29/03/2021 europalestine.com  4 min #187542

Palestine : le mirage d'une démocratie sous occupation

Des élections palestiniennes, dans quel but ?

 29 mars 2021

Salem Barahmeh, militant politique et directeur général du Palestine Institute for Public Diplomacy, jette un regard très critique sur les prochaines élections législatives en Palestine.

« Les Palestiniens de Cisjordanie, Gaza, et Jérusalem-Est ne sont pas habilités à voter pour le régime qui régit chaque aspect de leur vie, même si les Israéliens qui vivent sur le même territoire, eux le sont. Ces 5 millions de Palestiniens élisent l'AP (Autorité Palestinienne), organe administratif qui n'a aujourd'hui qu'un contrôle partiel sur 40% de la Cisjordanie et dépend d'Israël pour sa survie.

L'existence de l'AP était supposée durer cinq ans, à savoir pendant la période de transition vers un état palestinien, mais cet état n'a jamais vu le jour. Les gouvernements israéliens successifs ont fait en sorte qu'il en soit ainsi, utilisant les colonies et l'annexion pour transformer la Cisjordanie, Gaza et Jérusalem en un archipel d'agglomérations Palestiniennes non reliées entre elles.

Les élections législatives de l'AP fixées au 22 mai surviennent après des années de répression politique et une vague récente de lois antidémocratiques qui ont été adoptées par décret présidentiel palestinien et ont pour but de contrecarrer l'indépendance de la justice et de la société civile.

De nombreuses personnes estiment que les élections à venir serviront à entériner le partage du pouvoir entre les deux partis au gouvernement, le Fatah et le Hamas.

Le fait est que dans une société où l'âge moyen est de 21 ans, la majorité, voir tous les postes de direction sont occupés par ceux qui ont en moyenne 70 ans.

Malgré une réelle soif de prendre part à un processus démocratique et de choisir des représentants les changements récents apportés par l'AP aux lois électorales ont rendu pratiquement impossible de concourir et de briser le monopole des factions dirigeantes en Cisjordanie et Gaza.

L'âge requis, par exemple, pour être candidat est de 28 ans, ce qui est l'un des plus élevés au monde et empêche de nombreux palestiniens de se présenter.

Pour figurer sur la liste électorale, les candidats doivent par ailleurs s'acquitter d'un droit de 25 000 dollars US et doivent démissionner s'ils occupent certains emplois, ce qui est extrêmement difficile dans une économie qui a un taux de chômage très élevé.

Enfin, l'élection a été annoncée à quelques mois seulement de sa tenue sous un nouveau système électoral basé sur la représentation proportionnelle, qui avantage les partis établis ayant une présence nationale forte plutôt que des nouveaux venus en politique.

Au-delà de ces limites structurelles, il y a le poids écrasant de l'occupation militaire sur la participation politique des Palestiniens. Israël refuse notamment aux Palestiniens la possibilité de tenir des élections à Jérusalem et a arrêté des élus au parlement.

Les Palestiniens sous occupation vivent sous le joug des ordres militaires israéliens et n'ont par conséquent aucun droit civique ; ils n'ont aucune liberté de réunion, d'association ou d'expression, et il est illégal de former un parti politique palestinien.

La fable de ces élections n'est pas une histoire de démocratie mais celle qui consiste à apporter un vernis de légitimité à un système qui maintient la suprématie et la domination d'un peuple sur un autre. Dans cette réalité, on prive les Palestiniens de leur souveraineté et du pouvoir de façonner leur vie, leur avenir et de la capacité de contester cette oppression.

Ce système ne peut offrir une véritable démocratie et doit être démantelé. Il faut élaborer un nouveau contrat social dans lequel chaque personne peut exercer une véritable autodétermination, et où elle est libre et sur un pied d'égalité.

Les Palestiniens ont besoin d'un outil institutionnel pour redynamiser leur mouvement national afin qu'il puisse contester le statut quo. Pour aller de l'avant il faut un système politique réformé qui soit démocratique et représentatif, capable de donner une voix aux 13 millions de Palestiniens du monde entier.

Le chemin de la liberté commence avec nous.

* Salem Barahmeh est un militant politique et directeur général du Palestine Institute for Public Diplomacy

(Publié le 17 mars 2021 dans  The Guardian - Traduction:  Chronique de Palestine - MJB)

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