Par Zena Tahhan
Les quatre prisonniers palestiniens repris, qui s'étaient évadés d'une prison israélienne de très haute sécurité la semaine dernière, risquent d'être condamnés à des peines de prison supplémentaires et à des mesures punitives d'une dureté extrême.
Les quatre prisonniers ont comparu séparément samedi devant le tribunal de première instance israélien de Nazareth, qui a décidé de prolonger leur détention jusqu'au 19 septembre pour "terminer l'enquête", selon un communiqué de la Commission des affaires des détenus de l'Autorité palestinienne (AP).
Les autorités israéliennes d'occupation ont annoncé la nouvelle arrestation de Mahmoud Abdullah al-Ardah, 46 ans, et de Yaqoub Mahmoud Qadri, 49 ans, dans la banlieue sud de Nazareth, vendredi en fin de journée. Zakaria Zubeidi, 46 ans, et Mohammad al-Ardah, 39 ans, ont été arrêtés à proximité, tôt samedi, dans le village palestinien de Shibli-Umm al-Ghanam.
Ils faisaient partie du groupe de six hommes - avec Ayham Nayef Kamanji, 35 ans, et Munadel Infaat, 26 ans, dont on ignore où ils se trouvent - qui se sont évadés de la prison israélienne de Gilboa à l'aube du 6 septembre.
Les prisonniers avaient découvert un endroit précis dans les toilettes de leur cellule qui menait à une cavité souterraine où ils ont creusé un tunnel qui débouchait à quelques mètres au-delà du mur de la prison.
Les forces israéliennes d'occupation ont lancé une énorme chasse à l'homme pour capturer les six hommes, et ont retrouvé les deux premiers cinq jours plus tard.
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Lors de l'audience de samedi, selon la Commission de l'AP, plusieurs charges initiales ont été présentées contre les quatre détenus : "Évasion, complicité d'évasion, complot en vue de commettre un attentat, et appartenance à une organisation hostile et fourniture de services à celle-ci."
Khaled Mahajneh, l'avocat de plusieurs des prisonniers au nom de la Commission, a déclaré que les autorités ont refusé de fournir des informations sur l'allégation de "conspiration en vue de commettre une attaque".
"J'ai demandé à l'officier chargé de l'interrogatoire au tribunal sur quoi ils se basaient pour affirmer cela, mais nous n'avons obtenu aucune réponse. Ils ont dit que c'était un dossier secret. Nous n'avons aucune idée de l'origine de cette accusation, ni de son rapport avec l'évasion", a-t-il déclaré à Al Jazeera.
Le procès pourrait durer au moins un an, a déclaré Mahajneh. Bien que l'acte d'accusation officiel n'ait pas encore été présenté, il a aussi expliqué que son équipe s'attend à ce que les prisonniers soient condamnés à quatre ou cinq ans de prison supplémentaires sur la base des accusations initiales.
Avant de s'évader de la prison, quatre des six prisonniers purgeaient des peines de prison à vie, tandis que deux étaient maintenus en détention dans l'attente d'un procès militaire. Les condamnés ont été arrêtés entre 1996 et 2006 et ont été déclarés coupables d'avoir mené des attaques contre des cibles militaires et civiles israéliennes [donc pour actes de résistance - NdT].
Cinq d'entre eux sont affiliés au groupe palestinien du Jihad islamique, tandis qu'un autre, Zakaria Zubeidi, avait été un membre haut placé de la branche armée du Fatah, un groupe palestinien qui domine l'AP.
Selon le droit international, un prisonnier de guerre qui s'évade de prison "n'est passible que d'une peine disciplinaire", ce qui signifie qu'aucune année supplémentaire ne doit être ajoutée à sa peine initiale, même s'il s'agit d'une tentative répétée.
Lors de précédents incidents au cours desquels des prisonniers palestiniens se sont évadés de prisons israéliennes et ont été arrêtés de nouveau, plusieurs d'entre eux ont fait l'objet de mesures punitives telles que de longues périodes d'isolement, mais n'ont pas été condamnés à des peines plus longues, selon des avocats.
Samedi, un porte-parole du Hamas, le groupe palestinien qui administre la bande de Gaza assiégée, a fait savoir dans une déclaration télévisée qu'il placerait les six prisonniers en tête de tout accord futur d'échange de prisonniers avec Israël.
Interrogatoires et torture
Les quatre prisonniers sont détenus au centre d'interrogatoire de Jalama près de Haïfa et, selon leurs avocats, ont été interrogés par les services de renseignement israéliens et l'unité Lahav 443 de la police.
