05/12/2020 reseauinternational.net  9min #182548

Bachar al-Jaafari : La Syrie ne s'inclinera pas devant de prétendus faits accomplis au Golan ou ailleurs...

Le 2 décembre, l'Assemblée générale a adopté cinq résolutions sur la situation au Moyen-Orient. Une résolution intitulée « le Golan syrien » et quatre résolutions concernant la situation en Palestine. Résolutions qui reviennent annuellement et à propos desquelles le président de l'Autorité palestinienne, M. Mahmoud Abbas, avait déclaré :

« Pour ce qui nous concerne, depuis 1947, c'est-à-dire depuis la résolution 181 (1947) et la résolution 194 (1948), ont été adoptées 705 résolutions par l'Assemblée générale des Nations Unies et 86 résolutions par le Conseil de sécurité. Aucune n'a été mise en application. Par conséquent, à quoi sert la législation internationale et quelle serait l'utilité de l'Organisation des Nations Unies tant qu'Israël reste au-dessus le la Loi ? Et ce, non pas du fait de sa force, mais du fait du soutien accordé par d'autres qui se tiennent hors la Loi. C'est ce que le monde ne peut accepter ». 

Un monde plus que jamais divisé sur ce qui est communément désigné par « la question palestinienne » selon les termes du délégué israélien (1ère partie), lequel trouve que ceux qui la soutiennent n'œuvrent pas pour la paix, mais sont dans le déni des réalités, pour ne pas dire, dans le déni des faits accomplis.

Ainsi, lorsque, par la résolution A/75/L.32, l'Assemblée générale « prie » le Comité pour l'exercice des droits inaliénables du peuple palestinien :

« de continuer de tout mettre en œuvre pour promouvoir l'exercice effectif des droits inaliénables du peuple palestinien, y compris son droit à l'autodétermination, de contribuer à mettre sans tarder un terme à l'occupation israélienne qui dure depuis 1967, à concrétiser la solution des deux États, sur la base des frontières d'avant 1967, et à parvenir à un règlement juste de toutes les questions relatives au statut final, et de mobiliser l'aide et le soutien de la communauté internationale en faveur du peuple palestinien et, à cet égard, l'autorise à apporter à son programme de travail approuvé les aménagements qu'il jugera utiles et nécessaires en fonction de l'évolution de la situation... », la résolution est adoptée avec cependant 91 voix pour, 17 contre et 54 abstentions

Un monde auquel le Docteur Bachar al-Jaafari, à l'évidence toujours fidèle au poste de délégué permanent de la Syrie auprès des Nations Unies en attendant d'occuper son nouveau poste de vice-ministre des Affaires étrangères, s'est adressé sans avoir jamais négligé la terrible réalité vécue aussi bien par les Palestiniens que par les Syriens sur leurs terres occupées. (NdT).

***

Monsieur le Président,

Je remercie infiniment mon cher collègue le délégué permanent de la République arabe d'Égypte qui s'est chargé de présenter le projet de résolution A/75/L.29 intitulé « Le Golan syrien » (lequel a parlé au cours de son allocution d'une mise à jour technique du contenu de ce projet de résolution annuellement réexaminé ; NdT).

Je remercie également tous les États qui ont soutenu ce projet et ceux qui voteront en sa faveur, confirmant ainsi les principes de la légitimité et du droit international, non la logique de l'occupation, de l'agression et du chaos.

Monsieur le Président,

Les principes du droit international font que l'Assemblée générale demande annuellement à Israël, désigné jusqu'ici en termes de « puissance occupante », de mettre fin à son occupation au Golan syrien et affirme que toutes les mesures prises pour y imposer ses lois, sa juridiction et son administration sont nulles, non avenues et, absolument, sans effet juridique. En cela, l'Assemblée générale est en pleine conformité avec la résolution 497 « adoptée à l'unanimité » par le Conseil de sécurité en 1981. Par conséquent, nous disposons d'une Assemblée générale et d'un Conseil de sécurité déclarant tous les deux : NON à l'occupation israélienne du Golan !

