Tom Carter
18 novembre 2020
L'oligarque d'Amazon et profiteur de la pandémie de COVID-19 [article en anglais] Jeff Bezos, l'homme le plus riche du monde, a félicité le président élu Joe Biden après la déclaration, quatre jours après le vote du 3 novembre, de sa victoire à l'élection présidentielle américaine.
«L'unité, l'empathie et la décence ne sont pas des caractéristiques d'une époque révolue», a écrit Bezos sur Instagram, félicitant Biden et la vice-présidente élue Kamala Harris. «En votant en nombre record, le peuple américain a prouvé une fois de plus que notre démocratie est forte.»
Ce sentiment a été repris le 7 novembre par la Business Roundtable, comprenant Bezos ainsi que les PDG d'Apple, Cisco, Microsoft et Salesforce. Cette organisation du grand patronat a déclaré dans un communiqué : «Business Roundtable félicite le président élu Biden pour son élection en tant que 46e président des États-Unis. Nous félicitons également la vice-présidente élue Harris pour son accomplissement historique en tant que première femme, femme noire et personne d'origine sud-asiatique à être élue vice-présidente des États-Unis... Nous avons hâte de travailler avec le nouveau gouvernement Biden et tous les décideurs politiques fédéraux et des États. »
La semaine dernière, l'équipe de transition de Biden a publié les noms et les employeurs les plus récents des membres de ses équipes de collaborateurs sur le site Web buildbackbetter.org Compte tenu de la composition de ces équipes, il est facile de comprendre pourquoi Bezos et ses collègues oligarques affichent allégrement leurs félicitations.
Les personnes nommées sont répertoriées à côté de l'entreprise pour laquelle elles ont travaillé le plus récemment, et organisées en «équipes» en fonction des opérations gouvernementales qu'elles sont chargées de revoir, telles que les ministères du Commerce, de la Défense, de l'Éducation, du Travail, de l'État et la Sécurité intérieure.
La composition de ces équipes d'examen des agences gouvernementales démontre l'intersection, sinon l'intégration pure et simple, des monopoles technologiques, de l'aristocratie universitaire, des groupes de réflexion d'État, des bureaucraties syndicales, des cabinets d'avocats géants et de l'appareil militaire et du renseignement de guerre et de répression à l'intérieur comme à l'extérieur du pays.
Amazon n'aura pas un, mais deux sièges dans les équipes de transition. Tom Sullivan, directeur de la planification fiscale internationale d'Amazon, fera partie de l'équipe du département d'État de Biden. Outre Sullivan, Mark Schwartz, un «stratège d'entreprise» pour Amazon Web Services, fera partie de la très puissante équipe du Bureau de la Gestion et du Budget (OMB). L'OMB supervise le budget fédéral de 5 000 milliards de dollars et exerce une influence sur un large éventail de cadres réglementaires fédéraux.
En plus des personnalités d'Amazon, Nicole Isaac, directrice principale de la politique nord-américaine chez LinkedIn, fera partie de l'équipe du département du Trésor. Brandon Belford de Lyft fera partie de l'équipe du Bureau de la gestion et du budget, aux côtés de Divya Kumaraiah d'Airbnb.
Shara Mohtadi de Bloomberg Philanthropies, qui est financé par les dons de l'oligarque milliardaire Michael R. Bloomberg, siégera au Conseil sur la qualité de l'environnement. Et pas moins de quatre personnes, occupant des fonctions diverses, sont issues de l'Initiative Chan Zuckerberg, qui est la copropriété de l'oligarque de Facebook Mark Zuckerberg et de son épouse Priscilla Chan.
Arun Venkataraman de Visa fera partie de l'équipe chargée d'examiner le bureau du représentant du commerce des États-Unis, qui passera en revue également la Commission du commerce international des États-Unis et l'Agence américaine pour le commerce et le développement. Cette équipe comprendra également Ted Dean de Dropbox.
