du 5 mai dernier, la Cour de Karlsruhe commence par rappeler que le droit de vote prévu par la Loi fondamentale allemande n'est pas un pur droit formel de choisir ses parlementaires mais constitue un droit réel qui doit se traduire par la capacité d'influer concrètement sur les décisions qui s'appliqueront aux citoyens.

La démocratie n'est donc pas le droit de voter mais bien le droit de choisir une politique à appliquer et seule une politique choisie par les citoyens est légitime. Or, la Cour de Karlsruhe avait considéré, depuis un célèbre arrêt de 2009 86, qu'il n'existe pas de « peuple européen » et que, par voie de conséquence « le Parlement européen n'est pas (...) l'organe de représentation d'un peuple européen souverain« 87. La Cour de Karlsruhe pointe dans cet arrêt de 2009 tout ce qui fait de la construction communautaire un édifice contraire à la démocratie et, par la même occasion, interdit qu'une Constitution vienne coiffer cet édifice qui n'est ni un Etat fédéral - dont il a certain traits - ni un Etat unitaire et qui, comme « organisation internationale », ne peut se prévaloir d'une souveraineté comparable à celle des Etats qui la composent 88.

En particulier, l'arrêt déclare « L'évolution de l'Union européenne vers un Etat fédéral excéderait les fonctions et les compétences des organes constitutionnels de la République fédérale d'Allemagne. Seule une loi constitutionnelle que le Peuple allemand se serait donnée conformément aux dispositions de l'article 146 GG serait en mesure de donner un fondement à un tel degré d'intégration » 89.

La cour constitutionnelle fédérale, dans son arrêt du 5 mai 2020 en déduit que le Parlement national doit se voir reconnaître un droit de regard sur la mécanique de prise des décisions et que, tant qu'une loi n'aura pas reconnu ces droits « de participation », le traité ne peut être ratifié par l'Allemagne. Tout ce qui n'émane pas du libre choix des citoyens n'est à proprement pas démocratique et donc ne peut pas s'appliquer en Allemagne. De fait, ce que vient de réaffirmer la Cour de Karlsruhe c'est bien le principe de souveraineté du peuple allemand au travers de ses assemblées, le Bundestag et le Bundesrat. Et cela échappe au champ d'action de la CJUE.

On comprend dès lors le dilemme tant des responsables allemands que des dirigeants de la BCE. Les responsables allemands ne peuvent aller contre une décision du tribunal constitutionnel, si tant est qu'ils en aient le désir, sauf à provoquer l'effondrement politique de ce sur quoi l'Allemagne fédérale, puis l'Allemagne réunifiée, est assise depuis 1949. Les dirigeants de la BCE peuvent, assurément, s'appuyer sur le communiqué de la CJUE.

Mais, alors, il est plus que probable qu'ils devront faire face à un retrait de la Bundesbank des programmes de la BCE, ce qui - en pratique - revient à condamner à terme cette dernière. De fait un retrait explicite de la Bundesbank provoquerait l'éclatement de la zone Euro. Ils peuvent aussi décider de tenir compte implicitement de l'arrêt du 5 mai 2020, mais alors il faudra mettre un terme au programme de rachat des titres et donc provoquer, de par la hausse des taux d'intérêts qui en résulterait, une nouvelle crise au sein de la zone Euro.

Cet arrêt du 5 mai repose donc le problème de la responsabilité politique de la Banque Centrale européenne. Il le repose évidemment dans la forme juridique. Nous avons montré plus haut pourquoi cette forme juridique était le canal par lequel se posaient des questions politiques dans le cas de la BCE. Or, le problème de la nécessaire responsabilité politique de la BCE va devenir une question centrale dans les mois à venir.

6 - De l'impossibilité des réformes dans le cadre de l'UE

Le problème posé par l'arrêt du 5 mais 2020 du tribunal constitutionnel allemand est, comme on l'a dit, celui de la démocratie. Il repose donc celui de la responsabilité de la Banque Centrale Européenne. Il ne s'agit, cependant, que d'une ultime pierre jetée dans le jardin des institutions de l'Union européenne.

