20/07/2021 voltairenet.org  22 min #192461

Des fausses accusations au vrai massacre

La France, contre ses adversaires et ses alliés

par Thierry Meyssan

Nous poursuivons la publication en épisodes du livre de Thierry Meyssan, Sous nos yeux. Poursuivant son rêve néocolonial sans tenir compte des réalités, la France est largement désavouée par le Peuple syrien, puis mise à l'écart par ses alliés US avant d'être victime de son allié turc.

Les services secrets extérieurs français (DGSE) militent pour « la mise au ban diplomatique du régime syrien » et pour « une aide substantielle sur le plan militaire aux brigades de l'Armée libre ». Afin de convaincre l'opinion publique française, ils font monter au créneau Bassma Kodmani, la maîtresse de leur ancien directeur, Jean-Claude Cousseran, devenue porte-parole de l'opposition syrienne en France. Sa sœur, Hala Kodmani diffuse la propagande de la DGSE dans le quotidien de gauche « Libération ».

Le Peuple syrien s'exprime

Alors que Bassma Kodmani, la porte-parole de «  l'opposition syrienne  » - et compagne de l'ancien directeur des services secrets français Jean-Claude Cousseran - avait déclaré que «  le régime est incapable d'organiser une élection présidentielle [et que] c'est bien la preuve que c'est une dictature  », un nouveau Code électoral est adopté - conforme aux normes occidentales - et l'élection est convoquée.

Jusqu'à présent, le Président était désigné par le parti Baas, puis validé par référendum. Pour la première fois, il sera élu au suffrage universel direct. Il est peu probable que la Coalition nationale des forces de l'opposition et de la révolution présente un candidat, non pas à cause de la clause requérant que les candidats aient habité en Syrie au cours des dix dernières années, mais parce que les groupes armés sont violemment opposés à la démocratie. Selon eux, ainsi que l'a formulé la confrérie des Frères musulmans, «  Le Coran est notre constitution  » et tout scrutin est illégitime. Il ne fait donc pas de doute que le candidat du régime sera élu. Cependant son éventuelle légitimité dépendra non pas du pourcentage de suffrages exprimés en sa faveur, mais du nombre de ces suffrages et de leur représentativité par rapport à l'ensemble de la population.

Pour saboter l'élection, tout doit donc être fait pour empêcher d'y participer ceux des Syriens qui le veulent. Sur 22 millions de Syriens, moins de 2 millions vivent dans les «  zones libérées  » et ne participeront donc pas au scrutin. 2 autres millions sont réfugiés en Jordanie, au Liban, en Turquie et en Europe. La France parvient à convaincre ses partenaires européens de la suivre et d'interdire la tenue de bureaux de vote dans les consulats syriens, en violation de la Convention de Vienne du 24 avril 1963. Saisi par des réfugiés de cet abus de pouvoir [1], le Conseil d'État se déclare incompétent. Tandis que les «  Amis de la Syrie  » dénoncent une «  parodie de démocratie  » visant à «  poursuivre la dictature  ».

L'élection oppose trois candidats  : le communiste Maher el-Hajjar, le libéral Hassan Al-Nouri et le baasiste Bachar el-Assad. L'État leur fournit les moyens pour mener leur campagne et garantit leur sécurité. Les médias leur donnent la parole. Dans les faits, si les électeurs suivent avec intérêt les propositions des uns et des autres, el-Assad est dans une situation comparable à celle de de Gaulle en 1945. Le choix, c'est de se placer derrière lui pour la survie de la République arabe syrienne ou de ne pas voter et de se placer du côté des jihadistes.

