04/06/2020 les-crises.fr  7 min #174904

Emeutes, pillages... flambée de violences aux Etats-Unis après la mort de George Floyd

états-Unis : Les menaces de répression par le recours à l'armée

Source :  Consortium News
Traduit par l'équipe Les-Crises

Donald Trump a récemment menacé de libérer « le pouvoir illimité de l'armée » pour réprimer le soulèvement du Minnesota. Pour Joe Lauria, rédacteur en chef de Consortium News, le président américain a ainsi mentionné le recours à l'armée américaine pour « envahir » un État sans le consentement d'un gouverneur.

Le président Donald Trump a menacé d'envoyer l'armée américaine en « service actif » au Minnesota, afin de réprimer le soulèvement contre le meurtre d'un Afro-Américain non armé par la police, même dans le cas où le gouverneur de l'État serait en désaccord.

Il a fait connaître son intention dans une série de tweets :

....These THUGS are dishonoring the memory of George Floyd, and I won’t let that happen. Just spoke to Governor Tim Walz and told him that the Military is with him all the way. Any difficulty and we will assume control but, when the looting starts, the shooting starts. Thank you!

Lorsque Trump écrit « nous allons prendre le contrôle«, cela signifie clairement prendre le contrôle du gouvernement fédéral. Car la Garde nationale de chaque État est sous l'autorité du gouverneur de l'État.

Le Washington Post a  rapporté que l'administration Trump avait proposé « l'utilisation de soldats en service actif et de renseignements«, y compris « certaines forces mises en alerte pour être déployées«.

Le New York Times et d'autres médias ont déclaré qu'une « police militaire » était en cours de préparation par le Pentagone, et qu'un tel déploiement serait le premier depuis les soulèvements de Rodney King à Los Angeles en 1992.

Les menaces de Donald Trump quant au déploiement de troupes fédérales soulèvent la question juridique de savoir si l'armée fédérale américaine peut être déployée sur le sol américain à des fins de maintien de l'ordre.

Occuper le Sud

Après que les troupes fédérales aient réprimé la rébellion confédérée en 1865, elles ont continué à occuper les États du sud pendant douze ans. Lorsque l'élection présidentielle de 1876 entre le républicain Rutherford B. Hayes et le démocrate Samuel J. Tilden s'est terminée dans une impasse virtuelle, avec 20 votes électoraux non résolus, les États du Sud ont permis à Hayes de devenir président en échange du retrait des troupes fédérales dans ce qui est devenu le Compromis de 1877.

Après que Hayes ait rapidement renié l'accord et déployé des troupes fédérales pour mettre fin à la grande grève des chemins de fer de 1877, le Congrès a adopté le Posse Comitatus Act de 1878 pour codifier l'accord. La loi se lit aujourd'hui  comme suit :

« Quiconque, sauf dans les cas et circonstances expressément autorisés par la Constitution ou la loi du Congrès, utilise délibérément une partie de l'armée de terre ou de l'armée de l'air en tant que posse comitatus (=force de police) ou autrement pour exécuter les lois sera condamné à une amende en vertu du présent titre ou à une peine d'emprisonnement de deux ans au maximum, ou aux deux. »

Les exceptions autorisées par le Congrès seraient cruciales. En 1957, le président Dwight D. Eisenhower a trouvé une exception à la loi pour renvoyer les troupes fédérales au sud de Little Rock, Arkansas, afin d'imposer la déségrégation des écoles, après que le gouverneur ait refusé d'obéir à une décision de la Cour suprême de 1954 jugeant la ségrégation scolaire inconstitutionnelle.

Eisenhower s'est appuyé sur  les lois de 1870 et 1871 qui ont renforcé les droits des « Noirs » (droit de vote, emploi, jurys, protection égale au regard de la loi).

