21/07/2021 francesoir.fr  6 min #192526

Macron referme le piège

La Défenseure des droits relève dix points d'alerte quant à l'extension du passe sanitaire

JOEL SAGET / AFP

Avant que les textes ne soient remis entre les mains de l'Assemblée et du Sénat, la Défenseure des droits Claire Hédon fait entendre sa voix et s'interroge "tant sur la méthode que sur la proportionnalité de la plupart des dispositions et restrictions" présentées.

Alors que le  Conseil d'État s'est couché hier en donnant son feu vert pour le passe sanitaire, et que Jean Castex a annoncé prendre les devants en saississant le Conseil Constitutionnel, brouillant ainsi les pistes qui mènent aux garde-fous des libertés, Claire Hédon sort de l'ombre - en dernier rempart ? Aussi,  son rapport est soutenu par de nombreuses personnalités politiques :

La Défenseure des droits contre-attaque ! Elle pointe du doigt l'ampleur des atteintes à notre liberté d'aller et venir, et s'interroge sur le pouvoir de police accordé aux entreprises qui devraient désormais contrôler nos passe sanitaire !
Bref, du bon sens ! Ne cédons rien !

Voici les dix points qu'elle souligne :

1. La nécessité d'un débat démocratique

La Défenseur des droits appelle à un "débat démocratique public de fond. Elle ne peut aujourd'hui que renouveler cette demande et regretter vivement le choix d'une procédure accélérée compte-tenu de l'ampleur des atteintes aux droits et libertés fondamentales prévues par ce projet de loi ainsi que du caractère inédit de certaines dispositions qu'il comporte." Rappelons à ce sujet qu'en mai dernier, le précédent projet de loi instituant le passe sanitaire avait d'abord été rejeté par l'Assemblée, pour ensuite être voté une seconde fois, cette fois-ci en faveur de la majorité.

Voir aussi :  le Parlement se réveille et dit non au passe sanitaire

2. Sur l'intelligibilité du texte : de nombreuses zones d'ombre

Comme bien souvent lorsque les choses sont précipitées, "le texte contient des zones d'ombre sur plusieurs dispositions qui pourraient donner lieu à de nombreuses interprétations de nature à restreindre les droits et libertés au-delà de ce que prévoit le projet de loi."

3. Sur les restrictions d'accès aux transports publics et aux biens et services

Ici, la Défenseure des droits fait mention de ce qui avait été mis sous les décisions successives du gouvernement : la liberté d'aller et venir. Il s'agit ni plus ni moins que de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ici mis à mal par une discrimination dans les transports en commun. Claire Hédon, déplorant de ne pouvoir s'appuyer que sur peu d'informations, conclut que les restrictions "n'apparaissent pas proportionnées à l'objectif de sauvegarde de la santé publique qu'elles poursuivent."

4. Mise en œuvre des restrictions d'accès : le contrôle d'une partie de la population par une autre

Ici, la Défenseure des droits s'interroge sur le fait de s'appuyer sur les commerçants ou restaurateurs pour procéder aux contrôles. C'est très clair, "ce contrôle devrait relever des autorités publiques, compte-tenu des risques inhérents à l'exercice d'un tel pouvoir." Nul doute en effet que de telles relations pourraient vite dégénérer et finir en "bagarre de saloon", pour reprendre  les termes de Philippe Etchebest.

5. Les risques de discriminations dans l'emploi

"La Défenseure des droits rappelle qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié, ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi du 27 mai 2008."

6. Des risques considérables d'atteinte aux droits de l'enfant

Le projet de loi prévoit d'être appliqué à tous, à partir de 12 ans. Une fois n'est pas coutume, la Défenseure des droits s'accorde avec beaucoup d'autres pour relèver "que la situation spécifique des mineurs n'est pas prise en compte". Elle souligne par ailleurs le fait que le droit au loisir et à la culture n'est pas "accessoire" mais "fondamental pour le bon développement de l'enfant". En plus des mesures coercitives déjà appliquées depuis plus d'un an, les enfants ne pourraient tout simplement pas vivre normalement, encore et toujours au nom de la santé de tous. Ici, Claire Hédon rappelle justement que "l'évaluation des risques et bénéfices individuels de la vaccination pour un jeune de 12 à 18 ans, en plein développement physique, n'est en effet pas identique à celle d'une personne adulte."

7. Les personnes en situation de pauvreté pourraient être doublement victimes

"La carte des plus faibles vaccinations recoupe celle de la pauvreté, de la fracture numérique, de l'accès aux services publics. Les nouvelles mesures comportent ainsi le risque d'être à la fois plus dures pour les publics précaires et d'engendrer ou accroître de nouvelles inégalités."

8. Des mesures d'isolement étendues

Ici, le projet de loi prévoit non seulement de renforcer les contrôles aux frontières mais aussi et surtout d'étendre les procédures d'isolement à l'intérieur du territoire français, aux citoyens, qui devraient s'enfermer pendant dix jours s'ils s'avéraient être testés positifs. La Défenseur des droits souligne "que ces dispositions combinées à la possibilité de rendre payant les tests, aient pour effet de désinciter à se faire tester et ne freine la politique de dépistage massif, favorisant ainsi la circulation du virus", mettant le doigt sur un énième paradoxe du gouvernement en termes de gestion sanitaire.

9. Les risques liés au traitement des données

Déjà mentionnée à de nombreuses reprises au cours de cette crise, notamment au sujet de l'application TousAntiCovid, Claire Hédon soulève une fois de plus le risque de "glissement vers des pratiques de surveillance sociale générale, auquel pourrait contribuer ce projet de loi."

Voir aussi :  Claire Hédon alerte sur la surveillance biométrique

10. La vaccination obligatoire pour certaines professions

Ce point fait écho à la discrimination dans l'emploi, et voudrait donc s'assurer que les mesures soient proportionnées.

Pour clôre son rapport, la Défenseure des droits insiste sur le fait que les dispositions prises en "urgence" ne doivent pas être rendues pérennes. C'est un risque bien connu. La précipitation et la difficile lisibilité des mesures entravent "l'exercice de droits et libertés de manière non proportionnée à l'objectif poursuivi." Alors, Claire Hédon, qui a étudié la justice et exercé en journalisme, qui préside aujourd'hui l'association  ATD Quart Monde, et qui a "la question de l'accès aux droits chevillée au corps", sera-t-elle le dernier rempart de nos libertés ?

Le communiqué complet :  EXTENSION DU PASSE SANITAIRE : LES 10 POINTS D'ALERTE DE LA DÉFENSEURE DES DROITS

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