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Les séances d'interrogatoire pourrait durer jusqu'à 45 jours, et ils resteront au centre de Jalama pendant toute cette période.
Les prisonniers ont été interdits d'accès à leurs avocats en vertu d'un ordre des services de renseignement israéliens en vigueur jusqu'au 14 septembre, et susceptible d'être renouvelé, selon Mahajneh.
En raison de cette interdiction, les avocats n'ont pas pu s'entretenir avec les prisonniers et disposent de peu d'informations sur la nature des interrogatoires et les très possibles violences violations du droit dont ils font l'objet.
Dans des affaires similaires très médiatisées qu'Israël a classées comme étant liées à la sécurité, les détenus peuvent se voir refuser l'accès à un avocat pendant une période pouvant aller jusqu'à 21 jours. Les avocats des prisonniers ont déposé un recours contre cette interdiction, qui sera examiné par le tribunal lundi.
Selon M. Mahajneh, le black-out de l'information et l'absence de restrictions pour les interrogateurs sont source d'inquiétude. "Je pense que les services de renseignement feront tout - tout ce qu'ils ont fait et n'ont pas fait auparavant - pour obtenir des informations des prisonniers."
Selon lui, on s'attend à ce que les autorités utilisent des " tactiques répugnantes", notamment de longs interrogatoires dépassant 20 heures consécutives, la privation de sommeil, le fait de leur fournir une nourriture insuffisante et de mauvaise qualité, ainsi que des agressions physiques et des actes de torture.
Alors que la Cour suprême israélienne a interdit [sauf "exceptions"] l'usage de la torture en 1999, les interrogateurs - en particulier les services de renseignement - ont continué à recourir à la violence contre les détenus palestiniens.
Zubaidi, l'un des prisonniers, a comparu devant le tribunal avec de graves contusions au visage. Selon les médias locaux, les forces israéliennes d'occupation l'ont tabassé lors de son arrestation, et il a été transféré dans un hôpital tôt dimanche pour y être traité.
Mesures punitives
Mahajneh a déclaré qu'il s'attend à ce que les autorités pénitentiaires israéliennes placent les prisonniers ré-arrêtés dans des cellules d'isolement dans les prisons du sud du pays, où les conditions de détention sont notoirement plus difficiles pendant les saisons d'été et d'hiver en raison du manque de ventilation et de chauffage.
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Sahar Francis, avocate et directrice de l'association Addameer Prisoner Support and Human Rights, basée à Ramallah, a déclaré à Al Jazeera qu'elle s'attendait à ce que les prisonniers soient placés en isolement total, avec interdiction des visites familiales et restrictions de l'accès aux avocats.
Francis a dit également que les prisonniers palestiniens sont généralement autorisés à passer trois à quatre heures dans la cour de la prison pendant la journée, mais elle s'attend à ce que les prisonniers "ne soient autorisés à passer qu'une heure par jour dans la cour, et ils seront totalement isolés".
"Ils ne seront pas autorisés à se mélanger avec les autres prisonniers. Ils seront complètement isolés du monde. Ils pourront recevoir la visite de leur avocat ou d'un représentant de la Croix-Rouge, mais c'est tout", a expliqué Mme Francis.
Elle ajoute que les prisonniers auront les jambes enchaînées, et peut-être aussi les mains, pendant l'heure passée dans la cour.
Khaled Zabarqa, avocat et défenseur des droits de l'homme qui représente les prisonniers politiques palestiniens, a décrit l'isolement cellulaire comme "la punition la plus difficile qui puisse être imposée à un prisonnier".
Il a déclaré à Al Jazeera qu'il pensait que les forces israéliennes allaient probablement lancer une campagne d'arrestations dans les semaines à venir contre les personnes soupçonnées d'avoir aidé les prisonniers.
"Ils enlèveront toute personne ayant fourni aux prisonniers de la nourriture, un abri ou toute autre aide", a-t-il déclaré.
Auteur : Zena Tahhan
* Zena al-Tahhan est journaliste à Al Jazeera. Elle couvre principalement le monde arabe, avec une spécialisation sur les pays du Levant. Avant de rejoindre Al Jazeera, Zena était journaliste indépendante basée à Jérusalem. Suivez Zena Tahhan sur Twitter : @Zenatahhan
13 septembre 2021 - Al-Jazeera - Traduction : Chronique de Palestine