Les bureaucraties syndicales auront également des places à la table, démontrant leur intégration complète dans l'appareil du régime capitaliste. Beth Antunez, Shital Shah et Marla Ucelli -Kashyap de la Fédération américaine des enseignants, avec Donna Harris-Aikens de la National Education Association, siégeront dans l'équipe du ministère de l'Éducation.
Les bureaucraties syndicales sont également représentées par LaQuita Honeysucker du Syndicat international des travailleurs unis de l'alimentation et du commerce, qui fera partie de l'équipe d'examen du ministère de l'Agriculture, tandis que Josh Nassar des Travailleurs unis de l'automobile siégera dans l'équipe de l'Office pour la protection financière des Consommateurs.
Brad Markell de l'AFL-CIO (la confédération des syndicats) fera partie de l'équipe du ministère de l'énergie. Son nom apparaît juste avant celui de Trisha Miller de la société de capital-risque Gates Ventures.
Au sein de l'équipe du ministère du Travail se trouveront Jennifer Abruzzo du syndicat Communications Workers of America, Dora Chen du syndicat Service Employees International Union, Jessica Chu de l'Amalgamated Transit Union International, Nadia Marin-Molina du National Day Day Labourer Organizing Network (NDLON), et Shaun O'Brien de la Fédération américaine des employés des États, des comtés et des municipalités, entre autres.
Les principales institutions universitaires représentées sur la liste comprennent la Harvard Law School, la University of Michigan Law School, la New York University School of Law, la Duke University, l'Université Stanford, l'Université de Georgetown et d'autres. Les principaux cabinets d'avocats et cabinets de conseil comprennent Deloitte Consulting; DLA Piper; Orrick, Herrington et Sutcliffe; Sidley Austin; Covington et Burling; et Latham & Watkins.
La politique raciale et identitaire promue par le Parti démocrate n'a pas manqué de figurer sur la liste, Bonnie Jenkins étant nommée à l'équipe du Département d'État par une organisation intitulée Women of Color Advancing Peace and Security (femmes de couleur en faveur de la paix et de la sécurité). Jenkins, chercheur principal détachée à la Brookings Institution, a précédemment été coordinatrice des programmes de réduction des menaces au sein du Bureau de la sécurité internationale et de la non-prolifération de l'administration d'Obama.
L'équipe du ministère de la Défense sera dirigée par Kathy Hicks du Centre d'études stratégiques et internationales (CSIS) qui sera rejointe par Melissa Dalton et Andrew Hunter, également du CSIS Stacie Pettyjohn, Christine Wormuth et Terri Tanielian de la RAND Corporation; Ely Ratner du Center for a New American Security; et Lisa Sawyer de JPMorgan Chase, entre autres.
La composition des équipes d'examen des agences ministérielles de Biden démasque et réfute tous les groupes de la pseudo-gauche et les opportunistes dans l'orbite du Parti démocrate et des bureaucraties syndicales, qui ont tenté tout au long de l'année de persuader les travailleurs américains que Biden, le Parti démocrate et le les syndicats représentaient une sorte de canal par lequel ils pouvaient promouvoir leurs propres intérêts indépendants.
Le défilé de lobbyistes, de serviteurs et d'agents de la classe capitaliste dans le nouveau gouvernement Biden a suscité jeudi un article défensif dans le New York Times, intitulé « Les Progressistes sollicitent Biden pour qu'il limite l'influence des grandes entreprises sur le gouvernement».
Le titre de l'article reconnaît essentiellement que « l'influence des entreprises » (c'est-à-dire la corruption) joue un rôle omniprésent dans la formation du nouveau gouvernement et suggère des «limites» à cette influence.
L'article concède que « L'équipe de Biden comprenait des cadres d'Amazon Web Services, Lyft, Airbnb et un vice-président de WestExec Advisors, une société de conseil de Washington dont la liste secrète de clients comprend de sociétés de services financiers, technologiques et pharmaceutiques
Le Times souligne ensuite les efforts des «démocrates progressistes» qui prônent «des règles d'éthique plus strictes». Ce n'est là rien d'autre qu'une feuille de vigne pour la domination par ailleurs nue du Parti démocrate par les intérêts de l'oligarchie financière, des agences de renseignement, de l'armée et la grande entreprise.