Selon la sécurité générale libanaise, ils sont plus de 100 000 réfugiés syriens à s'amasser alentour de l'ambassade de Syrie à Beyrouth pour élire leur président de la République, malgré les fatwas de l'opposition et les mises en garde des Occidentaux ;

Avant que le scrutin ne s'ouvre en Syrie, les réfugiés qui le souhaitent sont invités à voter. La propagande occidentale a convaincu les Syriens que les réfugiés sont tous des «  opposants  ». Pourtant, quand on les interroge, la plupart assurent ne pas avoir quitté leur patrie «  à cause de la dictature  », mais à cause des combats. Les 28 et 29 mai 2014, le scrutin au Liban, où il est autorisé à l'ambassade, déplace une foule d'au moins 100 000 personnes selon la Sécurité générale libanaise, qui bloque la totalité de la capitale. L'armée intervient pour disperser l'attroupement, mais il en vient de tout le pays. Débordée, l'ambassade doit allonger les horaires, puis les dates du vote. C'est une belle surprise pour les Syriens de Syrie et un choc pour les chancelleries occidentales [2].

En définitive, malgré les appels au boycott, 73,42 % des Syriens en âge de voter se rendent aux urnes [3]. 360 médias étrangers, présents sur place, et toutes les ambassades ouvertes à Damas attestent de la régularité de l'élection. Bachar el-Assad obtient 10 319 723 voix, soit 88,7 % des suffrages exprimés et 65 % de la population en âge de voter. Le candidat libéral Hassan Al-Nouri obtient 500 279 voix, et le communiste Maher el-Hajjar 372 301 voix.

Durant cette campagne, la France et ses alliés, poussés par Jeffrey Feltman, ont tenté de faire reconnaître par le Conseil de sécurité la compétence de la Cour pénale internationale dans la guerre civile syrienne. Bien sûr le projet de résolution désignait l'ensemble des acteurs syriens, à la fois la République et les jihadistes, mais pouvait anticiper que la procureure Fatou Bensouda agirait comme son prédécesseur Luis Moreno Ocampo l'avait fait en Libye  : aux ordres de l'Otan.

Ce projet de résolution fait suite aux accusations du rapport «  César  » et du cabinet Carter-Ruck, ainsi qu'à celles du quotidien Le Monde selon qui la «  dictature alaouite  » viole systématiquement les femmes sunnites de l'opposition. La journaliste du Monde Annick Cojean publie le témoignage d'une victime qui assure  : «  Nous étions violées tous les jours aux cris de  : "Nous les alaouites allons vous écraser"  ». Cojean, présidente du Prix Albert Londres, a été formée par la Fondation franco-américaine. C'est elle qui publia, un an après la mort du Guide, Les Proies  : dans le harem de Kadhafi [4], un ouvrage fantaisiste qui l'accuse d'avoir violé de nombreux enfants, justifiant ainsi a posteriori et sans le moindre début de preuve la destruction de la Libye.

Mais après l'élection démocratique triomphale de Bachar el-Assad, qui peut encore croire à la cruauté, aux tortures généralisées, et à la «  dictature alaouite  »  ? Le projet français de résolution est rejeté par la Russie et la Chine qui opposent leur quatrième veto.

La France a été tenue à l'écart par les États-Unis de la formation de Daesh. Elle découvre avec surprise que ce nouvel acteur bouleverse ses plans. C'est une immense armée de Terre suréquipée. Ici un camp d'entraînement à la frontière israélienne.

Daech et le Califat

Un conflit surgit au sein d'Al-Qaïda. Les Syriens de l'État islamique en Irak, qui ont formé le Front pour la Victoire (en arabe «  Jabhat Al-Nosra  », dit «  Al-Nosra  »), entrent en rivalité avec leur maison mère lorsque les Irakiens de l'Émirat se déplacent eux aussi en Syrie. Quand le conflit dégénère en bataille rangée, la France et la Turquie soutiennent les Syriens contre les Irakiens. Les deux pays envoient des munitions à Al-Nosra, via la coquille vide qu'est l'armée syrienne libre. Cependant les combats entre les deux organisations ne sont pas généralisés. Ainsi dans le Qalamoun (c'est-à-dire à la frontière libanaise) ce sont toujours les mêmes hommes qui portent à la fois les deux drapeaux.

