11/01/2021 tlaxcala-int.org  10 min #184075

Usa : Confrontation entre globalistes et chauvinistes néo-nazis Que peut-on attendre de Biden ?

 Narciso Isa Conde

La décadence de l'hégémonie US au niveau international est de plus en plus évidente et, dans la mesure où cette super-puissance est le centre de l'Impérialisme occidental et d'une civilisation capitaliste qui connaît une crise majeure, cette réalité marque une tendance persistante à la décadence de tout le système de domination.

Eray Özbek

La crise interne du Colosse du Nord - aggravée dans le contexte de la COVID19 et du processus électoral convulsif et dégradant de novembre 2020 - est impossible à occulter.

Les deux phénomènes se rétro-alimentent et déterminent une profonde fracture au sein des élites capitalistes qui ont dominé cet empire, le capital, l'argent, le pays et une grande partie du monde ; elle s'exprime par de forts frémissements et ruptures à l'interne (au sein du Pouvoir Fédéral et au niveau des liens entre les États et l'Union) et par un déclin de son pouvoir à l'extérieur de ses frontières (Système Global Transnational), qui provoque à son tour une plus grande agressivité contre ceux qui s'opposent à ses ambitions et ses actions pour le contrôle des richesses de la Terre Mère.

Ceci a lieu dans le contexte d'une voracité, d'une obsession de concentration de richesses et d'un déploiement de violences irrépressibles, qui déchirent de plus en plus les entrailles d'un pouvoir étato-entrepreneurial irréconciliablement divisé et qui menace la stabilité des Etats-Unis en tant qu'addition d'États, en même temps qu'il sape l'existence de la planète et la vie d'une grande partie de l'humanité.

Aux dommages causés à l'extérieur s'ajoute une lutte « à mort » entre factions présentant des recettes opposées pour arrêter son inexorable décadence en tant qu'Empire.

Deux puissantes factions fracturent l'Union

Le problème dépasse les différences traditionnelles entre « démocrates » et « républicains ». Il va aussi au-delà de la rivalité Trump/Biden pour le fauteuil présidentiel. Dans les faits, cette lutte est plus importante même que la question de savoir qui part et qui va arriver à la Maison Blanche, et à quel point les votes de l'un ou l'autre camp sont légitimes ou frauduleux.

Partis et candidats sont les instruments de deux factions du grand capital, d'entreprises et structures plus permanentes et dotées d'un plus fort enracinement économique, social, militaire et idéologique.

L'une a plus de poids dans le Parti Démocrate et l'autre dans le Parti Républicain, mais toutes deux influencent les deux partis et agissent pour leur propre compte dans les institutions électives, dans le pouvoir corporatif des grandes sociétés, au Pentagone, dans la CIA et le Complexe Militaro-Industriel-Financier.

Le général français Dominique Delawarde, qui a une large expérience dans l'OTAN, et qui se consacre actuellement à l'analyse du processus US, décrit ainsi ce nouveau phénomène :

« Depuis l'échec d'Hillary Clinton aux élections présidentielles de 2016, les États-Unis se sont profondément divisés en deux camps irréconciliables, qui se détestent et qui se sont lancés dans une lutte « à mort ».

Contrairement à ce qu'on croit en France ou en Europe, ces deux camps ne sont pas les camps républicain et démocrate, qui ne sont que les parties visibles de l'iceberg. Les deux camps auxquels je me réfère ont deux conceptions opposées du monde : ce sont les « souverainistes » et les « globalistes ». On trouve les représentants des « globalistes » majoritairement parmi les démocrates, mais on peut aussi les trouver, bien qu'en moindre proportion, parmi les républicains.

Le 24 septembre 2019, Donald Trump, depuis la tribune de l'Assemblée Générale de l'ONU, a clairement choisi son camp : il a exprimé sa vision du monde et déclaré la guerre aux globalistes ». (Lettre du général français Delawarde sur l'élection présidentielle US - Réseau Voltaire).

Certes, « souverainistes » et « globalistes » sont de trop jolis qualificatifs pour ce que représentent les uns et les autres.

