« Le logiciel espion Pegasus de NSO, une cyber-arme permettant le terrorisme parrainé par l'État contre la société civile, scandalise le monde, mais en Israël, il y a la complicité - ou l'indifférence totale », s'indigne l'avocat israélien Eitay Mack* dans le quotidien Haaretz.
« Alors que dans le reste du monde, les gros titres des journaux ont rendu public la complicité de la société de surveillance israélienne NSO dans la persécution politique de journalistes, d'avocats, de politiciens et de militants des droits de l'homme, c'est la » violation du droit des colons israéliens à la crème glacée » par Ben & Jerry's qui obsède la plupart des médias israéliens, le gouvernement et le public israélien », commente-t-il.
Il faut dire que le nouveau président israélien Isaac Herzog a carrément déclaré : « le boycott de Ben & Jerry's est une nouvelle forme de terrorisme » (NDLR)
« Depuis 2017, lorsque l'implication de NSO dans la persécution politique au Mexique a été révélée, il y a eu un flux constant d'enquêtes dans le monde entier sur ses autres violations des droits humains, et tous les quelques mois, de nouvelles conclusions ont été publiées. Mais même maintenant, alors que le filet d'informations sur NSO est devenu un tsunami, en particulier son logiciel espion Pegasus (qui aurait été acquis par de nombreux gouvernements autoritaires comme une arme de logiciel espion pour cibler les opposants politiques, les journalistes et les militants des droits humains), silence radio en Israël. »
Peut-être n'y a-t-il jamais eu aucune raison d'attendre le contraire d'un État qui se définit comme démocratique mais qui, depuis 54 ans, tient des millions de Palestiniens en otage de ses caprices.
Après 12 ans de mandat de Benjamin Netanyahu en tant que Premier ministre, au cours desquels des militants des droits de l'homme et des membres de la Knesset ont été traités de partisans du terrorisme, les journalistes critiques qualifiés d'ennemis du peuple et les électeurs de gauche comme des traîtres, pourquoi le public israélien, qui a été habitué à considérer les voix dissidentes comme des ennemis, se soucierait-il de ce qui arrive aux journalistes en Azerbaïdjan, en Inde ou en Hongrie ?
Si Israël détient en permanence des centaines de Palestiniens en détention administrative, sans inculpation ni procès, pourquoi y aurait-il un tollé si de nouveaux amis, l'Arabie saoudite et le Rwanda, utilisent un système de NSO, né et élevé en Israël, pour incriminer les militants de l'opposition afin qu'ils pourrissent ensuite en prison ?
Le Premier ministre israélien Naftali Bennett, son ministre des Affaires étrangères et d'autres ministres ont décidé qu'il était urgent et essentiel de condamner dans une vague démagogique unifiée la décision de la marque de crème glacée et ont même affirmé, implicitement ou explicitement, qu'elle alimentait l'antisémitisme et le terrorisme. Mais ils conservent tous le droit de garder le silence sur l'octroi de licences par le ministère de la Défense à NSO, qui servent en pratique de licences pour le terrorisme parrainé par l'État contre la société civile dans le monde.
Même le Meretz, parti qui a traditionnellement défendu les droits de l'homme, a perdu sa voix. Désormais bien installé au gouvernement après 20 ans dans l'opposition, avec deux portefeuilles gouvernementaux de haut rang et une représentation au sein du cabinet des affaires étrangères et de la sécurité nationale, ce parti préfère garder le silence plutôt que de s'inquiéter d'une question aussi « mineure » que les droits de l'homme.
Deux requêtes ont été déposées devant les tribunaux concernant les licences d'exportation de NSO. Une ordonnance d'interdiction de publier quoi que ce soit a été rendue dans la décision du tribunal du 20 mars 2018 sur l'exportation du système de l'entreprise vers le Mexique.
La juge Rachel Barkai, qui a reçu une autre plainte, suite à la révélation par Amnesty International d'une tentative d'attaque d'un membre de son personnel avec le logiciel espion Pegasus, ne s'est pas contentée de la rejeter mais a choisi, dans sa décision du 12 juillet 2020, de rendre un hommage au ministère de la Défense pour son « adhésion aux normes des droits de l'homme en délivrant des licences pour les exportations de défense ».
Il y a deux semaines, les juges de la Haute Cour Alex Stein, David Mintz et Anat Baron, ont rejeté une demande de révocation d'une licence d'exportation vers la Russie accordée par le ministère israélien de la Défense au système Cellebrite, utilisé pour pirater les téléphones portables d'activistes liés à Alexei Navalny, anti-Poutine, anti-corruption.
La pression internationale pourra-t-elle réussir à changer la politique d'Israël concernant les armes de logiciels espions ? On peut en douter à en juger par la faiblesse de la pression internationale pour mettre fin à l'occupation.
Eitay Mack est un avocat et militant des droits humains basé à Jérusalem, spécialisé dans la question du commerce des armes par Israël. Il a déposé les requêtes pour révoquer les licences d'exportation de défense NSO et Cellbrite et a participé à la rédaction du projet de loi interdisant l'exportation de biens ou de services liés à la défense qui pourraient être utilisés pour violer les droits de l'homme mentionnés dans l'article ci-dessus.
Source : haaretz.com
CAPJPO-EuroPalestine