La décision d'instituer la BCE en Banque Centrale indépendante sur le modèle particulier de la « coupure » ne laissait comme possibilités que celui de la rigidité absolue (par respect pour la « règle ») ou celle de l'aventureuse navigation aux limites du « statut » mais dans l'absence totale d'un contrôle politique. Ces deux possibilités ont touché leurs limites. Celle de la rigidité n'a pas résisté aux divers chocs exogènes qui se sont produit depuis 2000. Celle de l'aventureuse navigation, entamée sous le mandat de Mario Draghi, risque de se fracasser sur le récif de la contestation juridique par la Cour de Karlsruhe.

Il n'est donc pas étonnant, dans ce contexte général, que la question de la « démocratisation » de l'UE et de la BCE ait été posée depuis maintenant plusieurs années 90. Jürgen Habermas s'en était déjà ému dans un ouvrage de 2011, qui fut traduit en français en 2012 91. Il remarquait ainsi : « Le "pacte pour l'euro" perpétue une vieille erreur : non contraignants juridiquement, les accords passés en petit comité entre les chefs d'État et / ou de gouvernement sont soit inefficients, soit non-démocratiques ; il faut, par conséquent, les remplacer par une institutionnalisation des décisions communes qui soit démocratiquement irréprochable. 92 » Cela le conduit à considérer que le gouvernement de la zone Euro constitue une forme d'« autocratie post-démocratique » 93. Cela le conduit à souhaiter un renforcement de la structure fédérale 94, s'intégrant dans un système mondial qui serait « plus juridique que politique » 95.

Si l'on suit l'ouvrage d'Antoine Vauchez, qui réfléchit depuis des années à la construction institutionnelle de l'Union européenne 96, Il s'agit de considérer qu'il faut inventer une forme de démocratie réellement européenne et que nous ne pouvons nous contenter de transposer à l'échelle continentale les schémas institutionnels mis en place à l'échelle des États-nations. Mais, il constate aussi qu'il convient de prendre en compte le rôle éminemment politique pris par les institutions dites « indépendantes », comme la BCE 97.

Ces institutions se cachent justement derrière le voile de la « technique » et de l'« expertise », voile qui contribue à les légitimer. C'était très précisément l'argument que j'avançais déjà dans mon ouvrage de 2002 98. Si l'on reprend ici ce qu'écrit Antoine Vauchez, « l'autorité acquise par les "indépendantes" se joue dans leur capacité à produire, en soutien de leurs décisions, un ensemble d'énoncés scientifiques, de données empiriques, d'instruments et de diagnostics. Ne discuter que du produit final, sans considérer tout le cadrage doctrinal et méthodologique qui se joue en amont reviendrait à souscrire à l'idée d'une "objectivité" du travail effectué par les "indépendantes99.

La question de la démocratisation de la gouvernance de la « zone Euro » occupant une place prioritaire, en particulier depuis la crise Grecque de 2015 100. Thomas Piketty constate en effet que la BCE agit comme « co-gouvernant » de l'UE 101, et ce surtout depuis qu'elle est sortie de son statut initial. Mais, ce « co-gouvernant » n'est en rien responsable devant un corps démocratiquement élu, comme l'est la Réserve Fédérale devant le Congrès. Ne serions nous pas en présence d'un « Tyrannus ab Exercitio » dans la typologie des formes tyranniques 102 ?

Il convient de se souvenir que le Conseil européen (qui est composé des chefs d'État et de gouvernement) et le Conseil (composé quant à lui des ministres des États de l'UE) ont tous deux un équivalent pour la zone euro. Il s'agit respectivement des « sommets de l'euro » et de l'Eurogroupe. Ce dernier a été créé de facto en 1997 et officiellement reconnu par le traité de Lisbonne 103. L'Eurogroupe est maintenant (brièvement) mentionné à l'art. 137 TFUE 104.

Le Protocole n°14 décrit brièvement ses réunions et l'élection de son président 105. L'Eurogroupe regroupe uniquement les ministres de l'Économie et des Finances des États membres de la zone euro, le président de l'Eurogroupe (élu par les ministres pour deux mandat d'un an et demi, renouvelable à l'infini), représentant de la Commission européenne et du président de la BCE. L'existence de sommets de la zone euro n'est reconnue en fait QUE par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l'Union économique et monétaire, appelé TSCG ou Pacte budgétaire 106. Ce traité est un traité intergouvernemental.

