« La violence coloniale ne se donne pas seulement le but de tenir en respect ces hommes asservis, elle cherche à les déshumaniser »
Jean-Paul Sartre, préface à Les Damnés de le terre, de Frantz Fanon
Nous, Noir·es brésilien·nes, n'avions rien à commémorer en ce 20 novembre, date qui marque la mort de Zumbi, un héros noir historique élu par le peuple. En ce jour, réservé à la réflexion sur l'importance de notre présence dans la construction du pays, nous, Brésilien·ness à la peau noire, n'avons eu que des motifs d'indignation et de révolte contre le régime d'apartheid en vigueur, qui nous opprime, nous tue et nous viole psychologiquement. Un régime arbitraire qui s'obstine à nier que le Brésil est un pays raciste, afin de perfectionner la domination sur les Noir·es, en ignorant la tragédie que nous vivons chaque jour.
20 novembre, Journée de la Conscience noire : « Zumbi mon œil ! Contre le mur, bamboula ! » -Dessin de Carlos Latuff
En ce mois de la Conscience noire, les vies noires ne comptent pas. De plus, au Brésil, nous sommes parmi les pays qui enregistrent le plus grand nombre de décès dus à la pandémie de Covid-19, en raison de l'absence de politiques publiques qui protègent notre population, abandonnée dans les bidonvilles et les quartiers sans les infrastructures nécessaires à une vie avec un minimum de décence.
En plein mois de Zumbi, João Alberto Silveira de Freitas, un homme noir de 40 ans qui gagnait sa vie comme soudeur indépendant à Porto Alegre, à l'extrême sud du Brésil, est entré dans un supermarché Carrefour pour acheter de la nourriture. Une vie sans grands rêves. Il l'a perdue. Deux agents de sécurité formés (dont un de la Brigade de police militaire de l'État du Rio Grande do Sul), stimulés par les stéréotypes esclavagistes qui nous déshumanisent, ont assuré le sale service pour lequel ils ont été engagés, la défense inconditionnelle de la propriété privée d'une entreprise mondiale.
João Alberto a passé ses derniers instants à demander la clémence, ce que la haine des tortionnaires a refusé d'entendre. Le sang noir, une fois de plus, a crié aux yeux de la nation consternée par une telle cruauté, inacceptable contre tout être vivant. La pratique de la violence est fréquente dans ce supermarché. J'ai appris qu'il y a dans ses locaux une petite pièce dans laquelle des agents de sécurité brutaux exercent des contraintes contre les clients soupçonnés de larcins.
Cette fois, cependant, ils ont exagéré dans la protection du supermarché français. Ils ont assassiné lâchement quelqu'un qui n'avait rien volé. Et même s'il l'avait fait, rien ne justifierait cette action brutale, qui mérite à la fois une punition rigoureuse des meurtriers et une juste compensation pour ses trois filles et sa famille qui ont perdu celui qui subvenait à leurs besoins. Les racistes pensent souvent que les hommes et les femmes noirs volent dans les supermarchés et les centres commerciaux et qu'ils doivent être surveillés comme des suspects. Les Blancs sont libres de se déplacer dans ces espaces. La peau blanche est au-dessus de tout soupçon.
Nijinsky noir
Un autre événement de ce triste mois de novembre a été la démission d'Ismael Ivo, danseur noir, chorégraphe et directeur du ballet de la ville de S. Paulo, lié au Théâtre Municipal. Ismael Ivo, danseur de renommée internationale, a exposé son art sur les principales scènes du monde, où il était révéré pour le talent et la beauté de son art. Grâce à cela, il est devenu l'un des principaux noms de la danse contemporaine du XXe siècle, qualifié lors d'un festival à Paris de Nijinsky noir.
Ismael Ivo est persécuté depuis qu'il a pris la direction du ballet dans la capitale de l'État de São Paulo. Les dirigeants du théâtre n'ont jamais avalé la présence de ce directeur noir à la tête de cette scène. Depuis qu'il a repris le ballet de la ville, Ismael Ivo a mis en place une politique de popularisation du théâtre en plaçant des hommes et des femmes noires sur la scène. Il a ouvert les portes aux exclus de la vie culturelle de la métropole.
Cette initiative a longtemps déplu aux autres dirigeants. Ainsi, ils ont lâchement lancé une série d'accusations contre le danseur. Ismael Ivo a été lavé de toutes ces accusations, mais son mandat n'a pas été renouvelé. Cette situation a provoqué la consternation et la révolte de la communauté noire qui lutte contre ce crime, qui vise à entacher tacher l'histoire de ce danseur, sans précédent dans l'histoire de la danse brésilienne. Mais ce genre d'épreuves ne détruiront pas notre lutte contre le racisme enraciné dans la société. Nous sommes les enfants de Zumbi dos Palmares, et les enfants de Zumbi ne fuient pas le combat.
Courtesy of Tlaxcala
Source: tlaxcala-int.org
Publication date of original article: 22/11/2020