En vérité, ce qu'on appelle les « souverainistes » est une expression factieuse du « nationalisme néo-nazi » US, qui s'efforce, avec d'immenses difficultés, de retourner des secteurs du pouvoir transnational de ce pays vers l'intérieur de ses frontières, à contre-courant de la globalisation néo-libérale, c'est-à-dire de la mondialisation du capital.

Selon cette logique, ce courant essaie d'agglutiner et fanatiser de larges secteurs par un discours chauviniste, et de lutter en même temps contre le chômage et le déclin économique interne - dans la mesure où ils nuisent à la classe ouvrière blanche affectée par la crise et supplantée par la masse multicolore d'immigrés mal payés -, transférant une partie des capitaux et entreprises de l'extérieur vers le territoire US, brandissant la bannière de la déclinante suprématie blanche, durcissant le racisme et la xénophobie, et fomentant tout ce qui est conservateur - sans abandonner les pratiques colonialistes et les positions conquises dans des réseaux internationaux.

Ceux qu'on appelle les « globalistes sont les gestionnaires et les grands bénéficiaires d'un pouvoir économique transnational, qui se place au-dessus des nations, qui n'a pas de patrie, qui passe par-dessus les États « nationaux », s'érigeant en un pouvoir supra-national, qui exploite la classe ouvrière et les peuples à l'échelle internationale, qui conquiert des territoires par la force et pille leurs ressources.

Ce pouvoir utilise et instrumentalise les États, le FMI, la BM, le G20 et autres mécanismes multilatéraux et multinationaux, maximise les gains à l'intérieur des États-Unis et hors de leurs frontières, précarisant les salaires des travailleurs et des travailleuses, et favorisant l'exclusion sociale et le chômage, sans s'occuper de la couleur de leur peau.

Dans cette faction, dominée par une grande partie des entreprises de l'industrie informatique, les grandes chaînes globales des mass media, les firmes aérospatiales, pharmaceutiques, minières, les banques globales, les industries du complexe militaire..., se détachent des personnages de l'éventail des méga-millionnaires comme Bill Gates, Soros, Rockefeller, Musk, et les patrons de Facebook, Amazon, Twitter...

A leur pouvoir global s'ajoute une forte influence sur « l'État ou Gouvernement profond » qui manipule des secteurs importants des Etats-Unis.

Les perspectives post-électorales et l'avenir de la confrontation

Ces deux dynamiques aboutissent à ce que, sans cesser d'être une chose ou l'autre, les néo-fascistes soient plus despotiques, moins tolérants et plus répressifs à l'intérieur des États-Unis, et moins bellicistes à l'égard de l'extérieur que les « globalistes », et vice versa.

Obama et Clinton - soutenus par les grandes corporations globales - ont lancé plus de bombes et envahi plus de pays, tué plus de personnes dans le monde et retiré moins de troupes que Trump. Cela, les chiffres le montrent, ce qui ne diminue en rien la perversité de ce dernier sous de multiples aspects.

Et si l'on s'intéresse aux élections, tous deux sont terriblement tricheurs. Mais, au-delà des votes populaires et des votes électoraux dans le cadre d'un système profondément anti-démocratique, définitivement oligarchique (couvert du manteau d'une certaine tolérance), ceux qu'on appelle les globalistes ont décidé d'empêcher à tout prix et sans le moindre scrupule la réélection de Trump qui, pas vraiment parce qu'il est fou, mais bien parce qu'il est néo-fasciste, s'est érigé en leader du premier courant et chef d'une faction de pouvoir décidée à faire exploser « l'establishment institutionnel » et à lui faire la « guerre » - en commençant par discréditer avec succès le système électoral et le pouvoir médiatique US.

Biden a été l'homme choisi pour succéder à Trump, à 79 ans, malade et présentant de sérieuses limitations physico-mentales. Mais ce n'est qu'un détail, car ce n'est pas lui qui, dans des circonstances aussi difficiles, devra gouverner une Nation en proie à ces convulsions.

Les signes de l'émergence de certaines composantes de « l'État profond » pro-globaliste n'ont pas tardé à apparaître.

Le tiers de l'équipe de transition de Biden - chargée de problèmes cruciaux - vient du Complexe Militaro-Industriel :

- trois structures de ce qu'on appelle les « tanks d'idées » : le Centre d'Etudes Stratégiques, la Rand Corporation et le Centre pour une Nouvelle Sécurité Américaine.