Lorsqu'en mai 2014, la Turquie annonce à la France qu'elle participe avec l'Arabie saoudite, les États-Unis, Israël, la Jordanie, le Gouvernement régional kurde irakien, des tribus sunnites et l'Ordre des Naqchbandis irakiens, ainsi que la Norvège à la préparation d'une vaste opération avec l'Émirat islamique en Irak, la guerre interne s'interrompt.

Hillary Clinton et Barack Obama (alors candidats à la présidence US) ont présenté l'intérêt stratégique de la Confrérie des Frères musulmans au think-tank de l'Otan, le Groupe de Bilderberg, en 2008, lors d'une réunion à l'hôtel Marriott de Chantilly (USA).

La France met à disposition des Forces spéciales et la multinationale Lafarge. Un bref retour en arrière est ici nécessaire. En juin 2008, l'Otan organisait la réunion annuelle du Groupe de Bilderberg [5] à Chantilly (États-Unis) au cours de laquelle Hillary Clinton et Barack Obama se présentèrent aux participants. Parmi les 120 présents se trouvaient Basma Kodmani (la future porte-parole de la Coalition nationale syrienne) et Volker Perthes (le futur assistant de Feltman à l'ONU pour la Syrie). Lors d'un débat sur la permanence de la politique étrangère états-unienne, ils intervinrent pour présenter l'importance des Frères musulmans et le rôle qu'ils pourraient jouer dans la «  démocratisation  » du monde arabe. Jean-Pierre Jouyet (le futur secrétaire général de l'Élysée), Manuel Valls (le futur Premier ministre) et Bertrand Collomb (le patron de Lafarge) étaient présents aux côtés de Henry R. Kravis (le futur coordinateur financier de Daech et mécène d'Emmanuel Macron).

Revenons à notre histoire. Lafarge est le leader mondial des cimentiers. L'OTAN, - pour qui il a déjà secrètement travaillé en 1991 - lui confie la construction des bunkers des jihadistes en Syrie et la reconstruction de la partie sunnite de l'Irak. En échange, Lafarge laisse l'Alliance gérer ses installations dans ces deux pays, notamment l'usine de Jalabiyeh (à la frontière turque, au nord d'Alep). Durant deux ans, la multinationale fournit les matériaux de construction de gigantesques fortifications souterraines qui permettent aux jihadistes de défier l'armée arabe syrienne. Lafarge est désormais dirigé par l'États-unien Eric Olsen qui a intégré dans la compagnie les usines des Frères Sawiris et de Firas Tlass (le frère du général Manas Tlass dont la France avait songé faire le prochain Président syrien). Les liens entre Lafarge et les Forces spéciales françaises sont facilités par l'amitié qui lie Bertrand Collomb (devenu président d'honneur de la multinationale) et le général Benoît Puga (qui est toujours chef d'état-major du Président Hollande).

L'usine Lafarge de Jalabiyeh produit 6 millions de tonnes de ciment pour construire les très nombreuses fortifications souterraines de Daesh. Simultanément elle héberge des forces spéciales de l'Otan (France, Norvège, Royaume-Uni et USA). Ici, des soldats de Daesh dans l'usine.

Lorsque le journal en ligne Zaman Al-Wasl [6] publiera des éléments montrant que Lafarge verse de l'argent à Daech, le quotidien Le Monde viendra en renfort. Il publiera sa version des événements, assurant que la multinationale payait du pétrole pour faire tourner son usine. Ce qui est faux car cette installation fonctionne principalement au coke, qui continuait à être livré depuis la Turquie. Le Monde reconnaît cependant, probablement sans s'en rendre compte, que Lafarge construisait les fortifications de Daech dans la mesure où il admet que les 2,6 millions de tonnes de ciment produites annuellement étaient destinées aux «  zones rebelles  ».

La quantité de ciment produit par Lafarge pour Daech - au moins 6 millions de tonnes - est comparable à celle utilisée par le Reich allemand, en 1916-17, pour construire la Ligne Siegfried. Depuis juillet 2012, il s'agissait donc non plus d'une guerre de quatrième génération masquée en révolution, mais d'une classique guerre de position. Cette production cessera avec l'intervention de l'aviation russe, seule capable de détruire ces bunkers. À ce moment-là, l'usine de Jalabiyeh sera transformée en quartier général des Forces spéciales de l'Otan (États-Unis, France, Norvège, Royaume-Uni).