Monsieur le Président,

Le quatrième paragraphe du projet de résolution A/75/L.29, soumis aujourd'hui à l'Assemblée générale, « constate que le maintien de l'occupation du Golan syrien et son annexion de facto font obstacle à l'instauration d'une paix juste, globale et durable dans la région ».

Malheureusement, il semble que l'incapacité de la communauté internationale à faire appliquer ses propres résolutions pour mettre fin à l'occupation israélienne ait multiplié les obstacles à la paix dans la région. Parmi ces obstacles, la déclaration de l'administration américaine considérant Jérusalem occupée comme capitale de la puissance occupante israélienne, suivie de sa reconnaissance de la prétendue souveraineté d'Israël sur le Golan syrien occupé, comme s'il s'agissait de lui faire don d'une partie de la Floride, de la Californie ou du Massachussetts. Le tout, en plus de son soutien continu à l'expansion de l'occupation israélienne, jusqu'à la consacrer en tant que « fait accompli », comme cela se met en place par le « Crime du siècle » ciblant les territoires palestiniens occupés.

C'est pourquoi, Monsieur le Président, le Gouvernement de mon pays réitère sa vive condamnation des décisions de l'administration américaine pour ses violations flagrantes du droit international, de la Charte des Nations Unies et des résolutions pertinentes prises par cette Assemblée. Il considère qu'elles sont unilatérales et issues d'une administration qui n'a pas la capacité politique, juridique ou morale de décider du sort des peuples de ce monde, ou de disposer de terres qui ne lui appartiennent pas et font partie intégrante des territoires de la République arabe syrienne et de la Palestine occupée.

Il est honteux pour l'administration américaine d'imiter le crime perpétré par la « Déclaration Balfour » de 1917 par un autre crime contre Jérusalem et le Golan syrien occupés, au lieu de travailler à encourager une paix juste et globale au Moyen-Orient. Et, il est évident que l'occupation israélienne n'aurait pu se maintenir, se poursuivre et menacer de plus en plus la paix et la sécurité internationales, si elle n'avait bénéficié du soutien et de l'énergie vitale fournis par les gouvernements de certains États influents, membres de cette Organisation, à commencer par les États-Unis. Un soutien politique, militaire, économique et financier, doublé de la couverture de ses crimes au sein de tous les forums internationaux ; ce qui fait de ces gouvernements des partenaires directs de l'occupation israélienne contre nos pays et nos peuples. Un soutien qui a donc encouragé Israël à continuer de violer le droit international et les dispositions de la Charte des Nations Unies.

Le dernier exemple en date est, sans doute, la visite du Secrétaire d'État américain Mike Pompeo dans les colonies israéliennes du Golan syrien occupé, le 19 novembre dernier, précédant la fin du mandat de l'administration de Donald Trump. Une visite provocatrice par ses déclarations tentant de consacrer la colonisation et l'occupation au mépris de la logique du droit international et des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, notamment la résolution 497 (1981). D'où l'étonnant paradoxe d'une administration américaine qui renie une résolution adoptée par une administration précédente. Tel est le comportement de l'État hôte et Membre permanent du Conseil de sécurité : signer un jour et dénoncer sa signature le lendemain.

Monsieur le Président,

Le Gouvernement de mon pays demande à l'Organisation des Nations Unies de prendre des mesures immédiates afin de faire appliquer ses résolutions visant à mettre fin à l'occupation israélienne des terres arabes occupées. Il soutient le droit souverain de la Syrie sur le Golan jusqu'à la ligne du 4 juin 1967 ; un droit qui ne peut être soumis à négociation ou à concession et qui ne peut s'éteindre par prescription. Il affirme que nous ne renoncerons pas à notre droit de récupérer nos terres occupées par tous les moyens garantis par les principes du droit international, la Charte et les résolutions des Nations Unies.

