13/09/2020 2 articles dedefensa.org  11 min #179196

Rapsit-Usa2020 : 'Trump-Tv', bouffe de la tragédie ?

 Brèves de crise

Le 6 septembre 2020, Myra Adams, une spécialiste conservatrice du marketing et de l'activité de la communication télévisuelle, publiait un texte sur son site MyraAdams.com, sous le titre le plus évocateur possible de «  The Guns of November ». Elle y parlait du tonnerre des volcans, des ouragans et des armes à feu, en attendant le 3 novembre et pour après...

« Un stratège politique chevronné du républicain m'a dit qu'il compare l'état actuel de l'Amérique à la pression qui s'exerce à l'intérieur d'un volcan avant l'éruption et prédit que "le sommet va exploser immédiatement après l'élection".
» Vivant en Floride, je regarde peut-être trop la chaîne météo, mais ma propre analogie avec les catastrophes naturelles ressemble au suivi d'un ouragan monstrueux qui se rapproche du continent américain. D'après les conditions actuelles, nous savons qu'au moins un ouragan de catégorie 3 frappera tard le 3 novembre et se renforcera le 4 ou le 5 novembre. Pratiquement tout le monde est conscient du potentiel de dévastation, et des millions de personnes prennent des précautions proactives, - en achetant des armes et des munitions.
» Le mois dernier, Fox Business a rapporté que "les ventes d'armes à feu ont fait un bond de 135 % en juillet par rapport à l'année précédente, pour atteindre environ 2 millions et ont déjà égalé celles de l'année dernière, selon un rapport publié en début de semaine par le cabinet de recherche Small Arms Analytics and Forecasting. Les ventes ont augmenté de 145 % en juin, de 80 % en mai et de 71 % en avril".
» Un rapport du Brookings Institute basé sur les données du National Instant Criminal Background Check System a révélé qu'"au cours des six premiers mois de 2020, environ 19 millions d'armes à feu ont été vendues, ce qui représente plus d'une arme à feu pour 20 Américains".
» Les ventes d'armes ont notamment augmenté de façon spectaculaire en réponse aux protestations de George Floyd, ce qui a entraîné la vente de 150 000 armes par jour les 2 et 3 juin. Les ventes d'armes du mois d'août, qui seront publiées dans une semaine environ, devraient établir un autre record, - contribuant à dépasser le total des ventes d'armes aux États-Unis en 2019 en seulement huit mois. Les femmes font partie de cette vague nationale d'achat d'armes, représentant 40 % des nouveaux propriétaires, selon la  NSSF, l'association professionnelle de l'industrie des armes à feu. »

Cela s'appelle "vivre sur un volcan", et l'on n'y danse plus du tout car tout le monde est prêt au pire. Robert Bridge s'interroge une fois de plus sur la perspective  d'une guerre raciale aux USA et ne voit aucun signe convaincant qu'on puisse l'éviter. Ce qui est remarquable, note-t-il, c'est que les politiciens, qui tentent d'habitude d'apaiser les tensions, aujourd'hui agissent et parlent en sens contraire dans le feu de cette campagne présidentielle qu'on s'entend à décrire par avance, à la fois comme "historique et "sans aucun précédent". Bridge cite notamment Tamara Harris, candidate vice-présidente avec Joe Biden, lors d'une récente émission de Stephen Colbert, dans cette intervention dont il dit qu'il « serait difficile de trouver une déclaration plus irresponsable » :

« Tout le monde devrait y prendre garde. Ils [les manifestants] ne vont pas s'arrêter avant le jour de l'élection en novembre, et ils ne vont pas s'arrêter après le jour de l'élection... Ils ne vont pas relâcher leur pression, et ils ne doivent pas le faire, et nous-mêmes nous ne devrons pas le faire. »

Harris justifie ainsi les achats massifs d'armes à feu décrit par Adams, ou bien sont-ce les achats massifs qui font dire à Harris qu'il ne faut rien arrêter des troubles en cours aux USA. De son côté, Trump ne cesse d'être de plus en plus offensif dans ses affirmations en faveur de "la loi et l'ordre", slogan fameux pour rallier les catégories moyennes et défavorisées, blanches et conservatrices en général, de la population. Chacun campe sur son territoire et y entretient le feu qui y gronde.

