Patrick Kamenka (l'Humanité)
Durant le mandat de Donald Trump, les attaques contre la presse ont été nombreuses, favorisant la circulation de fausses nouvelles. La victoire de Joe Biden va-t-elle permettre de redonner du poids à l'information vérifiée ? Entretien avec Larry Goldbetter, président du syndicat américain des auteurs indépendants (National Writers Union).
Après ces quatre années de présidence Trump, qu'attendez-vous de la nouvelle administration Biden sur le plan de la liberté d'expression et notamment pour les journalistes américains ?
LARRY GOLDBETTER Je m'attends plus à un changement dans la forme que sur le fond (de la part de la nouvelle administration - NDLR). Biden et les grands médias vont connaître une lune de miel et ces grands médias tentent déjà de faire de lui un saint unificateur... Certes, nous n'aurons plus d'attaques contre la presse accusée de « fake news » (par le président Trump), mais pour les journalistes en tant que tels, c'est autre chose...
Il faut rappeler que l'administration Obama-Biden a été celle qui a poursuivi plus de journalistes, accusés d'avoir fait fuiter des informations sur la sécurité du pays, que tous les autres présidents américains réunis ! En clair, je ne pense pas qu'ils auront changé de politique, et que les États-Unis abandonnent leurs accusations contre Julian Assange.
À votre avis, quelles mesures doit prendre le nouveau président pour assurer la défense des droits des journalistes ?
Larry Goldbetter La première mesure à prendre serait la constitution d'une loi « bouclier » au niveau fédéral pour assurer la confidentialité des sources des journalistes. La deuxième mesure serait le droit à une convention collective pour assurer la défense des pigistes, qui n'ont actuellement aucune protection sur le plan du droit du travail ou des droits individuels, car ils sont considérés comme des autoentrepreneurs... Notre syndicat a lancé une campagne pour une augmentation des tarifs des piges et de leurs conditions de travail.
Ces dernières années, de nombreux plans de licenciement ont eu lieu aux États-Unis dans les médias, provoquant la disparition de titres, la précarisation de la profession et une perte de la qualité de l'information. Un phénomène que nous retrouvons en Europe et en France. Quelle est votre analyse ?
Larry Goldbetter La presse, à de rares exceptions, a été la proie des fonds spéculatifs qui ont racheté la presse régionale et l'ont liquidée après l'avoir saignée. Près de 50 % des emplois rédactionnels de ce pays ont été détruits au cours de ces dix dernières années, des dizaines de milliers lors de ces deux dernières années. Plus de 2 000 hebdomadaires régionaux et quotidiens ont été éliminés. De nombreuses régions aux États-Unis sont désormais dépourvues de journaux locaux.
Le vide a été comblé par Google et Facebook, qui ont gagné des milliards de dollars en publiant des informations qu'ils n'ont pas produites et pour lesquelles ils n'ont rien payé. C'est pourquoi nous appuyons la campagne lancée par le FIJ (Fédération internationale des journalistes) exigeant de taxer les Gafam pour utiliser ces fonds afin de soutenir la presse et les journalistes. La guilde a lancé une campagne similaire pour un plan de secours et de relance des emplois. Car la presse doit être considérée comme un service public.
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