13/04/2021 logic.ovh  8 min #188188

La vieille dame et le vieux système

La dame de cent ans bien consolidés est refoulée à l'entrée du supermarché avec son cabas parce qu'elle ne s'est pas préalablement inscrite sur internet pour signaler à l'autorité sanitaire qu'elle désirait faire les courses.

- Internet ? demande-t-elle, c'est quoi ?

- Allez ma petite dame, allez-vous en, vous voyez bien que vous gênez.

Cette photographie permet de dessiner un schéma anthropologique d'une société complexe dans laquelle se jouent des contradictions qui la dépassent.

D'une part, il est surprenant qu'une telle régression intellectuelle ait pu conduire des humains, à tous les grades de la législation, à ne pas être capables de prendre en compte des cas de figure pourtant évidents.

Si l'intelligence artificielle joue un rôle de plus en plus fondamental pour seconder la structuration de la société, elle est aussi utilisée sournoisement pour dissimuler et entretenir un manque évident de jugeote.

En tant que développeur je passe mon éternité, ces moments où la concentration est telle qu'on ne voit plus le temps passer, à considérer des cas de figure qui sont potentiels et imprévisibles. Pour faire cela il y a des méthodes, des principes, et des bonnes pratiques.

Pas de ces bonnes pratiques qui sont des méthodes et des principes, mais plutôt des réflexes qui consistent à s'attendre au pire, et, formellement, à se renseigner, compulser des docs, et garder une attitude ouverte face au changement. Il s'agit de rester humble face à sa propre création. Et en fin de compte il s'agit de ne considérer la réalité que comme une théorie, que dynamise l'intellect, non comme une certitude, froide et passive.

Mais dans une société où, au contraire, le temps c'est de l'argent, on a apprit aux gens à ne pas réfléchir aux choses. En voilà une première contradiction flagrante d'ordre anthropologique : c'est quand le gain de temps s'applique à l'échelle individuelle au lieu de s'intéresser à l'échelle collective. Quand il ne revient plus à personne de s'inquiéter du sort des autres. Et là où prendre son temps pour bien faire les choses permettrait d'en faire gagner à tout le monde, la méthode de travail, forgée par l'avarice, consiste à bâcler son travail et finalement à faire perdre du temps à tout le monde.

Cette tendance va continuer jusqu'à ce que le monde devienne invivable, puisque bientôt apparemment on ne pourra plus rien faire sans son ordinateur de poche à cinq cent euros couplé à un abonnement aux données de cinq cent autres euros par an. Rien que pour payer un truc, une baguette de pain, il faudra déjà se munir de mille euros d'outillages. C'est bien au-delà des frais imposés à chaque transaction.

*

Je vois l'informatique comme une source de libération pour l'humanité. Elle est capable de rendre d'immenses services à grande échelle. Elle permet de compulser l'information pour rationaliser les prises de décision. Elle permet d'imaginer un monde où les gens ne prennent plus la parole sur la base de croyances approximatives auxquelles ils associent des idéologies ornées de comédies théâtrales pour mieux exercer une persuasion qui ne sert qu'à masquer leur paresse intellectuelle, quitte à induire tout le monde en erreur.

Pourtant c'est dans ce milieu hostile à l'intelligence que naît l'ère de l'informatique. Aujourd'hui on en est encore au stade où un politicien faisant référence à "la guerre" pour évoquer une petite grippette, arrive à incarcérer un pays entier au motif qu'il a lui-même peur des microbes. Et à leur mettre des masques sur la tête au motif qu'il ne veut plus voir leur tête, avec l'avantage suprême d'étouffer leur voix.

Les gens pourront se débattre comme des pantins camouflés qui émettent des borborygmes inaudibles contre cette injustice, ils resteront ridicules puisque même leur tenue vestimentaire, leur posture, leur vocabulaire et leurs angoisses leur auront été imposés par la force.

La seule chose qui peut conduire l'humanité vers la paix est le savoir, la connaissance, la raison et la logique. Ce ne sont que les diverses facettes d'une même chose, la vérité, et elle-même, n'est qu'un autre nom donné à "la réalité".

Cette réalité on la découvre petit à petit, au fil des erreurs et des manquements, et à la surprise d'effets inattendus qui surgissent constamment, dont la cause reste floue au début.

Ici, dans le cas qui nous occupe, l'époque qui est la nôtre, dite des années folles qui remplacent les autres années folles du siècle dernier, en lui donnant une acception nouvelle puisque cette folie-là, n'est point festive, mais vraiment pathologique, l'enjeu évolutif est devenu une question grave et sérieuse.

Vers où allons-nous, que voulons-nous ? Sommes nous conscients et responsables des pratiques absurdes qui nous emprisonnent et nous condamnent ?

*

Pour expliquer cela, il faut remonter à la source des maux et des problèmes.

Comme je le disais, la question centrale est celle du temps, qu'on consacre à l'inutile, et à la fois qui nous manque. Le temps qui est mal employé, et le déni du temps infini. Pour résoudre un problème il faut du temps, et ce temps on peut le trouver dans l'espace qui se situe entre deux secondes quand on se concentre puissamment sur un sujet. Ce n'est donc pas le temps qui nous manque, mais la puissance de réflexion.

