06/03/2021 les-crises.fr  7 min #186457

Blockchain : Les entreprises de la tech pourront-elles bientôt former des gouvernements locaux au Nevada ?

Source :  Las Vegas Review Journal, Colton Lochhead

Traduit par les lecteurs du site Les Crises

CARSON CITY - Si vous avez assez d'argent, des hectares de terrain inexploités et une « technologie innovante », vous pourriez prochainement former un nouveau gouvernement local au Nevada.

Lorsque, le mois dernier, le gouverneur Steve Sisolak a annoncé son projet de création de zones d'Innovation au Nevada afin de relancer l'économie de l'État en attirant des entreprises spécialisées dans les nouvelles technologies, les détails sur le fonctionnement de ces zones se sont révélés assez maigres.

Selon une première version de ce projet de loi, obtenu par le Review-Journal mais pas encore soumis pour examen à l'Assemblée législative, ces zones d'innovation permettraient à des entreprises technologiques comme la société Blockchains de former concrètement des gouvernements locaux indépendants au Nevada, des gouvernements qui auraient la même autorité qu'un comté, y compris la prérogative de lever des taxes, de constituer des circonscriptions scolaires et des instances judiciaires et d'offrir des services publics, pour ne citer que quelques exemples.

Sisolak a vendu ce concept lors de son discours sur l'état de l'État comme son plan pour attirer de nouvelles entreprises à la pointe des « technologies avant-gardistes », le tout sans recourir à des abattements fiscaux ou à d'autres mesures incitatives basées sur des financements publics de l'État qui avaient auparavant aidé le Nevada à accueillir des entreprises comme Tesla.

Lors de son discours le mois dernier, M. Sisolak a expressément désigné la société Blockchains comme une entreprise qui s'était engagée à développer une « ville intelligente » à l'est de Reno qui fonctionnerait entièrement grâce à la technologie de la blockchain, une fois la loi adoptée.

Le texte en préparation, qui pourrait encore changer avant d'être dévoilé sous la forme d'un projet de loi officiel, donne un premier aperçu des détails qui se cachent derrière le concept.

Des gouvernements locaux inadéquats.

Le texte du projet indique que le modèle traditionnel de gouvernement local est « inadéquat à lui seul pour fournir la flexibilité et les ressources permettant de faire de l'État un leader pour attirer et fidéliser de nouvelles formes et de nouveaux types d'entreprises et pour favoriser le développement économique dans les technologies émergentes et les industries innovantes ».

Il ajoute que cette « forme alternative de gouvernement local » est nécessaire pour favoriser le développement économique au sein de l'État.

Le Bureau du gouverneur chargé du développement économique s'occuperait des candidatures pour les zones d'Innovation. Ces zones seraient limitées à des « technologies innovantes » spécifiques, telles que la technologie de la blockchain, les technologies des objets autonomes, l'internet des objets, la robotique, l'intelligence artificielle, les technologies sans fil, la biométrie et les technologies des ressources renouvelables.

Une porte-parole du bureau de Sisolak a déclaré mercredi que le gouverneur « est impatient de diffuser dans le futur plus d'informations sur les Zones d'Innovation et sur d'autres points de son discours sur l'état de l'État ».

« Le Bureau du gouverneur n'a pas soumis de requête pour un projet de loi à propos de son initiative et donc nous ne commenterons aucun texte pour l'instant », a ajouté la déclaration.

Le Bureau du Gouverneur chargé du développement économique n'a pas répondu ce mercredi aux questions sur les zones.

Les zones fonctionneraient initialement au sein du comté local où elles se trouvent, mais pourraient éventuellement reprendre les fonctions de ces comtés et devenir un organe de gouvernance indépendant.

Les zones seraient dotées d'un comité de surveillance composé de trois membres qui aurait les mêmes pouvoirs qu'un comité de commissaires de comté. Et la société ou l'entreprise candidate à la zone aurait un droit de regard significatif sur qui siégeraient à ce comité.

