Ex-légionnaire, le Franco-Suisse Hans Wolf ne croit pas à la thèse de la négligence. Et argumente. Par ailleurs, un Haut-Savoyard se souvient: son fils a été gravement blessé lors d’un exercice similaire en 1995, au régiment de Bayonne.
Une balle réelle et une balle à blanc sont très différentes. Les confondre est impossible.
«La thèse d’un tir par négligence ne convainc pas le Franco-Suisse Hans Wolf. L’ex-légionnaire, en retraite à Chêne-Bougeries, ne connaît pas le sergent du 3e régiment parachutiste de marine qui a tiré à balles réelles, faisant 17 blessés à Carcassonne, dimanche. Mais il connaît les armes et l’armée. Et les explications du sergent Nicolas Vizioz qui dit avoir «inconsciemment complété un chargeur dans lequel restaient des balles réelles», le laissent perplexe.
«Tout militaire vide totalement son chargeur avant de le compléter pour s’assurer que la plaque de poussée des balles affleure bien», explique-t-il. Le Parquet de Montpellier indiquait hier que le chargeur de 25 balles du fusil famas a tiré «des balles à blanc, puis de 10 à 15 balles réelles». Ce fait est troublant pour Hans Wolf: «Les balles à blanc et les balles réelles ne sont pas de même couleur et ne peuvent être confondues. Les munitions remises pour l’exercice sont comptées et recomptées systématiquement.» Il s’étonne aussi que le sergent, bien noté, ait pu risquer de tirer à balles réelles avec «un bouchon de tir à blanc en plastique qui peut provoquer l’implosion de l’arme» et penche donc pour une malveillance.
Au Service d’information de l’armée de terre, à Paris, le lieutenant-colonel Le Testu confirme toutes les objections techniques mais ne doute pas de la «faute professionnelle grave». «La particularité de l’affaire de Carcassonne, c’est que le tireur était le munitionnaire des dix hommes de son commando.» Il était donc bien placé pour redoubler d’attention et connaître le règlement qui interdit toute possession de munitions, hors exercice. Accident isolé? La thèse officielle tend à le laisser penser. C’est faux.
C’est déjà arrivé
En découvrant les images du drame de Carcassonne à la télévision, chez lui à Saint-Paul-en-Chablais en Haute-Savoie, Jean-Paul Guével a eu un haut-le-coeur et les larmes aux yeux. Son fils Christophe a été grièvement blessé à la tête et au poumon, lors d’un exercice de commando libérant des otages à la caserne du 1er régiment de parachutistes de marine à Bayonne, le 6 novembre 1995. Même scénario qu’à Carcassonne. «L’armée nous a dit qu’il y avait eu une erreur de chargeur. Il devait contenir des balles de porcelaine et pas des balles réelles. Mon fils jouait l’otage et n’avait aucune protection. Il avait 18 ans et avait intégré le régiment depuis trois mois. Les médecins l’ont pensé condamné. Pendant cinq ans, il n’a pu ni marcher ni parler. Aujourd’hui, il se déplace et parle un peu», confie-t-il. «Après onze ans de bataille judiciaire, l’armée a consenti à lui verser une pension décente. L’Etat nous avait promis que cela ne se reproduirait plus…»
Hans Wolf et Jean-Paul Guével ont accepté de témoigner mais ont refusé d’être photographiés.
Profond malaise chez les militaires
Un nouveau chef d’Etat-major a été nommé, hier.
Le président français Nicolas Sarkozy a réitéré hier ses critiques visant l’armée, après la «bavure» de Carcassonne, en plein malaise d’une institution militaire promise à des coupes sombres par le «Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale».
De source militaire, le président Sarkozy a reproché en substance «l’amateurisme» des forces armées au général Cuche.
Ce dernier a démissionné, mardi, se sentant obligé de préciser que c’était au seul motif de la fusillade de Carcassonne. Le général Cuche avait critiqué en janvier le projet de restructuration de l’armée et mis en garde contre sa «paupérisation».
Le général Elrick Irastorza, a été nommé hier à la tête de l’Etat-major de l’armée de terre. Devant le Conseil des ministres, le chef de l’Etat qui est aussi chef des armées, est revenu sur le drame de Carcassonne, qualifié de «profondément inadmissible et consternant».
Mardi, le sergent Nicolas Vizioz, auteur du tir, a été mis en examen pour «blessures involontaires» par le Parquet de Montpellier.
Il a été remis en liberté, placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter la ville et de détenir une arme. Il risque trois ans de prison et 45 000 euros d’amende.