- quatre des principales firmes d'armement : General Dynamics, Raytheon, Northrop Grumman et Lockheed Martin.

C'est pourquoi, avec l'ascension de Biden et des « globalistes », il faut s'attendre à une intensification de ce qu'on appelle la « guerre globale anti-terroriste », avec une plus grande capacité à impliquer l'OTAN et les puissances alliées de l'Europe occidentale dans cette pernicieuse croisade.

Il faudrait s'attendre à plus d'interventions agressives au Moyen Orient en faveur d'Israël (Liban, Palestine, Yémen, Irak, Iran Syrie...) et aussi sur les frontières de la Russie, la Mer de Chine et Notre Amérique [l'Amérique Latine] : même s'il est possible que « Notre Amérique » n'inclue pas tellement, sur le plan militaire, Cuba, étant donné que les fusées cubaines arrivent jusqu'en Floride. Mais il convient de rester en alerte en ce qui concerne l'emploi d'autres moyens agressifs contre la révolution cubaine et, surtout, en ce qui concerne le Venezuela et autres processus de récupération de la souveraineté, où les États-Unis pourraient déployer de nouvelles modalités de guerre en tant que composantes de la politique.

Au niveau interne, les « globalistes » sont sous pression, et ils pourraient donner du mou sur certains points, étant donné les caractéristiques de l'électorat démocrate, en particulier en ce qui concerne le racisme, la question migratoire et les programmes sociaux dans le contexte de l'actuelle pandémie avec dépression économique.

De toutes façons, le régime que présidera pour la forme Biden, bien qu'il s'appuie sur la plus grande partie du pouvoir de fait au niveau transnational et de « l'État profond », est plus vulnérable que les précédents, à cause de cette profonde fracture du pouvoir permanent et du système institutionnel, et du niveau élevé d'accumulation de pouvoir de la part du trumpisme néo-fasciste dans des temps récents.

La nouvelle Administration devra faire face non seulement à une pandémie en extension et hors de contrôle, et une économie mal en point, mais, en même temps, à une opposition au sein du système institutionnel et hors de lui, qui lutte pour le miner encore plus et sans égards pour les conséquences qui tendent à le délégitimer et le désarticuler.

Il ne reste qu'une solution pour le trumpisme, encore renforcé en termes réels et plus agressif qu'avant - bloqué sur le plan institutionnel et harcelé par les grands mass media -, c'est d'utiliser la partie du pôle électoral et non électoral qu'il représente pour saper l'ordre et la situation imposée par les « globalistes ».

Il ne manque déjà pas de gens qui, depuis les rangs du néofascisme, déclarent la nécessité de suspendre la Constitution pour éviter la « guerre civile ». Le général Michael Flynn, ex-conseiller de Trump, en fait partie et ses partisans occupent maintenant des fonctions importantes au Pentagone.

Il y en a aussi qui misent sur le séparatisme, en premier lieu les forces qui, au Texas et dans d'autres Etats, sont portées à déclarer leur indépendance vis-à-vis de l'Union.

Le fantasme de la sécession, toujours latent au sein du pouvoir fédéral constitué, réapparaît, menaçant, dans un pays où abondent les armes légalisées entre les mains de civils, et où leur usage est reconnu pour s'opposer à des ordres contraires aux intérêts collectifs - ce qui laisse une large marge d'interprétation, et où, en outre, les forces militaires régulières et mercenaires apparaissent assez divisées.

Ce tableau indique clairement que ce différend ne finira pas avec la prise de possession de Biden et la reprise du pouvoir institutionnel par les globalistes, mais que débute une phase plus aiguë de confrontation qui, à moyen terme, pourrait générer des événements désintégrateurs semblables à ceux se jouèrent sur la scène de l'Union Soviétique à la fin du XXe siècle.

Une progressive et de plus en plus tumultueuse décadence de « l'Empire américain », qui entraîne ses alliés euro-occidentaux, est en marche, ce qui devra ouvrir de plus larges canaux aux processus de libération de sa périphérie dépendante.

Courtesy of  Tlaxcala
Source:  lapluma.net
Publication date of original article: 08/01/2021

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