Il est présenté comme une nouvelle version plus stricte du pacte de stabilité et de croissance et a été signé le 2 mars 2012 par tous les États membres de l'Union européenne, à l'exception de la République tchèque, du Royaume-Uni et de la Croatie 107. Le pacte budgétaire ne fait pas partie du droit de l'UE et, par conséquent, le sommet de la zone euro ne fait pas partie du cadre institutionnel de l'UE. Ni l'Eurogroupe ni le Sommet de la zone euro n'ont de pouvoir de décision. Cependant, ils sont censés permettre aux États membres de la zone euro de coordonner leurs positions entre eux. Dans les faits l'Eurogroupe et les Sommet de la zone euro ont bien été, en particulier lors des années 2012 à 2016, des organismes implicites importants de décision.

Piketty et ses trois co-auteurs proposent donc un processus de démocratisation de la zone Euro. La principale innovation du Traité de démocratisation de la zone Euro (ou T-Dem), prévue à l'article 2, est la création d'une Assemblée parlementaire spécifique à la zone Euro. Ce n'est pas la première tentative en ce sens 108. Sébastien Platon remarque alors, dans un long commentaire sur l'ouvrage, que cette assemblée pourrait constituer une alternative au Parlement Européen 109. On peut cependant remarquer que cette « assemblée » ne résout pas la question soulevée par l'arrêt de la cour de Karlsruhe de 2009, que l'on a évoqué plus haut.

De plus ; ce « Pacte démocratique de la zone Euro » laisse ouverte la question de la coordination des relations institutionnelles entre cette assemblée de la zone Euro et les différent parlements nationaux, notamment en ce qui concerne les différents pouvoirs de veto dont ces derniers disposent dans la mise en œuvre des actes juridiques de « sauvetage » financiers.

Ces propositions se heurtent donc aux mêmes problèmes : la lourdeur des mécanismes de réforme institutionnelle au sein de l'UE et la profonde division politique qui divise cette dernière. Il est donc probable que la BCE reste coincé dans ce dilemme : respect de la « règle » ou contestation juridique.

Une solution pragmatique serait en théorie possible : que la BCE, qui opére par l'intermédiaire des Banques Centrales nationales, délègue à ces dernières le pouvoir de monétisation de la dette, sous le contrôle des Parlements nationaux. Mais on voit les deux écueils qui menacent cette solution. D'une part, cela reviendrait à remettre en cause le dogme de l'indépendance des Banques Centrales dans chacun des différents pays. D'autre part, l'Euro étant la monnaie unique pour les pays de l'UEM, les parlements nationaux pourraient avoir des objections au degré de monétisation entrepris par son voisin du fait du possible impact sur l'Euro.

On en revient donc au problème posé au départ : quelle contrôle politique et démocratique est-il possible d'une part, et quelle adaptabilité de la réponse monétaire de la BCE aux situations diverses des différents pays de l'UEM. L'institut Bruegel, l'un des centres d'études les plus influents auprès des institutions de l'Union européenne, l'a d'ailleurs reconnu : pour reprendre son langage, « one size does not fit all » 110.

Ce que cet institut propose, un noyau de pays bien plus intégrés qu'aujourd'hui et des clubs de pays satellites autour, va bien sûr dans le sens d'une plus grande intégration pour les pays du noyau. Mais, outre que cette course au rétrécissement de l'UE ne sera vraisemblablement pas acceptée par de nombreux pays, elle pose un autre problème : sa logique n'est-elle pas d'arriver à ce que le « noyau » finisse par n'être composé que d'un seul Etat ?