En marge de la manifestation « Je suis Charlie » du 11 janvier 2015, 56 chefs d'État et de gouvernement se sont rassemblés dans une rue adjacente du cortège et ont posé quelques minutes devant les caméras avant de revenir chez eux. Sur la base de ces images, ils ont été présentés comme leaders d'une manifestation à laquelle ils ne se sont jamais joints.

Le 7 janvier 2015, deux individus habillés comme des commandos militaires et se réclamant d'Al-Qaïda assassinent à Paris des membres de la rédaction de l'hebdomadaire satirique Charlie-Hebdo, tandis qu'un troisième se réclamant de Daech tue une policière et prend en otage les clients d'une supérette casher. Comme à l'habitude depuis le 11-Septembre, les terroristes sèment derrière eux des indices permettant leur identification, en l'occurrence des papiers d'identité. Le gouvernement surjoue sa réaction et le pays entier cède à la stupeur, puis à la frayeur. Le Président Hollande et des chefs d'État manifestent avec plus d'un million et demi de Français au cri de «  Nous sommes tous Charlie  !  » Parmi eux, les principaux alliés de la France contre la Syrie  : Benyamin Nétanyahou (Israël) et Ahmet Davutoglu (Turquie), qui soutiennent publiquement les jihadistes. Comme je conteste cette mise en scène et que de nombreuses personnes refusent d'«  être Charlie  », la directrice de l'Information de France2 Nathalie Saint-Criq intervient au journal télévisé pour fustiger les complotistes qu'il faut «  repérer, traiter, intégrer ou réintégrer dans la communauté nationale  ». Par la suite, on apprendra que les terroristes ont acheté leurs armes à un ex-mercenaire travaillant pour la police [7] et l'enquête sera interrompue par le «  secret Défense  » [8], que deux d'entre eux ont été formés par un agent de la DGSE [9], et que les chefs d'État ont posé à part pour les photographes, mais n'ont jamais défilé dans Paris. Peu importe, le gouvernement décrète l'état d'urgence qui est approuvé par le Parlement. Il est étendu non seulement à la France métropolitaine, mais aussi aux départements et territoires d'outre-mer. Il est reconduit quatre fois et se prolonge toujours sur le modèle de l'USA Patriot Act.

Reniant les engagements d'Alain Juppé pour la création d'un Kurdistan en Syrie, le président François Hollande reçoit à l'Élysée une délégation des combattants anti-Turcs du PKK.

En application du Traité secret Juppé / Davutoglu, François Hollande envisage la création d'un «  Kurdistan  » en dehors des territoires kurdes historiques, il organise une entrevue secrète à l'Élysée, le 31 octobre 2014, entre son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan et le coprésident des Kurdes de Syrie, Salih Muslim, auquel il promet la présidence du futur État. Cependant, lorsque début 2015, l'autre coprésidente des Kurdes de Syrie, Asya Abdullah, remporte la victoire de Kobané et est encensée par les États-uniens, Hollande la reçoit publiquement, le 8 février 2015, accompagnée d'une autre femme officier en uniforme.

Le commissaire Patrick Calvar, directeur central du Renseignement intérieur, confirme devant des députés avoir identifié l'État donneur d'ordre des attentats du 13 novembre 2015 (le Bataclan). Il se gardera bien de le nommer. Cette révélation sera supprimée du compte-rendu officiel de son audition.

