19/03/2021 tlaxcala-int.org  5 min #187035

Demande au secrétariat d'État au Commerce d'Espagne de stopper la vente d'une corvette Navantia au Maroc

 Danilo Albin

Plusieurs organisations de défense des droits humains présentent un appel pour tenter d'arrêter l'accord conclu avec le Maroc pour la construction d'un navire de guerre, dont le coût atteindrait 150 millions d'euros.

L'avocat Sidi Talebbuia devant le ministère des Affaires économiques, avec le recours déposé le 18 mars

Le secrétaire d'État au Commerce est une nouvelle fois interpellé sur la politique d'exportation d'armes menée par l'Espagne. Dans un  document de 30 pages, un certain nombre d'organisations de défense des droits du peuple sahraoui ainsi que des groupes antimilitaristes et pacifistes demandent que l'accord entre Navantia et le Royaume du Maroc pour la construction d'une corvette soit arrêté, alléguant que cette opération impliquerait diverses violations du droit national et international.

Cette initiative, promue par une douzaine de groupes, parmi lesquels l'Observatoire aragonais pour le Sahara occidental, l'Association des journalistes sahraouis en Espagne ou le Centre Delàs d'études pour la paix, intervient après la diffusion de l'information en janvier dernier. On avait alors appris que le chantier naval espagnol avait remporté un contrat avec la Marine royale du Maroc pour « concevoir et construire un patrouilleur de haute mer qui représentera un million d'heures de travail pour les chantiers navals de la baie de Cadix », ce qui se traduira par « environ 250 emplois au cours des trois prochaines années et demie », selon un  communiqué de Navantia.

Le contrat a été annoncé par la ministre des Finances, María Jesús Montero, lors d'une visite au chantier naval de San Fernando - où sont également construites les corvettes commandées par l'Arabie saoudite - au cours de laquelle elle était accompagnée de la présidente de Navantia, Belén Gualda. « Le projet a reçu le soutien institutionnel du gouvernement et son succès ouvre la porte à la passation de contrats pour d'autres unités similaires, ce qui impliquerait plus d'heures de travail et plus d'emplois pour l'industrie navale », a déclaré l'entreprise dans un communiqué. Selon ce qui a été rapporté par différents médias, le prix serait d'environ 150 millions d'euros.

Dans la lettre envoyée au Secrétaire d'Etat au Commerce, les ONG soulignent que le Maroc « occupe militairement la majeure partie du territoire non autonome du Sahara Occidental depuis novembre 1975 », après quoi elles soulignent « la situation actuelle de guerre ouverte dans le territoire », qui a repris « après un cessez-le-feu ou une cessation des hostilités entre le Front Polisario et le Royaume du Maroc qui a duré du 6 septembre 1991 au 13 novembre 2020 ».

« La nouvelle situation du territoire suite à la reprise des hostilités entre le Royaume du Maroc et le Front Polisario, après les événements de Guerguerat depuis novembre 2020 dernier, détermine un cadre qui doit être pris en compte en ce qui concerne les ventes ou transferts de matériel de défense et/ou d'armement au Royaume du Maroc », arguent-elles.

À cet égard, elles soulignent que « la situation de guerre au Sahara occidental est couplée à l'instabilité régionale due aux conflits au Mali, en Libye et à une possible extension de celle-ci à la Mauritanie en raison de sa proximité et de sa position frontalière avec le Sahara occidental, ce pays ayant même subi des attaques des forces marocaines, confondant ses troupes avec celles du Front Polisario ».

Au vu de ces données, elles soulignent que « les exportations d'armes espagnoles vers l'occupant militaire (le Maroc) sont incompatibles avec les engagements internationaux pris par l'Espagne ». Les requérants citent diverses résolutions et conventions, tant nationales qu'internationales, qui décrivent précisément la situation de vulnérabilité que connaît Sahara et les responsabilités de l'Espagne en matière de protection de la population autochtone.

« En définitive, le droit international et le droit interne sous-tendent que la relation de l'Espagne avec le Sahara occidental est directe et non transférable tant que l'autodétermination de son peuple ne se matérialise pas », indiquent-elles, tout en soulignant que pour ces raisons « la vente d'armes par l'Espagne au Maroc pour qu'il puisse l'utiliser, ou menacer de le faire, contre la population sahraouie, serait illégale ».

Entre autres aspects, le document enregistré auprès du secrétaire d'État au Commerce souligne que la vente du navire de guerre au Maroc constituerait également une violation du traité sur le commerce des armes signé par l'Espagne, une question qui a déjà été dénoncée par des organisations telles qu'Amnesty International ou Greenpeace dans le cadre de la vente d'armes à l'Arabie saoudite.

Secrets officiels

Dans ces cas, le secrétariat d'État au Commerce se réfugie généralement dans le secret officiel entourant les exportations d'armes pour refuser de fournir les informations spécifiques demandées par les organismes de défense des droits humains. Il le fait sur la base d'une résolution adoptée par le gouvernement de Felipe Gonzalez en 1987 sous couvert de la Loi sur les secrets officiels franquiste.

Tant le décret du gouvernement Gonzalez, qui a classé « secrets » les procès-verbaux du Conseil interministériel qui analyse les exportations d'armes, que la Loi sur les secrets officiels de la dictature sont toujours en vigueur aujourd'hui.

Courtesy of  Tlaxcala
Source:  publico.es
Publication date of original article: 18/03/2021

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