On peut ici reprendre une remarque de Paul Craig au sujet du Fiscal Compact : « «Si les États membres ne parviennent pas à l'unanimité pour la modification [des traités de l'UE] et ne cherchent pas ou n'atteignent pas leurs objectifs par le biais d'une coopération renforcée, cela signifie-t-il que 12, 15, 21, des Etats membres pourraient faire un traité pour atteindre les objectifs souhaités et que les institutions de l'UE peuvent y jouer un rôle, alors que les 28 États membres n'ont pu se mettre d'accord dans les institutions de l'UE, et ce traité ainsi conclu peut-il traiter des matières couvertes directement par la Traité de Lisbonne existant? 111 »

On le constate, les possibilités de réforme de l'UE de l'intérieur sont à la fois limitées et soumises à la clause de l'unanimité ce qui limite leur application pratique. Dans ces conditions, et voyant les urgences actuelles, ne conviendrait-il pas mieux de dissoudre l'UEM et laisser à chaque pays le choix des compromis institutionnels qu'il juge le mieux à même de servir ses intérêts ? Cela vaut naturellement pour l'indépendance des Banques Centrales dont on voit bien qu'elle ne peut plus être appliquée dans la forme qui avait été définie par le Traité de Maastricht et le Traité de l'UEM. Bien sûr, une telle solution impliquerait la dissolution de l'Euro.

Mais, cette solution, permettant alors à chaque Etat d'ajuster la combinaison de politique budgétaire et de politique monétaire à ses besoins, tels qu'ils auraient été définis dans le cadre légitime d'un débat national, permettrait aux pays concernés de retrouver un flexibilité de réaction face aux chocs exogènes leur permettant de sortir de la crise dans les meilleures conditions possibles. Il est ici primordial de remettre la politique au poste de commande et de cesser de vouloir s'abriter derrière un voile de règles illusoires.

Georges Clémenceau avait donc raison : la politique économique et la politique monétaire sont des choses trop graves pour être laissées aux seuls banquiers centraux.

NOTES

1  historia.fr

2 Il s'agit du Ministère de René Goblet, Ministère dit de « concentration républicaine » qui avait succédé à celui de Charles de Freycinet, dans lequel Boulanger était déjà Ministre de la Guerre.

3 Mordacq J-J. H. (Général), Le Ministère Clemenceau journal d'un témoin /1917 -1920, Paris, Plon, 1930, 4 tomes. Winock M., Clemenceau, Paris, Perrin, 2007.

4 Blanchard O. et J. Pisani-Ferry, « Monetisation: Do not panic », in Voxeu.org, 10 avril 2020,  voxeu.org.

5 Giavazzi F. et G. Tabellini, « Covid Perpetual Eurobonds » in Voxeu.org, 24 mars 2020  voxeu.org

6 De Grauwe P., « The ECB Must Finance COVID-19 Deficits », in project-syndicate.org, 18 mars 2020  project-syndicate.org

7 Voir :  ecb.europa.eu et  ecb.europa.eu

8 Bundesverfassungsgericht, ECB decisions on the Public Sector Purchase Programme exceed EU competences, Press Release No. 32/2020 of 05 May 2020, arrêt du 05 Mai 2020, Karlsruhe, BVerfG, Judgment of the Second Senate of 05 May 2020 - 2 BvR 859/15 -, paras. (1-237),
 bverfg.de

9 De Haan J., « The European Central Bank: Independence, Accountability and Strategy: A Review » in Public Choice, Vol. 93, No. 3/4 (1997), pp. 395-426

10  ecb.europa.eu

11  foreignpolicy.com

12 Blancheton B., « Central bank independence in a historical perspective. Myth, lessons and a new model » in Economic Modelling, Volume 52, Part A, janvier 2016, Pages 101-107.

13 De Haan J. et Kooi W.J., « Does Central Bank Independence Really Matter », in Journal of Banking and Finance, vol. 24, 2000, pp. 643-664.

14 Cukierman A., Central Bank Strategy, Credibility and Independence, Harvard, MIT Press, 1992.

15 Forder, J. « On the Assessment and Implementation of Institutional Remedies », in Oxford Economic Papers, Vol. 48, 1996, pp. 39-51. Issing, O., « Central Bank Independence - Economic and Political Dimension » in National Institute Economic Review, Vol.196, 2006, pp. 66-76

16 Forder, J., Traps in the Measurement of Independence and Accountability of Central Banks, University of Oxford, Department of Economics, Discussion Paper n°23, 2000.