Le bénéfice économique apparent, outre la possibilité d'attirer davantage d'entreprises technologiques vers l'État, serait une « taxe spécifique à l'industrie sur les technologies innovantes ou sur l'activité liée aux technologies innovantes », au sein de la zone.

Exigences : foncier, capitaux

La proposition de texte énonce les exigences requises pour la zone, notamment que le candidat possède 20 000 hectares de terrain non aménagé, situés dans un seul comté mais éloignés de toute ville, commune ou zone d'augmentation des taxes. De plus, la zone devra être inhabitée. La société devrait également disposer de 250 millions de dollars et d'un plan d'investissement d'un milliard de dollars supplémentaire sur 10 ans dans la zone.

La zone sera tenue de présenter un rapport à l'assemblée législative de l'état lors de la session biennale détaillant ses investissements, les progrès concrets réalisés dans le développement des infrastructures, une estimation du nombre de personnes employées dans la zone et l'impact économique de la zone elle-même.

En 2018, la société Blockchains, une société technologique appartenant à l'avocat et milliardaire en cryptomonnaie Jeffrey Berns, a acheté au centre industriel de Tahoe à Reno environ 27 000 hectares - à peu près la taille de la ville de Henderson - de terres non aménagées et inhabitées dans le comté de Storey, pour 170 millions de dollars.

Depuis lors, la société a largement financé les candidats politiques et les comités d'action politique.

Blockchains a donné 50 000 dollars à un comité d'action politique de Home Means, Nevada, chargé de gérer la montée en puissance de Sisolak, en janvier 2019, selon les dossiers de financement des campagnes. L'entreprise a également fait don de 10 000 dollars à la campagne de Sisolak lors du cycle électoral de 2018. L'adversaire de Sisolak, le républicain Adam Laxalt, a également reçu 10 000 dollars de la société cette année-là.

Berns lui-même a donné 50 000 dollars au Parti démocrate de l'État en 2019, et fait plusieurs dons allant de 1 000 à 5 000 dollars à divers législateurs des deux partis.

Blockchains n'a pas souhaité répondre aux demandes de commentaires.

Le jury est toujours en train de débattre

Le Commissaire du comté de Storey, Lance Gilman, l'un des développeurs du centre industriel, a déclaré que la Zone d'Innovation de Blockchains « va avoir un impact sur le comté de Storey, et le jury est toujours en train de débattre pour savoir si cela sera positif ou négatif. »

Gilman a déclaré que le comté restait ouvert à l'idée, mais qu'il devait y avoir une sorte d'incitation financière pour compenser la cession de la terre à la zone elle-même.

« Nous allons vouloir savoir si le comté de Storey bénéficie de cette bonne affaire », a-t-il déclaré.

Si ce n'était pas le cas et que les conséquences négatives l'emportaient sur les aspects positifs pour le comté de Storey, Gilman a alors ajouté qu'il doutait que la législation évolue.

Le chef de la minorité au Sénat, James Settelmeyer, Républicain, dont le district comprend le comté de Storey, a fait écho aux réflexions de Gilman lorsqu'il a été contacté par téléphone mercredi soir, affirmant que cela pourrait être « fantastique » pour l'Etat et en particulier pour le nord du Nevada. Mais il a dit qu'il craignait que cela laisse en plan le comté de Storey.

« La législation semble plutôt unilatérale, les zones d'innovation peuvent prendre des décisions et le comté devra les suivre », a déclaré M. Settelmeyer.

Settelmeyer a ajouté ne pas avoir été « étonné » de découvrir à un « stade aussi avancé » les détails d'un projet de loi qui affecterait une partie de son district.

« C'est irrespectueux », a-t-il déclaré.

Source :  Las Vegas Review Journal, Colton Lochhead, 03-02-2021

Traduit par les lecteurs du site Les Crises

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