Le temps est la base de l'économie, qui le considère comme une donnée cadencée par un rythme quantifiable. C'est même la seule chose qui soit réellement quantifiable, dans ce système fondé sur "la valeur". Tout chose, tout bien, a une valeur qui est fonction du temps cumulé qu'il a fallu pour le créer. Cela implique le temps passé à l'éducation, le temps passé à la conception des outils, les évolutions successives de ces outils, et en terme général ce qu'on nomme le génie humain. Depuis une échelle diffuse et globale jusqu'à l'échelle individuelle, de nombreux temps consacrés aux choses produisent le présent. Ce n'est pas un schéma linéaire, fort heureusement.

Il y a le temps, et il y a les règles qui se sont forgées autour du temps. Les règles et les lois que les humains décident de s'imposer à eux-mêmes, n'est qu'une fonction de la perception qu'ils ont d'eux-mêmes et de la réalité. Or pourtant, c'est cela le schéma évolutif, cette perception est modifiée par l'émergence de ces règles et de ces lois, et dès lors les règles elles-mêmes doivent être adaptées, et rendues cohérentes, entre elles, et avec l'univers, c'est à dire les autres lois de la nature, qui elles, sont inflexibles. Et qu'on ne cesse de découvrir.

Les lois humaines sont totalement libres, elles peuvent varier du tout au tout, elles concernent des sociétés composées d'humains qui eux aussi sont libres. Cette liberté est nommé l'indéterminisme, et, bien que cela ne soit pas pratique de l'admettre, cet indéterminisme est un principe fondateur de l'univers, de la réalité elle-même.

La société se sclérose en perpétuant des règles et des lois d'un autre temps, qui condamnent les humains à perdre leur liberté, pourtant irréfragable. Sans cela, ce serait facile de gérer des robots, qui répéteraient toujours les mêmes gestes, forgeant ainsi un univers cristallin, qui n'évolue plus. Cela [qui est le plan de ceux qui veulent le pouvoir et le contrôle du monde] ne signifierait rien d'autre que la fin de l'humanité.

Mains maintenant il faut revenir aux motifs et aux fondements de ces règles et de ces lois qui agissent désormais comme des chaînes plutôt que comme des instruments qui permettent de se faufiler vers l'avenir.

La gestion de l'économie par des robots qui appliquent des règles considérées comme strictes par facilité, condamne l'humanité à sa perte. Le problème est celui de la facilité. Pour un moindre effort consenti en haut de l'échelle, des peuples entiers sont plongés dans la souffrance et la déchéance. Et ces décisions sont prises à la va-vite dans le secret de coins reculés du monde, alors que des milliers de vies pourraient être sauvées par secondes de réflexion supplémentaires.

Pour se sortir de cette ornière évolutive il faut agir sur tous les tableaux simultanément, en sourdine, jusqu'à ce qu'émerge l'évidence. Il faut que la raison et la logique priment sur la persuasion. Il faut que la psychologie se mette à aimer l'incertitude salvatrice. Il faut que la générosité et l'humanité prime sur les règles et les lois. Il faut ce désir de faire que la raison des lois soit connue et débattue. Il faut que l'autorité découle des bienfaits mesurables objectivement. Il faut que la science soit un renfort à la justice, ayant observé qu'il faut la truquer pour qu'elle soutienne les politiques. Il faut que les décisions soient prises en conscience, et que la liberté individuelle soit nourrie d'une véritable culture qui se partage par le débat et la discussion pacifique. Il faut que les individus aient conscience des différences florissantes de niveau évolutif de chacun, de leur déséquilibres, et qu'ils reconnaissent leurs aptitudes et leurs faiblesses plutôt que de les juger globalement et définitivement.

Il faut que le monde change, c'est une nécessité évolutive, ou sinon il périra comme d'autres ont été balayés par le temps. C'est criant !

*

Pour en revenir à la vieille dame, ce qui m'a le plus frappé, est bien sûr l'incapacité à prévoir les cas de figure pourtant faciles à prévoir, mais au-delà de cela, c'est le fait que dans une économie saine, portée par une gestion rationnelle des richesses, le fait que les humains aient des besoins ne doit pas être une surprise inattendue, mais un fondement basique de la structure du système social.

C'est ici que la statistique et l'informatique peuvent devenir des instruments salvateurs - et non pas pour créer des machines qui servent à optimiser les rendements au sein d'un système macrophage et morbide.

Cela ne doit plus être une volonté commerciale que de vouloir vendre tout à tout prix, et à se gargariser des quantités fabriquées et envoyées à la déchèterie (ou à la mer), mais un point de départ de la rationalisation des ressources. Les besoins humains sont prévisibles, et il suffit de les combler pour que le monde soit en paix. Donc allez-y, les jeunes, au boulot ! Trouvez une solution arithmétique et élégante !

 logic.ovh

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