17 Arnone, M., B. J. Laurens, J. Segalotto & M. Sommer, Central Bank Autonomy: Lessons from Global Trends, Washington DC, IMF, Working Paper 88, 2007. Hayo, B. & S. Voigt, « Inflation, Central Bank Independence, and the Legal System » in Journal of Institutional and Theoretical Economics, 164(4), pp. 751-777.

18 Fouad J.M., Mona, Fayed M.E., Talla H., Emam A., « A New Insight into the Measurement of Central Bank Independence » in Journal of Central Banking Theory and Practice, 2019, 1, pp. 67-96.

19 Pisha, A., Eurozone Indices: A New Model for Measuring Central Bank Independence, Bank of Greece, Special Conference, Paper 5, 2011. Ivanović, V., « Financial Independence of Central Bank through the Balance Sheet Prism » in Journal of Central Banking Theory and Practice, Vol. 3, 2014, (2), pp. 37-59.

20 Jaillet P., L'indépendance des Banques Centrales, un concept caduc ?, in Paris, Institut Jacques Delors, Policy Paper n° 246, décembre 2019.

21 Arnold M., « Former central bankers attack ECB's monetary policy » in Financial Times, 4 novembre 2018,  ft.com. Voir aussi, « Schlesinger and Issing lead attack on ECB policies »,  centralbanking.com

22  lesechos.fr

23 Jones E., « The political independence of the European Central Bank in question », 3 juillet 2019,  iiss.org

24 ecb.europa.eu et ecb.europa.eu du 26 octobre 2010.

25 Protocole de 26 octobre 2012, op.cit, p. 3.

26 Bezhoska, A.A., « Central Bank Independence: The Case of the National Bank of the Republic of Macedonia », in Journal of Central Banking Theory and Practice, Vol. 6, 2017, (3), pp. 35-65

27 Ritleng D., Independence and Legitimacy in the Institutional System of the European Union, Oxford-Londres, Oxford University Press, 2016.

28 Berger, H. & J. de Haan, « A State within the State: An Event Study on the Bundesbank (1948-1973) » in Scottish Journal of Political Economy, Vol. 46, 1999, (1), pp. 17-39.

29 Meltzer, A. H. A History of the Federal Reserve, Volume 2, Book 1, Book 2, 1969-1985, Chicago, University of Chicago Press, 2009.

30 Statement by Professor James K. Galbraith, Lloyd M. Bentsen, Jr. Chair in Government/Business Relations, Lyndon B. Johnson School of Public Affairs, The University of Texas at Austin and President, Association for Evolutionary Economics, to the Subcommittee on Domestic Monetary Policy, Committee on Financial Services, U.S. House of Representatives. May 8, 2012, Rayburn House Office Building, US-GPO, Washington DC, 2012. financialservices.house.gov

31 Statement by Professor James K. Galbraith, op.cit.

32 Statement by Professor James K. Galbraith, op.cit.

33  federalreserve.gov

34 Barro, R.J. [1986], « Reputation in a model of monetary p olicy with incomplete information » in Journal of Monetary Economics, Vol. 17(1),3-20 ; Alesina, A.,& Tabellini, G., « Rules and discretion with non-coordinated monetary and fiscal policies », in Economic Inquiry, vol. 25(4),pp. 619-630, 1987. Gilles,Ph. et Bastion C., « The evolution of central banking over the last three decades », Keynote speaker, Centre of European Studies (CES), annual international conference : European debt crisis, CES, Kirklareli Uni-versity, Kirklareli (Turquie),17-18 mai 2012.

35 Aglietta M., « L'indépendance des banques centrales. Leçons pour la Banque Centrale Européenne », in Revue d'économie Financière, n° 22, 1992, pp. 37-56, p. 38.