Ce retournement de circonstance provoque la fureur d'Erdogan qui commandite les attentats du 13 novembre à Paris. Au second étage du Bataclan, des otages sont torturés et mutilés, d'autres décapités. Penaud, François Hollande interdit la publication de cette information pourtant attestée par des policiers devant une commission parlementaire [10]. Patrick Calvar, le directeur central du contre-espionnage, témoignera devant une commission parlementaire que ses services ont identifié l'État donneur d'ordre. Fuyant ses responsabilités, le Président organisera de larmoyantes cérémonies de commémoration et persuadera ses concitoyens que le terrorisme est un inévitable fléau. Il instituera une médaille de «  reconnaissance aux victimes du terrorisme  », et indemnisera le «  préjudice d'angoisse de mort imminente  » et même le «  préjudice d'attente  ». Mais il n'entreprendra aucune action contre la Turquie. Celle-ci commanditera un autre crime, cinq mois plus tard, contre la Belgique à l'aéroport de Bruxelles-Zaventem et devant le siège de la Commission européenne, à l'endroit exact où le PKK venait de manifester.

La presse britannique révèle que Mohammed Abrini, le seul soldat de Daesh ayant participé à la fois aux attentats de Paris et de Bruxelles, est un informateur des services secrets de Sa Majesté (MI6).
Edition spéciale de Star (proche de l'AKP) du 23 mars 2016 intitulée : « Le serpent que nourrissait la Belgique en son sein l'a mordue », faisant référence au discours prononcé par le président Erdogan, le 18 mars 

Loin de masquer sa responsabilité, Recep Tayyip Erdogan prononce un discours retentissant lors des cérémonies du 101e anniversaire de la bataille de Çanakkale («  la bataille des Dardanelles  »), soit quatre jours avant les attentats contre la Belgique [11]. Il y accuse les Européens de soutenir le PKK et annonce ce qui va se passer à Bruxelles. Le lendemain de l'attentat, la presse de l'AKP (Star, Akit, Internethaber) clame que les Européens n'ont que ce qu'ils méritent [12].

Pour donner l'impression qu'elle est à l'initiative contre Daech, la France déploie le porte-avions Charles-de-Gaulle, successivement en février / mars et en novembre / décembre 2015. Il est escorté d'une impressionnante armada et pourvu de 32 appareils (drones, hélicoptères et avions). Lors de sa seconde mission, le Président Hollande se rend à bord et souligne que le bâtiment commandera un dispositif international d'envergure. En réalité, les Français ont été intégrés à la Task Force 50 de l'US NavCent, c'est-à-dire à la flotte de l'US Central Command. Certes, la soixantaine de bâtiments est commandée par le contre-amiral René-Jean Crignola, mais celui-ci est placé sous l'autorité du commandant de la Ve Flotte, le vice-amiral Kevin Donegan, lui-même placé sous les ordres du général Lloyd J. Austin III, commandant du CentCom. C'est en effet une règle absolue de l'Empire, le commandement des opérations alliées échoit toujours à des officiers états-uniens, les Européens n'étant que des supplétifs.

Fin 2015, la France envoie son Premier ministre, Manuel Valls, récolter de l'argent facile en Arabie saoudite. On reparle des 3 milliards de commandes pour l'armée libanaise et de 10 milliards d'autres contrats. Mais les Saoudiens sont furieux de l'accord sur le nucléaire iranien - que les Français s'étaient engagés à saboter - et n'apprécient guère les hésitations de Paris en Syrie. Les Français s'avèrent n'être que des vassaux coûteux et inefficaces. La moisson sera donc bien moindre que prévue et les «  cadeaux  » également.

Début 2016, les Français ne bronchent pas lorsque François Hollande nomme Laurent Fabius président du Conseil constitutionnel. Ils tranchent en cela avec les Iraniens. Ceux-ci l'ont reçu après la signature de l'accord nucléaire avec les 5+1. Il espérait nouer des relations d'affaires bien qu'il ait tenté de saboter l'accord durant des années et avoué, lors d'un dîner, avoir espionné au profit d'Israël auquel il transmettait au fur et à mesure un compte-rendu des négociations. Il fut donc accueilli avec les honneurs protocolaires dus à son rang par les autorités tandis que les associations révolutionnaires manifestaient sur son passage, de son arrivée à l'aéroport à son départ. Elles brandissaient des pancartes rappelant aussi bien sa responsabilité dans la mort de plus de 2 000 hémophiles, en 1985-86, que son soutien à Al-Qaïda qui «  fait du bon boulot  » tuant plusieurs dizaines de milliers de Syriens.