Les émeutes de 1967 à Detroit

En juillet 1967, le président Lyndon Johnson a envoyé 5 000 soldats fédéraux à Detroit, dans les 82e et 101e divisions aéroportées, après que le gouverneur du Michigan eut demandé de mettre fin à cinq jours d'émeutes déclenchées par  un raid de police dans un bar afro-américain non autorisé à ouvrir après les heures de travail.

Johnson a déclaré sur la télévision nationale qu'il agissait en vertu de la « Constitution » et des « lois », sans toutefois les nommer.

Le gouvernement du Michigan, George Romney, avait  déclaré un « état d'insurrection ». Dans son  décret, Johnson a cité le chapitre 15 - Soutien militaire aux forces de l'ordre civiles - du  titre 10 du code des États-Unis.

Le soulèvement de Detroit a été le pire que les États-Unis aient connu depuis l'émeute de 1863 à New York. Au bout de cinq jours, 41 personnes sont mortes et plus de 1 300 bâtiments ont brûlé.

En 1992, le président George H.W. Bush a  déployé 4 000 soldats de l'armée et des Marines à Los Angeles pour réprimer les émeutes qui étaient survenues après l'acquittement des policiers qui avaient battu Rodney King. L'exception de Bush a été d'invoquer  l'Insurrection Act de 1807. Ce  dernier proclame les choses suivantes :

« Chaque fois que le Président considère que des obstructions, combinaisons ou assemblages illégaux, ou une rébellion contre l'autorité des États-Unis, rendent impossible l'application des lois des États-Unis dans un État par le cours normal des procédures, il peut faire appel au service fédéral de la milice de tout État et utiliser les forces armées qu'il juge nécessaires pour faire appliquer ces lois ou pour réprimer la rébellion. »

La loi n'exige pas l'accord des autorités locales pour que le président déploie des troupes pour réprimer une insurrection.

En 2006, le fils de Bush, George W. Bush, a demandé avec succès au Congrès d'étendre la loi sur l'insurrection pour permettre le déploiement de troupes fédérales en cas de catastrophe naturelle ou d'attaque terroriste, affaiblissant ainsi l'objectif du Posse Comitatus Act.

Lorsque Barack Obama a signé le Defense Authorization Act 2012 à la veille du Nouvel An 2011, il a accepté d'autoriser la détention militaire indéfinie de civils aux États-Unis et partout à l'étranger. « Il existe un débat public important et une incertitude quant à savoir si les sections 1021 et 1022 de la NDAA pourraient être lues même pour abroger le Posse Comitatus Act et autoriser la détention militaire indéfinie sans accusation ni procès aux États-Unis«, a déclaré  l'Union américaine des libertés civiles.

Compte tenu de ce contexte légal, il semble que Donald Trump pourrait donner suite à sa menace, même si les autorités locales ne sont pas d'accord.

Francis Boyle, professeur de droit international à l'université de l'Illinois, a déclaré que le procureur général William Barr « a travaillé pour [H.W]. Bush, il a déjà fait cet exercice auparavant et est conscient de ce qui s'est passé, des précédents juridiques et de l'autorité. Je suis sûr qu'il a informé Trump qu'il peut tirer la gâchette fédérale s'il le souhaite, peu importe ce que veut le gouverneur du Minnesota«.

« Je pense que Trump le fera probablement«, a déclaré M. Boyle. « Ça le fait ressembler au gars de la loi et de l'ordre pour sa campagne. Ça distrait de sa gestion désastreuse du Covid-19. » Jusqu'à présent, Trump semble satisfait de la « performance » de la Garde nationale du Minnesota.

The National Guard has been released in Minneapolis to do the job that the Democrat Mayor couldn’t do. Should have been used 2 days ago & there would not have been damage & Police Headquarters would not have been taken over & ruined. Great job by the National Guard. No games!

Mais il est effrayant de penser qu'il dispose des exceptions légales pour rassembler une troupe et l'envoyer à Minneapolis ou dans l'une des 48 villes en feu.

Source :  Consortium News
Traduit par l'équipe Les-Crises

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