36 Merritt R.L., « American Influences in the Occupation of Germany », in The Annals of the American Academy of Political and Social Science, Vol. 428, The American Revolution Abroad (Novembre 1976), pp. 91-103

37 On estime à 3,8 millions de personnes les allemands ayant quitté la zone soviétique, puis la RDA pour la RFA de 1945 à 1961, Rainer M. et U. Ralf. Les migrations en Allemagne : 1945-1996. In: Revue européenne des migrations internationales, vol.14, n°2,1998. Immigrés et minorités ethniques dans l'espace politique européen. pp. 173-210. L'accueil d'immigrés « non-allemands » décolle réellement à partir de la construction du « mur » en 1961.

38 Labrousse A. & Weisz J.-D. (dir.), Institutional Economics in France and Germany. German Ordoliberalism vs. the French Regulation School, Berlin-New York, Julius Springer, 384 p, 2001

39 Bibow J., Investigating the Intellectual Origins of Euroland's Macroeconomic Policy Regime: Central Banking Institutions and Traditions in West Germany After the War, The Levy Economics Institute, Annadale on Hudson, Working Paper n°406, 2004.

40 Adler, H. A. 1949. The Post-War Reorganization of the German Banking System, Quarterly

Journal of Economics, vol. 63: pp. 322-41.

41 Dickhaus, M., « The Foster-Mother of "The Bank that Rules Europe": the Bank deutscher Länder, the Bank of England and the Allied Banking Commission », in: Bance, A. (Ed.), The Cultural Legacy of the British Occupation in Germany, Stuttgart, 1997, pp. 294-324

42 Loehr, R., The West German Banking System, Washington DC, Government Printing Office, 1952.

43 Giersch, H. & Lehment, H., « Monetary Policy: Does Independence Make a Difference? - The German experience », in ORDO, n° 32, pp. 3-16, 1981.

44 Sylla, R., « The autonomy of monetary authorities: the Case of the U.S. Federal Reserve

System », in Toniolo. G. (Ed), Central Banks' Independence in Historical Perspective, Berlin-New York, de Gruyter, 1988.

45 Cairncross, A., « The Bank of England: Relationships with the Government, the Civil

Service, and Parliament », in Toniolo G. (Ed), Central Banks' Independence in Historical Perspective, op.cit.. Voir aussi, Fjorde, J., The Bank of England and Public Policy 1941-1958, Cambridge, Cambridge University Press, 1992.

46 Bouvier, J., « The Banque de France and the State from 1850 to the Present Day », in

Toniolo (Ed), Central Banks' Independence in Historical Perspective, op.cit.

47 Horstmann, T., « Die Entstehung der Bank deutscher Länder als geldpolitische

Lenkungsinstanz in der Bundesrepublik Deutschland, » [L'émergence de la Banque des États allemands comme Organe directeur de la politique monétaire en République fédérale d'Allemagne] in Riese, H. & Spahn, H.-P. (Edits) Geldpolitik und ökonomische Entwicklung. Ein Symposium, [Politique monétaire et développement économique. Un symposium] Regensburg, Transfer Verlag, 1990, pp. 202-18; Lindenlaub D., Der Zentralbankrat vor fünfzig Jahren, [Il y a cinquante ans, le Conseil de la Banque Cantrale], Monatsbericht, Deutsche Bundesbank, Francfort, 1998, mars, pp. 17-31.

48 Germany, 1947-1949: The Story in Documents, United States - Dept. of State, Office of Public Affairs, Washington DC, 1950.

49 Voir Federal Register, Volume 15, Partie 3, US-GPO, Washigton, 1950, pp. 1052-1055.

50 Joseph M. Dodge fut le concepteur, avec G. Colm et R. Goldsmith de la réforme monétaire visant à stabiliser la situation monétaire en 1945-1946. Kindleberger C.P., A Financial History of Western Europe, Londres-New York, Routledge, 1984, pp. 412-413. Voir aussi Germany, 1947-1949: The Story in Documents, op.cit., pp. 492 et ssq.

51 Dickhaus, M., « The Foster-Mother of "The Bank that Rules Europe": the Bank deutscher Länder, the Bank of England and the Allied Banking Commission », op.cit., p. 301.

52 Distel, J., Die Errichtung des westdeutschen Zentralbanksystems mit der Bank

deutscher Länder, [La mise en place du système de banque centrale ouest-allemande avec la banque des lander] Tübingen, Mohr Siebeck, 2003.

