06/06/2020 reseauinternational.net  4 min #175003

Emeutes, pillages... flambée de violences aux Etats-Unis après la mort de George Floyd

Emeutes: les Etats-Unis revivent 1968

par Fiodor Loukianov

Les Américains âgés disent qu'ils n'avaient pas vu d'émeutes d'une telle envergure depuis 1968. Une vague de manifestations avait submergé à l'époque les Etats-Unis après la mort de Martin Luther King, qui étaient parfois très agressives.

Cela s'ajoutait à l'atmosphère protestataire générale - les Etats-Unis menaient une guerre sanglante et incomprise par la population au Vietnam, le mouvement pour les droits civils avançait à grands pas, une campagne électorale très intense était menée, marquée par l'épisode choquant de l'assassinat en juin de Robert Kennedy, démocrate éminent et frère de l'ex-président défunt. Régnait le sentiment d'un tournant de l'époque, et c'était le cas. L'année 1968 est entrée dans l'histoire comme un tournant, et les événements américains y ont joué un rôle important.

Quelque chose de semblable se produit actuellement. Comme l'a fait remarquer un commentateur américain, oubliez que cette année des élections ont lieu, tout peut arriver. L'histoire tragique de Minneapolis, où un policier blanc a tué un habitant local noir lors d'une interpellation, aurait en soi provoqué un sursaut d'indignation, à tel point les images étaient scandaleuses. Mais, hélas, de tels épisodes ne sont pas rares, et l'ampleur des conséquences serait différente si la société n'avait pas accumulé une grande quantité d'énergie négative. Le stresse de la pandémie et des quarantaines totales, qui avaient déjà provoqué une montée en flèche du chômage et la faillite de nombreux entrepreneurs, s'est ajouté à la polarisation grandissante depuis longtemps. Le conflit intérieur a été personnifié par Donald Trump, dont le style spécifique transforme la division politique de la nation en culturelle. Mais les sociologues et les politologues disent depuis longtemps que la présidence actuelle n'est que la pointe de l'iceberg, cette scission allait crescendo depuis les années 1990.

Bill Clinton, dont l'élection en 1993 a été assez inattendue, était déjà une figure suscitant des émotions fortes, tant bien d'exaltation que d'aversion. A la fin de sa présidence ces émotions étaient à leur apogée - l'adultère du chef de l'Etat et la tentative ratée de destitution ont transformé la campagne de 2000 en bataille non seulement partite, mais également moraliste. La présidentielle a été très tendue, l'écart entre le candidat républicain George W. Bush et le vice-président de Clinton, Al Gore, fut minimal. La Cour suprême a finalement décidé de recompter les voix, et Bush a été reconnu vainqueur. Mais les démocrates restent convaincus à ce jour qu'Al Gore était le véritable vainqueur, et que la décision de la cour a été influencée par l'ancien président George H. W. Bush - parmi les juges se trouvait un grand nombre de membres nommés à l'époque Reagan-Bush.

George W. Bush suscitait une aversion aussi forte parmi les démocrates que Bill Clinton parmi les républicains. D'autant qu'il a été au pouvoir pendant la période d'un aventurisme maximal en politique étrangère dans la tentative de sécuriser l'Amérique après le 11 septembre 2001. Ce qui a entraîné un début flagrant du déclin de la puissance mondiale des Etats-Unis et a engendré nombre de problèmes à long terme.

Bush, qui terminait sa présidence avec une cote de popularité très basse, a été succédé par un nouvel antipode, Barack Obama. Le premier président noir dans l'histoire des Etats-Unis était détesté par la droite conservatrice, ce qui a été un pas de plus vers une divergence fatale des camps.

Tous ces événements seraient une affaire purement intérieure des Américains, s'il n'y avait pas le rôle exclusif joué par les Etats-Unis dans le monde. Durant tout son mandat Donald Trump utilisait le recours aux facteurs internationaux et extérieurs dans l'intérêt de la bataille politique intérieure. A présent, nous voyons comment l'administration Trump a fait de la confrontation avec la Chine l'un des thèmes principaux de la campagne, d'autant que la pandémie a « battu » son atout principal - l'économie. De la part des démocrates il faut s'attendre à une nouvelle vague d'accusations que la Russie déstabilise de nouveau la situation en Amérique pour réanimer le thème des sympathies russes envers Trump. Bref, quand une hégémonie a des problèmes, c'est encore le monde entier qui sera secoué.

Fiodor Loukianov

source:  observateurcontinental.fr

 reseauinternational.net

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