Les faits présentés dans l'article du Times brossent un tableau dévastateur de la façon dont la soi-disant aile «gauche» du parti est mise de côté alors que les nantis se frayent un chemin dans la nouvelle administration. Dans une lettre conjointe envoyée jeudi, un certain nombre d'organisations associées à la soi-disant «aile progressiste» du Parti démocrate ont supplié Biden de ne pas «nommer ou embaucher des dirigeants de la grande entreprise, des lobbyistes et d'éminents consultants en entreprise» et d'adopter des règles basées sur «l'éthique » pour limiter la corruption.
Ces faibles efforts et d'autres des «démocrates progressistes» sont ignorés sans cérémonie. Le Times lui-même a été contraint de reconnaître que «M. Biden n'a pas toujours partagé les préoccupations de la gauche concernant le lobbying ».
Des tendances telles que les Socialistes démocrates d'Amérique ont été utilisées par le Parti démocrate pendant la campagne électorale pour promouvoir les perspectives électorales des démocrates, mais quelques jours après le vote, elles ont été rejetées et dénoncées sans détour pour avoir supposément fait perdre des voix et des positions aux démocrates en raison de leur « rhétorique radicale » et « socialiste ».
Ces éléments «socialistes» s'étaient vu promettre un «espace» dans un gouvernement Biden, mais lorsqu'ils se sont présentés après les élections, leur seule récompense était de trouver leur «Green New Deal» (nouvelle politique environnementale) et d'autres réformes promises entassées dans des sacs poubelles sur le trottoir.
Il n'y a rien d'inattendu dans la composition émergente droitière, pro-guerre et pro-Wall Street du nouveau gouvernement Biden. Biden lui-même a passé des décennies à Washington en tant qu'intermédiaire corrompu pour les intérêts des riches de l'État du Delaware, le siège juridique de centaines de milliers de sociétés qui tirent profit de ses lois favorables aux entreprises.
En tant que vice-président, Biden se serait même opposé aux règles de base contre la corruption qui ont été imposées pendant la présidence d'Obama. Comme l'explique le Times : «Lorsqu'il était vice-président sous M. Obama, M. Biden s'est hérissé des règles strictes de lobbying, qui, selon lui, priveraient leur administration naissante de talents expérimentés.»
A partir du moment où Biden a obtenu une avance dans les résultats du vote, le Parti démocrate a viré violemment à droite, attaquant le «socialisme» et la «gauche» en général. Lors d'une conférence téléphonique avec les démocrates de la Chambre après les élections, l'ancienne agent de la CIA Abigail Spanberger, maintenant députée de Virginie, s'est écriée: «Nous ne devons plus jamais utiliser le mot 'socialiste'ou 'socialisme' ».
Alors que les «socialistes» ont été escortés au dehors par l'entrée de service, l'entrée principale a été ouverte aux dirigeants d'entreprise, aux lobbyistes et aux consultants pour constituer la nouvelle administration.
Les travailleurs américains doivent rompre tout lien avec le Parti démocrate, une vieille mafia politique totalement dominée par la classe capitaliste, ainsi qu'avec toutes les organisations et tendances qui continuent à promouvoir des illusions en lui.
Les travailleurs d'Amazon, par exemple, ne peuvent pas lutter contre Amazon avec un parti politique rempli d'agents d'Amazon. Ils ont besoin de leurs propres organisations, qu'ils doivent construire et contrôler eux-mêmes.
La formation de comités de base doit être considérée comme une mesure absolument nécessaire de légitime défense collective contre la pandémie qui fait rage, contre les complots violents et fascistes émanant de Trump et du Parti républicain, et contre la domination des intérêts des riches sur l'ensemble de l'ordre politique et social pourri.
Cela doit être lié à la construction d'un mouvement socialiste de masse pour mettre fin au capitalisme et établir un gouvernement ouvrier.
(Article paru en anglais le 17 novembre 2020)