53 Bibow J., Investigating the Intellectual Origins of Euroland's Macroeconomic Policy Regime: Central Banking Institutions and Traditions in West Germany After the War, op.cit..

54 Eucken, W., Grundsätze der Wirtschaftspolitik, [Principes de politique économique] Tübingen, Zürich, 1952. Je remercie les collègues du Centre March Bloch de Berlin de m'avoir communiqué une traduction de ce livre.

55 Rieter, H. et Schmolz, M., « The ideas of German Ordoliberlism 1938-45: pointing the way to a new economic order », in European Journal of the History of Economic Thought, Vol.1(1), 1993, pp. 87-114.

56 Voir Bernholz, P., « OrdoLiberals and the Control of the Money Supply », in A. Peacock and H. Willgerodt (eds) German Neo-Liberals and the Social Market Economy, St. Martin's Press, New York, 1989.

57 Point notamment mis en avant par Aglietta M., Zone Euro - Eclatement ou fédération, Paris, Michalon, 2012.

58 Sapir J., Les Economistes contre la Démocratie, Paris, Albin Michel, 2002.

59 Sapir J., Souveraineté, Démocratie, Laïcité, Paris, Michalon, 2016.

60 Aguado, I. G., « The Creditansalt Crisis of 1931 and the Failure of the Austro-German Customs Union Project. » in The Historical Journal vol. 44, n° (1), 2001, pp. 199-221.

61 Cottrell, P. L., ed., Rebuilding the financial systems in Central and Eastern Europe, 1918-1994, Aldershot, Scolar, 1997. Voir aussi, Eigner, P., « In the Center of Europe: Vienna as a Financial Hub, 1873-1913. » In Feldman G.D., Hertner P., (Edits.), Finance and Modernization: a transnational and transcontinental perspective for the nineteenth and twentieth centuries, Banking European Association for and History Financial. Aldershot-Burlington, Ashgate, 2008.

62 Feldman, G. D., « Banks and banking in Germany after the First World War: strategies and defence. » In Cassis Y., (Ed.), Finance and Financiers in European History, 1880-1960, Cambridge-New York: Cambridge University Press Paris et Editions de la Maison des sciences de l'homme, 1994.

63 Cottrell, P. L., « »Mushrooms and dinasaurs »: Sieghart and the Boden-Credit-Anstalt during the 1920s. » In A. Teichova, T. R. Gourvish, Á. Pogány and P. L. Cottrell Universal Banking in the Twentieth Century, Finance, Industry and the State in North and Central Europe, edited by, Aldershot, England-Brookfield, Edward Elgar, 1994.

64 Schubert A., The Credit-Anstalt Crisis of 1931, Cambridge University Press, Cambridge, 1991.

65 F.A. Hayek, Law, Legislation and Liberty - Vol. 3 The Political Order of a Free People, Chicago, University of Chicago Press, 1981.

66 Idem, pp. 41-44.

67 Sapir J., « L'ordre démocratique et les apories du libéralisme », in Les Temps Modernes, n°610, septembre-novembre 2000, pp. 309-331

68 Sunstein C.R., « Constitutions and Democracies: an epilogue », in Elster J. & R. Slagstad, Constitutionalism and Democracy, Cambridge University Press, Cambridge, 1993 (1988), pp. 327-356.

69 Jefferson T., « Notes on the State of Virginia », in Writngs - edited by M. Peterson, Library of America, New York, 1984. J. Locke, Two Treatise of Governments, Mentor, New York, 1965, Livre II, ch. 8.

70 Holmes S., « Gag-Rules or the politics of omission », in J. Elster & R. Slagstad, Constitutionalism and Democracy, op.cit., pp. 19-58

71 Bourgeois I., « La constitutionnalisation de l'ordre économique. Les 50 ans du Bundesverfassungsgericht », in Regards sur l'économie allemande, n° 92, juillet 2009

72 « ECB decisions on the Public Sector Purchase Programme exceed EU competences », Judgment of 05 May 2020, Karlsruhe,  bundesverfassungsgericht.de

73 Voir le « Press release » n° 58/20 du 8 mai 2020, Luxembourg.

74 Voir « Protocole sur les statuts du système européen de Banque Centrale et sur la Banque Centrale Européenne », ecb.europa.eu

75 Müller-Graff P-M., « L'arrêt de Karlsruhe à propos du MES », in Regards sur l'économie allemande, n°106 | 2012, pp. 5-15

76 art. 5, |2 du Traité de l'UE.

