Vous trouverez ci-dessous mes réponses aux questions de Murat Sofuoglu de la TRT (Radio et Télévision turque) (21/9/2020) sur la normalisation israélo-émirato-bahreïnie. Il sera important de distinguer les gains immédiats pour Netanyahu et Trump des impacts à moyen terme qui n'apparaîtront probablement pas clairement avant plusieurs mois. Certaines spéculations suggèrent que la normalisation sous la forme des accords dits « abrahamiques » va au-delà de la reconnaissance de l'existence d'un Israël, mais va dans le sens de l'affirmation du droit d'Israël à établir un État juif dans une société arabe.
Pensez-vous que la normalisation EAU-Bahreïn avec Israël divise encore plus le monde arabe et le Moyen-Orient ?
Oui, je pense que la disposition à faire endosser ces accords de normalisation par la Maison Blanche a été une expression dramatique de l'identification avec la diplomatie régionale de Trump au Moyen-Orient et un rejet formel des aspirations palestiniennes à une paix durable basée sur leur droit inaliénable à l'autodétermination. Elle a également confirmé l'acceptation des relations avec Israël de la part de ces monarchies du Golfe sur la base de leurs intérêts propres, y compris les acquisitions d'armes et le soutien diplomatique usaméricain, allant de pair avec l'abandon du consensus arabe antérieur sur le refus de la normalisation jusqu'à ce que les Palestiniens aient leur propre État avec Jérusalem pour capitale.
L'Arabie saoudite va-t-elle finir par normaliser ses relations avec Israël ?
Je suppose que l'Arabie saoudite attend de voir s'il y a une réaction négative aux dispositions prises par les EAU et le Bahreïn. Pour Riyad, il est particulièrement important de savoir s'il existe un activisme anti-régime sérieux en Arabie Saoudite ou dans les pays qui ont pris des mesures de normalisation. Il se peut également que Mohamed ben Salmane attende la mort du roi, auquel il succèdera, avant de prendre une telle décision. L'issue des élections usaméricaines de novembre pourrait être un facteur agissant dans un sens ou dans l'autre : normalisation anticipée pour aider Trump ; normalisation différée pour éviter de s'aliéner Biden ou s'il semble que Trump perdra les élections.
Cheikh Zayed: "Je pourrais en avoir un pour bombarder le Yémen ?"
Quel genre de Moyen-Orient envisagez-vous après l'accord EAU-Bahreïn avec Israël ?
Il faut garder à l'esprit que les accords de normalisation ont été précédés par une décennie de vastes accords de coopération entre Israël et ces deux États arabes. Cependant, les accords pourraient également être destinés à envoyer un message à l'Iran, à savoir qu'une telle alliance est maintenant suffisamment solide pour contrer toute nouvelle expansion régionale iranienne, et comme un avertissement à Téhéran : ou bien il adopte un profil bas en Syrie, au Yémen, en Irak, à Gaza et au Liban ou bien il devra faire face aux conséquences. Il y a aussi une dimension turque, qui semble destinée à exprimer la priorité accordée par ces gouvernements à la réconciliation avec Israël, même si cela signifie une plus grande distance par rapport à la Turquie.
La dimension turque nécessite une analyse plus approfondie, mais le fait de devenir si explicites sur la normalisation envoie un signal que ces monarchies arabes sont prêtes à se ranger officiellement du côté d'Israël malgré leur opposition à la diplomatie turque - normalisation avec l'Iran, soutien des droits des Palestiniens et relations discrètes avec Israël (tandis qu'Israël poursuit des initiatives anti-Turcs et anti-Erdogan dans le but de marginaliser la Turquie au Moyen-Orient, en Europe et aux USA).
Dessins de Carlos Latuff, ajoutés par Tlaxcala
Courtesy of Tlaxcala
Source: richardfalk.wordpress.com
Publication date of original article: 23/09/2020