Le texte de Bridge n'a vraiment rien de bien original, lui qui a l'habitude de traiter des sujets 'pointus'dans sa chronique de RT.com. Il termine par quelques lignes d'une banalité dépourvues de toute conviction, sur la nécessité d'engager calmement une 'conversation'entre Américains, d'abord « pour déterminer si le "racisme systémique" existe vraiment. En attendant, il faut trouver un moyen de maintenir l'ordre dans les rues et, surtout, faire confiance à la police ; la majorité de ses membres ne sont pas des "pommes pourries". L'avenir de la paix et de la prospérité de l'Amérique en dépend. »

On peut difficilement trouver commentaire plus banal, insistons là-dessus, en remarquant aussitôt que l'auteur n'en est nullement fautif. Il s'agit de comprendre qu'il y a de moins en moins de choses nouvelles ou intéressantes à dire sur la situation elle-même, tant cette situation devient simple et ne se caractérise plus que par une tension terrifiante qui semble ne pouvoir déboucher que sur l'explosion, et tout le monde effectivement attend l'explosion qui, en plus, est rigoureusement datée. Quand vous entendez les grondements qui précèdent l'éruption explosive et catastrophique du volcan, certes, les commentaires deviennent sans beaucoup d'intérêt tant ils sont évidents, et donc banals, et l'on n'y croit plus guère, et l'on attend que "le ciel nous tombe sur la tête".

Ainsi en est-il de toutes les tragédies que l'on voit survenir, avec une chance chaque jour de plus en plus mince qu'elle se contienne d'elle-même. Effectivement, l'Amérique est au bord d'une tragédie, mais comme il s'agit de l'Amérique de Trump la tragédie n'en reste pas moins bouffe, -  tragédie-bouffe, certes, et grâce à Trump, bien entendu.

L'Arme de Communication Massive

C'est ainsi que nous retrouvons Myra Adams. On a dit qu'il s'agissait d'une spécialiste de la TV, outre sa passion comptable pour les ventes d'armes à feu. Dans un article du  12 septembre 2020, elle rappelle un autre article qu'elle publia le 6 septembre 2016, sous le titre : « Confirmé par les proches de Trump : 'Trump-TV'est le plan B en cas de défaite à l'élection. » Adams expliquait, à une époque où l'on commençait à parler d'une possible victoire de Trump, mais sur la pointe des pieds, que le 'plan B', en cas de ce qui était alors une probable défaite serait de profiter de ce qui avait été tout de même la formidable affirmation politique d'un homme extérieur à la politique, pour lancer une grande chaîne TV mêlant entertainment, téléréalité, et surtout politique, avec la cerise sur le gâteau de gros profits à faire, pour enrichir les Trump et ne cesser de renforcer la pression de la communication politique.

Aujourd'hui, Adams est plutôt assez pessimiste pour la réélection de Trump, notamment en raison d'une comptabilité électorale complexe. S'appuyant sur cette analyse et détaillant les diverses positions dans la famille Trump et chez les conseillers de l'actuel président, aussi bien que la situation notamment du réseau favori de Trump (Fox.News), elle développe l'idée que, sans aucun doute, le 'plan B'pourra être aisément sorti de sa naphtaline, et l'idée d'une 'Trump-TV'relancée avec plus de forces que jamais. Adams ne dit pas qu'elle ait reçu des informations dans ce sens de ses sources, notamment parce que, dans le camp trumpiste comme dans l'absolu, « nous savons tous que 'Trump ne perd jamais !' ». Mais il ne fait aucun doute dans son esprit, - et dans le nôtre pas davantage, tant toute cette situation-US est aujourd'hui chauffée à blanc, - qu'il y a un 'plan B', et qu'il sera aussitôt mis en action si par malheur, le pire arrivait pour le démon aux cheveux oranges.

Myra Adams enfourche donc son porte-plume et nous décrit ce qu'il se passerait alors pour la mise en place de 'Trump-TV' :

