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Une enquête publiée dimanche révèle qu'une dizaine d'États a mis sous surveillance les communications des politiques, journalistes, avocats et militants grâce au logiciel israélien Pegasus.
50 000 numéros espionnés dans 20 pays
C'est une affaire d'espionnage titanesque, impliquant une dizaine de pays et des milliers de victimes. Dimanche 18 juillet, l'organisation Forbidden Stories, en partenariat avec Amnesty International et des médias du monde entier a révélé que plus de 50 000 numéros de téléphones appartenant notamment à des politiques, des avocats, des militants et des journalistes issus de vingt pays étaient espionnés grâce à un programme informatique israélien appelé Pegasus.
D'après les informations mises à jour par le consortium, l'Arabie saoudite, les Émirats unis, l'Inde ou encore la Hongrie seraient impliqués dans ce vaste scandale en ayant fait appel à la société israélienne NSO, qui a développé Pegasus, pour espionner journalistes et dissidents. Le Maroc est l'un des les pays les plus zélés dans l'utilisation de Pegasus. D'après les données obtenues par Forbidden Stories, près de 10 000 cibles sur les 50 000 ont été ajoutées par le Maroc. Parmi ces dernières figuraient des Français, notamment Edwy Plenel, le fondateur de Mediapart et l'ancienne journaliste du Canard Enchaîné Dominique Simonnot. Des journalistes appartenant au Monde, au Figaro ou à l'Agence France-Presse et à France Télévisions ont aussi été espionnés. Au Mexique, un journaliste indépendant enquêtant sur les liens entre des politiciens locaux, un cartel et la police de l'État du Guerrero, a été assassiné quelques semaines après que son téléphone ait été piraté, à la demande du ministre mexicain de la Défense.
Comment fonctionne Pegasus ?
Fondé en 2010 par deux anciens chefs militaires israéliens, NSO propose depuis au moins 2016 ce logiciel d'espionnage aux gouvernements, officiellement pour « les aider légalement à faire face aux problèmes les plus dangereux », comme les crimes ou le terrorisme, se défend NSO sur son site Internet.
Dans les faits, pourtant, certains pays utilisent surtout ce logiciel pour espionner leurs opposants. Et prendre possession de leur téléphone est un jeu d'enfant pour NSO : l'envoi d'un simple message infecté contamine l'appareil, sans que son propriétaire ne s'en rende compte. Pegasus, qui fonctionne sur Android et sur iPhone, peut alors accéder à toutes les données de l'appareil : les photos, le calendrier, les contacts, les SMS, les coordonnées GPS, la caméra, les micros et même les échanges sur messagerie cryptée comme WhatsApp ou Telegram. « NSO Group n'a pas pris de mesures adéquates pour empêcher et freiner l'utilisation abusive de ses technologies », estime ainsi Amnesty International.
Lundi 20 juillet, Mediapart a annoncé déposer une plainte au sujet de l'espionnage des téléphones de deux de ses journalistes, Edwy Plenel et Lénaïg Bredoux. Une enquête a été ouverte ce matin par le parquet de Paris.