Les violences en Afrique du Sud se sont intensifiées avec un dernier bilan faisant état de 72 morts le 13 juillet au soir, selon les autorités. Les pillages, qui ont lieu depuis six jours, ont commencé de façon sporadique dans la foulée de la condamnation de l'ex-président Jacob Zuma à 15 mois de prison ferme après que ce dernier eut, à plusieurs reprises, refusé de témoigner dans le cadre d'enquêtes sur la corruption d'Etat pendant sa présidence (2009-2018).
En pays zoulou, fief de l'ancien chef d'Etat où il est emprisonné depuis le 7 juillet, de premiers incidents limités avaient éclaté le lendemain avec des routes bloquées et plusieurs camions incendiés. Mais en quelques jours, 27 personnes ont trouvé la mort dans la région, selon la police. A plus de 500 km de là, les violences et les pillages frénétiques se sont répandus dans la plus grande ville du pays, Johannesburg : 45 personnes sont mortes dans la province du Gauteng.
1 234 personnes arrêtées
La plupart des décès sont survenus lors de bousculades pendant des pillages de magasins et de centres commerciaux, a affirmé la police. D'autres sont aussi liés à des explosions de distributeurs automatiques de billets et à des tirs, a-t-elle précisé.
«Je ne me sens pas vraiment concerné par Zuma, c'est un vieil homme corrompu qui mérite d'être en prison. Je prenais des choses dans le magasin pour ma mère», a déclaré à l'AFP Tibello, 30 ans, au chômage, les bras chargés de chips et de bonbons près d'un centre commercial de Soweto, dévasté un peu plus tôt par les pillards.
Durement touchée par une troisième vague de Covid-19, l'Afrique du Sud, qui a atteint un chômage record de 32,6% sur fond de pandémie, a imposé de nouvelles restrictions sanitaires fin juin. Dans ce contexte, des milliers de Sud-Africains ont fait la sourde oreille aux appels au calme des autorités et continué à affluer vers les entrepôts et les magasins, remplissant charriots et coffres de voitures. Les images ont montré des foules compactes se précipitant pour récupérer un téléviseur géant, une table ou encore des conserves.
La police, en sous-nombre, a rapidement été dépassée et l'armée a été déployée, avec 2 500 soldats. Au total, 1 234 personnes ont été arrêtées. Dans la soirée, des messages donnant peu à peu l'étendue des destructions continuaient à affluer. «Cet après-midi, un de nos dépôts a été pillé et brûlé», a posté sur Facebook une des plus grandes brasseries du pays. Des images montrant des dizaines de personnes quittant un entrepôt chargés de sacs de riz de plusieurs kilos circulaient aussi sur les réseaux sociaux.
Dans certains quartiers, les habitants protègent les magasins
La raffinerie South African Petroleum (Sapref) a déclaré fermer temporairement son usine, qui fournit 35% du carburant consommé dans le pays, pour cause de «force majeure». «Des pénuries de carburant dans les prochains jours ou les prochaines semaines sont inévitables», a déclaré à l'AFP le porte-parole de l'association des automobilistes Layton Beard. Selon lui, certaines stations sont déjà à sec et d'autres rationnent à la pompe.
A Durban, ville côtière du Kwazulu-Natal touchée par des pillages de magasins et d'entrepôts, des files de clients venus se ravitailler s'allongeaient déjà le 13 juillet devant les supermarchés, dans la crainte de manquer rapidement de vivres. Une femme prise au piège dans un bâtiment en feu a été vue jetant son bébé par une fenêtre pour le sauver. Un groupe de personnes au pied de l'immeuble avec des commerces au rez-de-chaussée, a réussi à le rattraper, sain et sauf.
Les violences ont commencé sporadiquement à s'étendre à d'autre provinces, dont le Mpumalanga et le Cap-Nord, selon la police. Dans certains quartiers, les habitants se sont organisés pour assurer eux-mêmes la sécurité de leurs magasins.
Avec des pancartes «Ne touchez pas à notre centre commercial», des habitants du township de Tembisa, entre Johannesburg et Pretoria, ont formé une chaîne humaine le 13 juillet en fin de journée devant leur mall.
Si les «frustrations et la colère» ont «des racines politiques», «aucune cause ne peut justifier» ces violences, a fustigé le président Cyril Ramaphosa. Le 12 juillet, après avoir pris la décision de déployer l'armée, il avait déjà mis en garde contre des risques de «pénuries» si la spirale de la violence ne cessait pas. Le ministre de la Police, Bheki Cele, s'est engagé à ce que la situation «ne se détériore pas davantage».
Mais dans la journée, des images ont montré des pillards vider les chambres froides d'une boucherie de Soweto devant un agent de sécurité privé impuissant. La police ne s'est présentée que trois heures après. Le parti d'opposition Democratic Alliance a annoncé une plainte contre plusieurs enfants de Jacob Zuma, qui ont multiplié ces derniers jours les appels à la violence. L'Union africaine a de son côté condamné dans un communiqué «avec la plus grande fermeté la flambée de violence qui a entraîné la mort de civils et des scènes effroyables de pillage», appelant «à un rétablissement urgent de l'ordre».
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