« Une fois la famille Trump partie de la Maison Blanche, une entreprise du type 'Trump-TV'offre l'occasion idéale de se repositionner et de s'armer pour la suite. Mais quelle plateforme pourrait être utilisée ? Puisque la chaîne d'information Fox.News connaît un tel succès et n'est pas à vendre, je suggère deux options de réseaux conservateurs d'une droite "dure".
» La première est  One America News Network. Bien que OANN n'attire qu'une petite audience sur la droite de Fox.News, Trump est son fan n°1. Il a parfois déjà fait une promotion enthousiaste de cette jeune chaîne alors que Fox.News ne l'a pas soutenue à 100 %. Aujourd'hui, on parle beaucoup  d'une querelle entre Trump et le propriétaire de Fox.News, Rupert Murdoch, Trump lançant des accusations de "traitement inéquitable" et de "durcissement" du réseau à son encontre.
» La deuxième est  NewsmaxTV, qui appartient et est dirigée par  Christopher Ruddy, un ami de longue date de Trump. Peut-être que pour un bon prix, Newsmax TV pourrait être rebaptisée 'Trump-TV' ? Ou, à tout le moins, pourrait-elle accueillir des programmes pilotes réalisés par l'équipe Trump ?
» Mais 'Trump-TV'a-t-elle vraiment besoin d'un réseau câblé ? Si des millions de partisans de MAGA cliquent déjà sur  DonaldJTrump.com, - l'URL officielle de la campagne, - le site pourrait être transformé, après les élections, en une plateforme massive de dimension globale à la gloire de la famille Trump.
» Trump-TV offre des possibilités de programmation infinies, à commencer par le polissage de l'héritage du 45e commandant en chef des forces armées des USA pendant qu'il construit sa bibliothèque présidentielle. ("Buy your personalized gold-plated MAGA bricks now!".) De plus, les programmes internationaux et nationaux sur le style de vie, les voyages, le golf, les espaces-spa et l'immobilier contribueraient à reconstruire, promouvoir et maintenir ce qui s'est déjà avéré comme une source de revenus lucratifs : la concession de licences pour le nom Trump.
» Les programmes familiaux non politiques pourraient inclure l'organisation par Melania d'un défilé de mannequins et de créateurs de mode intitulé "Be Best Dressed". Ivanka pourrait faire des apparitions dans chaque émission tous les jours, quel que soit le sujet, et elle-même et ses enfants pourraient jouer dans leur propre série de TV-réalité, "Size Four Mother of Three". Barron, devenu un grand et bel adolescent et un séducteur pour les jeunes femmes, pourrait animer des championnats de jeux vidéo dans les hôtels Trump du monde entier.
» (Une autre possibilité d'émission-vedette : Roger Stone comme animateur d'un jeu télévisé de sales coups intitulé "Pardon Me !".)
» L'ancien président pourrait poursuivre ses occupations habituelles, - discuter avec ses amis et ses fidèles supporteurs tout en faisant des tournées de meetings et en jouant sur ses terrains de golf, le tout présenté à l'antenne. Entre deux swings, il rappellerait sûrement aux téléspectateurs ses plus grandes réalisations présidentielles que Biden serait en train de démanteler.
» Pour occuper les "infos politiques", l'ancien président pourrait faire quasiment campagne pour un retour en 2024, à moins qu'il ne passe le flambeau à la génération suivante. Les prétendants de cette seconde génération se disputeraient à leur tour l'investiture, faisant grimper l'audience de 'Keeping Up With Trump's America', - qui serait devenue une émission de téléréalité à succès, - prouvant ainsi que perdre la Maison Blanche signifie gagner le prime time. Mais, puisque nous savons tous que 'Trump ne perd jamais !', restez connectés... »

Certes, on pourra juger que tout cela c'est un peu jouer à une facile politique-fiction. Il n'empêche, certes, que ce 'plan B', c'est du Trump tout craché ; de même est-il fort improbable, lorsqu'on connaît Trump comme nous avons tous appris à le connaître depuis 2015-2016, qu'il puisse accepter sa défaite et rentrer sans autre signe de fureur narcissique dans l'ombre dorée et plaquée or-pur de sa Trump Tower... Cela, d'autant plus dira-t-on, que les événements sont ce qu'ils sont, que le volcan gronde, que les BLM sont dans la rue et que les électeurs de Trump achètent des armes par camions entiers.

La dernière remarque est juste, bien entendu, mais elle ne supprime rien de l'hypothèse, et au contraire elle la renforce, que le champ favori de la riposte inévitable de Trump en cas de défaite sera la communication, avec toujours une belle décoration de tas de millions de dollars. On n'oubliera pas que Trump s'est lancé dans la course électorale,  selon Michael Moore, d'abord à cause d'un problème portant sur une émission TV, donc selon une question de pure communication assorti de questions de dollars ; il est complètement logique, s'il est battu, qu'il se tourne vers la même "pure communication", sous la forme d'une 'Trump-TV', dans le chef d'un homme  qui n'accepte pas d'être battu et qui se lance dans une revanche pavée de belles sommes d'argent. Tout cela permet effectivement à Myra Adams de proclamer que le jeu, dans ce cas défavorable d'une défaite de Trump, devient le fameux "Qui perd gagne" : « perdre la Maison Blanche signifie gagner le prime time ».

Tout cela tient certes à un homme, un président-bouffe, mais par conséquent un homme parfaitement de son temps, dans cette étrange époque. L'hypothèse vient confirmer également que, dans l'esprit des stratèges politiques, la communication est non seulement une puissance absolument essentielle, mais qu'elle peut être à elle seule un outil, une arme, une stratégie. Il s'agirait bien alors d'une guerre asymétrique, ou guerre hybride, d'une "Guerre Civile de la 4èmle Génération" ( GC4G) : l'arme pour battre les Black Lives Matter manipulé par les démocrates et le fric progressiste-sociétal, étant un réseau TV à-la-Trump, téléréalité et entertainment-populiste engrangeant des revenus impressionnants. Au temps de Trump, l'Arme de Destruction Massive se nomme Arme de Communication Massive.

Mis en ligne le 13 septembre 2020 à 16H50

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