Mon gouvernement maintient sa position ferme à l'égard des droits fondamentaux du peuple palestinien à l'autodétermination, à un État indépendant avec Jérusalem pour capitale et au retour des réfugiés sur leur terre, conformément à la résolution 194 (1948). De même, il réitère sa demande d'accorder à l'État de Palestine le statut de membre à part entière des Nations Unies.

En conclusion, Monsieur le Président, j'invite tous les États Membres à voter en faveur du projet de résolution A/75/L.29 intitulé « Le Golan syrien », afin de confirmer notre adhésion au droit international et, en particulier, à son principe de base qui affirme l'inadmissibilité de l'acquisition des terres d'autrui par la force. Pourquoi ? Pour que les erreurs de la Société des Nations ne se répètent plus...

Merci Monsieur le Président

Dr Bachar al-Jaafari

Source: The Syrian Mission to the United Nations

Traduit de l'arabe par  Mouna Alno-Nakhal

***

NB : Résultats comparés des votes du 2/12/2020 et du 4/11/2020

Une telle comparaison s'est imposée d'elle-même, vu les variations constatées devant une résolution concernant a priori un même sujet, que le projet de la résolution soit intitulé « Le Golan syrien » tel le A/75/L.29 soumis au vote annuel de l'Assemblée générale ce 2 décembre, ou « le Golan syrien occupé » tel le A/C.4/75/L.15 adopté avec une majorité écrasante le 4 novembre dernier devant la Quatrième Commission de la 75ème Assemblée générale chargée des questions de politiques spéciales et de décolonisation. En effet :

  • 9 voix contre (sur un total de 159) : Australie, Brésil, Canada, Israël, Iles Marshall, Micronésie, Palaos, Royaume-Uni et États-Unis ;
  • 88 voix pour, au lieu des 142 voix pour le projet A/C.4/75/L.15 soumis le 4 novembre dernier ;
  • 62 abstentions (dont l'Allemagne, la France, l'Italie, le Japon, le Mexique...)

  • 2 voix contre (sur un total de 163) : Israël et les États-Unis ;
  • 142 voix pour (dont l'Allemagne, la France, l'Italie, le Japon, le Mexique, le Royaume-Uni...)
  • 19 abstentions (dont l'Australie, le Brésil, le Canada...)

Ces retournements seraient-ils dus à « la mise à jour » signalée par le délégué égyptien (prise de parole à 2h43'de la 1ère partie ? La comparaison des textes des deux projets précités révèle que la qualification d'Israël de « puissance occupante » a disparu du projet soumis le 2 décembre. Et comme nouveauté il révèle qu'en plus du paragraphe 4, cité plus haut par le Dr Al-Jaafari, l'Assemblée générale :

  1. Demande à Israël de relancer les volets syrien et libanais des pourparlers et de respecter les garanties et engagements précédemment souscrits;
  2. Exige une fois de plus qu'en application des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, Israël se retire de tout le Golan syrien occupé jusqu'à la ligne du 4 juin 1967;
  3. Demande à toutes les parties intéressées, aux coparrains du processus de paix et à la communauté internationale toute entière de faire tout le nécessaire pour assurer la reprise du processus de paix et son succès grâce à l'application des résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité...

Où est le problème pour ceux qui ont modifié leur vote en moins d'un mois ? Pourquoi demander à Israël de relancer des pourparlers avec le Liban alors qu'il s'agit du Golan syrien ? Serait-ce en rapport avec la délimitation des frontières terrestres et, par conséquent, avec la délimitation de la frontière maritime entre le Liban et Israël ; ce dernier ayant annulé le 5ème round des pourparlers qui devait aussi se tenir le 2 décembre ?

Quant aux résultats des trois autres projets de résolution concernant la Palestine, le lecteur pourra les découvrir dans le compte-rendu du site de l'ONU destiné à la presse française.

 reseauinternational.net