Jean-Marc Ayrault le remplace comme ministre des Affaires étrangères. Très préoccupé par le fossé qui se creuse entre la France et l'Allemagne, il consacre son énergie à éviter leur séparation. Ce faisant, il sacrifie le dossier syrien et, après quelques semaines d'hésitation, décide de tenir les positions de ses prédécesseurs, Juppé et Fabius.

Ayrault n'entretient aucune relation avec le nouveau Premier ministre, Manuel Valls, et traite directement avec François Hollande qui prend lui-même en charge la question syrienne.

Si Ayrault est un soutien modéré d'Israël, Valls est beaucoup plus dur sur la question. Il entre ainsi en conflit avec le Président Hollande à propos des travaux archéologiques entrepris par Tel-Aviv à Jérusalem au détriment des monuments musulmans. Autrefois engagé pour la cause palestinienne, il attribue son retournement à son mariage à la violoniste juive Anne Gravoin.

À Nice, un nouvel attentat fait 86 morts et 484 blessés. Le président Hollande continue à mentir à ses concitoyens pour masquer sa responsabilité. Les Français ne comprennent toujours pas les conséquences de ce que l'on fait en leur nom en Syrie. 

Lors de la fête nationale, le soir du 14 juillet 2016, un individu se réclamant de Daech, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, écrase avec un camion les passants au hasard sur la promenade des Anglais, faisant 86 morts et 484 blessés. Bien que jamais, nulle part, personne n'ait réussi à tuer et blesser tant de gens avec un véhicule, les enquêteurs assurent que l'homme n'a reçu aucune formation particulière et agissait seul. Pourtant sa famille en Tunisie venait de recevoir 100 000 euros, sans que l'on cherche à savoir qui a payé ce crime. Alors que l'on est en état d'urgence, il s'avère que le terroriste a pu agir d'autant plus facilement que 60 gendarmes avaient été déplacés de Nice à Avignon pour assurer la sécurité du Président Hollande qui dînait avec sa maîtresse et des comédiens.

À Paris, on commente la percée des jihadistes en Syrie en soulignant que le régime ne contrôle désormais plus que 20 % du territoire et va bientôt tomber. En réalité, les deux tiers de la Syrie sont un désert que personne ne contrôle, ni la République, ni les jihadistes. Le Président el-Assad a fait le choix de défendre sa population plutôt que son territoire. Au moins 8 millions de Syriens ont choisi de fuir les jihadistes et de se réfugier dans les villes de la République. Aucun n'est connu pour avoir fait le chemin inverse  : des zones gouvernementales vers celles des jihadistes.

Aussi François Hollande est-il pris de fureur lorsque, en février 2015, il apprend le voyage à Damas de deux sénateurs, Jean-Pierre Vial (Les Républicains) et François Zocchetto (centriste), et de deux députés, Jacques Myard (Les Républicains) et Gérard Bapt (PS). Un deuxième voyage, en septembre 2015, amène à nouveau Gérard Bapt, accompagné cette fois des députés Jérôme Lambert (PS) et Christian Hutin (Chevènementiste). Puis un troisième, en mars 2016, rassemble des députés (Les Républicains) autour de Thierry Mariani, avec Valérie Boyer, Nicolas Dhuicq, Denis Jacquat et Michel Voisin. Et enfin un quatrième, en janvier 2017, avec les mêmes et Jean Lassalle (centriste). Tous, sauf Gérard Bapt, sont reçus par le Président el-Assad.

C'est que le socialiste Bapt, lui aussi, est venu faire des affaires. Il représente la Grande Loge de l'Alliance maçonnique française (GLAMF) - dépendant directement du prince Edward, duc de Kent -, une scission de la Grande Loge nationale française (GLNF), créée par Alain Juillet (ancien responsable de l'Intelligence économique au Secrétariat général de la Défense nationale) pour le compte des Britanniques. Il rencontre des hommes d'affaires et leur promet de faire supprimer leur nom de la liste des sanctions européennes, contre des dessous-de-table sonnants et trébuchants. Bien sûr il n'a aucun pouvoir en la matière. Il est accompagné d'un autre escroc, Jérôme Toussaint, aujourd'hui emprisonné en France.

