par Mikhail Gamandiy-Egorov.
Paris ne cache pas sa vive colère sur les choix stratégiques en cours de l'État malien. En oubliant comme à son habitude que dans le monde contemporain, le dernier mot reviendra au peuple souverain et aux autorités qui sont à l'écoute de ce peuple.
Les raisons de la colère de l'Élysée et du Quai d'Orsay sont d'une certaine façon compréhensibles. Après tout, comme nous le disions précédemment - l'exemple centrafricain est devenu fortement inspirant pour d'autres nations africaines, notamment d'Afrique francophone.
Et le processus semble désormais véritablement sur sa lancée, à l'heure où le système de la Françafrique non seulement doit faire face à une chute brutale de ses capacités de nuisance, mais également à l'observation de sa propre chute sans être un minimum capable de s'adapter aux règles issues du monde multipolaire, pour tenter à sauver ne serait-ce qu'un peu sa face.
Les récents événements au Mali et la peur de Paris de voir Bamako signer un accord de coopération sécuritaire avec un groupe privé de sécurité russe ont au final montré au grand jour toute la fragilité de ce système néocolonial - pas seulement dans le cadre de l'apparition d'acteurs compétents et déterminés en qualité de ses adversaires, mais aussi et surtout à l'heure d'un éveil de conscience sans précédent à l'échelle africaine. Et ce avant tout grâce aux mobilisations populaires de masse, ayant clairement exprimé leur ras-le-bol face à la présence militaire occidentale. Sans oublier les autorités de nombre d'États africains de plus en plus à l'écoute des aspirations de leurs populations, avec en prime une capacité analytique efficace dans le cadre des événements contemporains.
Pendant ce temps, Paris tente de s'accrocher jusqu'au bout. Et au lieu de défendre un minimum de dignité après la gifle des alliés anglo-saxons, l'establishment élyséen - incapable de se défaire de son rôle de sous-traitant vis-à-vis de Washington, tente, de montrer encore ses muscles dans ce qu'il considère comme son « pré-carré » africain. Bien que cela n'impressionne plus grand monde.
Ce lundi, la ministre française des Armées, Florence Parly, est partie pour la capitale malienne dans l'objectif vraisemblablement ultime de convaincre les autorités du pays à faire marche arrière. Du côté malien, il a été expressément dit qu'il ne permettra pas à aucun État de faire des choix à sa place et encore moins de décider quels partenaires il peut solliciter ou pas.
Il faut de tout de même bien comprendre le contexte actuel : l'effet domino est déjà en cours pour la Françafrique. Et les représentants hexagonaux, bien qu'étant toujours dans une posture sous-traitante et ne pouvant plus prétendre à parler au nom d'une puissance internationale digne de ce nom, savent pour le moins un peu analyser les perspectives et la suite fort probable des événements.
Et cette suite des événements est relativement simple : quelle que soit la décision finale des autorités du Mali, dans le cadre de leur souveraineté nationale, le processus de fin du système néocolonial françafricain se poursuivra. Devant faire face à une mobilisation des populations africaines de grande envergure, une opinion publique lui étant largement hostile, des leaders de nombre de pays africains de plus en plus déterminés à défendre la souveraineté de leurs États, et des puissances non-occidentales qui ne comptent pas faire marche arrière - il devient alors compréhensible que le système françafricain est condamné à une défaite humiliante.
Pourtant des solutions existaient. Et ce sont tout sauf celles privilégiées par l'establishment élyséen actuel. Les menaces, les tentatives d'intimidation et de pression, les actions de déstabilisation et autres instruments propres au néocolonialisme - n'impressionnent plus. Plus que cela, le ras-le-bol des populations d'Afrique francophone est tel que rien ne semble pouvoir inverser la tendance.
De un, la solution pour l'État français aurait été de sortir de la domination atlantiste anglo-saxonne et de devenir un pays réellement souverain. De deux, abandonner la pensée d'arrogance extrême propre aux représentants du néocolonialisme et de commencer à respecter la souveraineté des nations africaines francophones. De trois, s'adapter à l'ère multipolaire, en proposant son savoir-faire sans agenda néocolonial dans certains domaines de compétence. Pour autant il faut être réalistes - ce sont toutes des orientations dont est tellement loin la France contemporaine. Plus particulièrement depuis Sarkozy jusqu'à la période macronienne actuelle.
source : observateurcontinental.fr