77 Fisahn A., « Karlsruhe und die Anleihekäufe der EZB », in Makroscop, 8 mai 2020,  makroskop.eu, texte traduit par Peter Wahl et Michèle Mialane, qui ont eu la bonté de me le communiquer.

78  eur-lex.europa.eu

79 Fisahn A., « Karlsruhe und die Anleihekäufe der EZB », in Makroscop, op.cit..

80 Voir :  bundesverfassungsgericht.de

81 Müller-Graff P-M., « L'arrêt de Karlsruhe à propos du MES », op.cit..

82 Arrêt du 30 juillet 2009,  bundesverfassungsgericht.de

83 Voir H. Haenel, « Rapport d'Information » n° 119, Sénat, Session Ordinaire 2009-2010, Paris, 2009.

84 M-F. Garaud, Impostures Politiques, Paris, Plon, 2010, pp. 57-58.

85 Cette dernière s'est contentée, et ce n'est pas rien, de prendre en pension (acheter mais avec une clause de rachat signée par l'ancien détenteur) aux banques des titres de dettes afin de fournir de la liquidité à ces dernières et d'éviter que les taux d'intérêts ne montent trop vite. Depuis le printemps 2010 elle a donc pris en pension pour 150 milliards de titres Grecs, Irlandais, Portugais, Espagnols et Italiens.

86 Voir  cvce.eu

87 Idem, titre 143.

88 Bechtel M-F, L'arrêt du 30 juin 2009 de la cour constitutionnelle et l'Europe : une révolution juridique ?  fondation-res-publica.org

89  cvce.eu, titre 113.

90 Vauchez A., Démocratiser l'Europe, Paris, Seuil, coll. « La République des idées », 2014, 112 p

91 Habermas J., La Constitution de l'Europe, Paris, Gallimard, NRF-Essai, (2011), 2012 pour la traduction française.

92 Idem, p. 69.

93 Idem, p. 14.

94 Idem p. 114.

95 Idem p. 125.

96 Vauchez A., L'union par le droit, L'invention d'un programme institutionnel pour l'Europe, Paris, Presses de Sciences Po., 2013.

97 Hoang-Ngoc, L. (Dir), Les Mystères de la Troïka, Paris, éditions du Croquant, 2014

98 Sapir J., Les économistes contre la démocratie, op.cit..

99 Vauchez A., Démocratiser l'Europe, op. cit., p. 86.

100 Voir, par exemple Hennete S., Piketty T., Sacriste G., Vauchez A., Pour un traité de démocratisation de l'Europe, Paris, Le Seuil, 2017.

101  lemonde.fr

102 Sapir J., Souveraineté, Démocratie, Laïcité, op.cit.

103  eur-lex.europa.eu

104 Cet article se contente de la formulation lapidaire suivante : « Les modalités des réunions entre ministres des États membres dont la monnaie est l'euro sont fixées par le protocole sur l'Eurogroupe. »

105 Protocole no. 14 sur l'Euro Group (Protocol no. 14).

106  fr.wikisource.org

107 Voir, Craig, P. P., The Stability, Coordination and Governance Treaty: Principle, Politics and Pragmatism, in Oxford Legal Studies Research Paper No. 47/2012, 2012.

108 Piris J-C., The Future of Europe: Towards a Two-Speed EU?, Cambridge: Cambridge University Press, 2012.

109 Platon S., « Special Section - Democratising the Euro Area Through a Treaty? » in European Papers - A Journal on Law and Integration, Vol. 3, 2018, No 1.

110 Policiy Brief n°3, septembre 2018, bruegel.org

111 Craig P., « The Stability, Coordination and Governance Treaty: Principle, Politics and Pragmatism », in European Law Review, Vol. 37, n°3, 2012, pp. 231-248, p. 239

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