Le troisième voyage met en lumière la présence en Syrie de l'association SOS Chrétiens d'Orient qui recrute principalement au Front national. Si ses bénévoles se dévouent sans compter - à leurs propres frais -, leur activité en faveur des seuls chrétiens liés à Rome établit une discrimination envers les orthodoxes. Les millions d'euros qu'ils disent récolter en France ne parviennent pas en Syrie. Les autorités religieuses locales commencent à s'énerver lorsque ces chrétiens d'Occident, renouant avec l'esprit des croisades, célèbrent une messe dans les ruines du Krak des Chevaliers, l'imposante forteresse croisée du XIIe siècle. Les jeunes gens ignoraient qu'à l'époque, les chrétiens du Levant avaient défendu leur pays contre les envahisseurs croisés qu'ils assimilaient à des conquérants impérialistes.

En définitive, alors que la France s'enfonce dans le déclin, ses leaders ne parviennent pas à former un front anti-impérialiste, pourtant préalable indispensable à un relèvement économique. Seules quelques formations prennent position contre cette guerre coloniale  : le Front national de Marine Le Pen, le Parti chrétien-démocrate de Jean-Frédéric Poisson, Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan, l'Union populaire républicaine de François Asselineau, le groupe des Républicains proches de François Fillon et la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon.

Privée d'informations de terrain depuis la fermeture de son ambassade, incapable d'analyser l'origine des événements, mais cherchant toujours à faire accroire qu'elle les initie, la France n'a évidemment pas prévu ce qui va suivre.

(À suivre...)

 Thierry Meyssan

Ce livre est  disponible en français en version papier.

[1] «   La France coupable d'interdire l'élection présidentielle syrienne », par Me Damien Viguier, Réseau Voltaire, 18 mai 2014.

[2] «   Émeutes électorales à Beyrouth », Réseau Voltaire, 29 mai 2014.

[3] «   73,42 % des Syriens ont participé à l'élection présidentielle », Réseau Voltaire, 4 juin 2014.

[4] Les Proies  : dans le harem de Kadhafi, Annick Cojean, Grasset (2012).

[5] «   Ce que vous ignorez sur le Groupe de Bilderberg », par Thierry Meyssan, Komsomolskaïa Pravda (Russie), Réseau Voltaire, 9 avril 2011.

[6] " Lafarge-Holcim e-mails", Voltaire Network, March 24, 2017.

[7] «   Les armes pour Charlie-Hebdo ont été vendues par un ex-combattant volontaire croate », par Marijo Kavain, Traduction Svetlana Maksovic, Slobodna Dalmacija (Croatie), Réseau Voltaire, 14 janvier 2016.

[8] «   Attentats contre Charlie Hebdo : la connexion Claude Hermant - Amedy Coulibaly couverte par le secret de la Défense nationale », Alexis Kropotkine, Greffier noir, 17 septembre 2015. «   Les armes de Charlie-Hebdo couvertes par le Secret-Défense », Réseau Voltaire, 17 septembre 2015.

[9] «   Des éléments de l'affaire Coulibaly rappellent le rôle de services français en 1999 », par Thierry Meyssan, Alexis Kropotkine, Réseau Voltaire, 27 mai 2015. «   À propos de mon entretien sur l'affaire Hermant-Coulibaly », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 1er juin 2015.

[10] Rapport fait au nom de la Commission d'enquête parlementaire relative aux moyens mis en œuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015 (2 Vol.), sous la présidence de George Fenech, Assemblée nationale, 5 juillet 2016.

[11] «   Erdogan menace l'Union européenne », par Recep Tayyip Erdogan, Réseau Voltaire, 18 mars 2016.

[12] «   La Turquie revendique le bain de sang de Bruxelles », par Savvas Kalèndéridès, Traduction Christian Haccuria, Réseau Voltaire, 24 mars 2016.

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