Par Alaa Tartir
L'administration Biden sera perçue différemment par les différents acteurs impliqués dans le "conflit israélo-palestinien" et dans le "processus de paix". Cependant, sa position de "courtier malhonnête pour la paix" restera la variable constante, en accord avec les administrations américaines précédentes. On peut raisonnablement affirmer que l'administration Biden suivra une politique américaine bien rodée, mais qui a échoué, à l'égard d'Israël et de la Palestine pour tenter de parvenir à la paix, même si elle pourrait introduire quelques changements cosmétiques mineurs.
Joe Biden, alors vice-président de Barack Obama, lors d'un discours à l'université de Tel Aviv, le 11 mars 2010. (David Furst/AFP)
Alors qu'elle repart de zéro après les années désastreuses de l'administration Trump, il est crucial de ne pas considérer sa politique comme "remarquablement différente", comme certains acteurs tentent déjà de le préconiser.
Laissez-moi être le divulgâcheur et le "rabat-joie" : ce ne sera pas le cas. Ce ne sera qu'une continuation de ce que d'autres administrations américaines (démocrates et républicaines) ont tenté de faire, et ont échoué au cours des dernières décennies, en ce qui concerne les Palestiniens et la paix.
Il ne s'agit pas d'un point de vue "rejetiste" ou "pessimiste" comme certains pourraient le prétendre, mais d'un point de vue basé sur l'observation des échecs américains depuis des décennies et d'un jugement éclairé fondé sur les opinions de M. Biden pendant sa campagne électorale et pendant ses huit années de service en tant que vice-président sous Obama. Le retour à la "vieille normalité" n'est pas une bonne nouvelle pour la paix ou la justice, et encore moins pour la liberté et l'égalité des Palestiniens. Comme l'équipe du magazine +972 l'affirme, « Il [Biden] menace plutôt de revenir aux anciennes méthodes de la politique au Moyen-Orient, où la rhétorique en faveur des droits des Palestiniens n'est souvent que des citations dans les journaux, sans aucune action significative ».
Une énergie et des fonds considérables seront consacrés à la relance du 'processus dit de paix'pour le plaisir de le relancer, mais pas pour parvenir à une forme quelconque de paix significative et durable.
Il est certain que Biden ne sera pas un sauveur pour les Palestiniens, ni pour la paix, mais il sera probablement un sauveur pour le processus de paix (en mettant l'accent sur le processus). Soyons clairs : cela ne vaut pas seulement pour la présidence Biden, mais pour toutes les administrations américaines précédentes. Comme l'affirme Ali Abunimah, de L'Intifada électronique, « les paroles de bienvenue de Netanyahou pour Biden sont sincères, car il sait que le nouveau président américain fera tout ce qu'il peut pour aider Israël, tout comme chaque démocrate et chaque républicain avant lui ».
En outre, dans le domaine économique, l'administration Biden continuera à offrir à Israël un ensemble d'aides militaires substantielles d'une part, tout en offrant aux Palestiniens une aide hautement soumise à conditions dont la majeure partie atterrira dans l'économie israélienne d'autre part. Après tout, c'est sous l'administration Obama-Biden qu'Israël a reçu la plus grosse enveloppe d'aide militaire que les Etats-Unis n'aient jamais donnée à Israël, totalisant 38 milliards de dollars sur 10 ans. Biden croit fermement au caractère central de cette aide à Israël, comme il l'a fait valoir en novembre 2019, lorsqu'il a déclaré que « l'idée que nous mettions fin à l'aide militaire à un allié, notre seul véritable, véritable allié dans toute la région, est absolument absurde. Cela dépasse mon entendement que quelqu'un puisse faire cela ».
En ce qui concerne la Palestine, les aides américaines toxiques (telles qu'elles sont conçues dans le cadre des relations étroites entre les États-Unis et Israël) recommenceront probablement à pleuvoir, et l'aide américaine sera acheminée de la même manière qu'avant Trump. Ce n'est pas une bonne nouvelle pour la quête d'autodétermination des Palestiniens. L'administration Biden ne peut pas s'écarter de la tradition bien ancrée de "paix économique" dans la politique américaine envers les Palestiniens : une politique dont Biden lui-même a été témoin de l'échec pitoyable lorsque le secrétaire d'État américain John Kerry (sous l'administration Obama-Biden) n'a même pas commencé à mettre en œuvre leur plan qui promettait aux Palestiniens des milliards de dollars par le biais de l'"Initiative économique pour la Palestine".
La logique économique biaisée de cette approche et de cette politique d'échec, qui remonte au cadre de paix économique de la politique américaine, de l'administration Carter à l'administration Trump, ne dissuadera pas l'administration Biden de mettre en œuvre un autre échec bien anticipé pour aggraver les dommages déjà causés par les programmes d'aide américains aux Palestiniens. Tout ce que l'administration Biden doit faire, c'est de trouver un label et un titre plus "chics" pour son paquet d'"incitations économiques" offert aux Palestiniens. Le résultat n'est pas difficile à prévoir. Un retour à la "vieille normalité" rendra les perspectives d'une paix réelle, significative et véritable encore plus sombres.
Source : blogs.prio.org
Traduction : MR pour ISM