• La crise, car c'en est une désormais, des sous-marins AUKUS, mettait im(ex)plicitement en cause la Chine dès sa constitution, comme argument de circonstance. • La Russie entre dans le jeu, affirmant qu'elle est elle-même concernée par le biais d'une interview du secrétaire du Conseil de Sécurité russe Patroutchev, Nikolai Patroutchev. • L'argument géostratégique est im(ex)plicitement évident : la Russie est une puissance du Pacifique en plus d'être l'"alliée" de la Chine. • Ainsi élargie, la chose se transmue en une crise majeure.
Les Russes entrent dans le jeu au rythme d'une danse endiablée de la "crise" régionale des sous-marins AUKUS (Australie, UK, USA) et la transmuent en une crise majeure, passant de la dimension régionale et interne au bloc-BAO à la dimension générale sur le modèle classique qui voit la Russie et la Chine évoluant côte-à-côte. C'est aussi une "première", car c'est la première fois dans les relations internationales antagonistes entre bloc-BAO et bloc Chine-Russie que le bloc-BAO est lui-même en crise interne avec la France en opposition frontale avec les pays AUKUS. C'est à la fois une aggravation au niveau antagoniste habituel entre bloc-BAO et bloc Chine-Russe et une complexification de cet antagonisme à cause de l'antagonisme interne au bloc-BAO, - donc une "crise majeure" tout à fait inédite. Accessoirement, mais également de manière significative, la définition de la position met en cause deux autres pays dans le cadre du format QUAD, l'Inde et le Japon, dont un pays qui a des liens solides avec la Russie (armements), difficilement acceptés par les USA (menaces de sanctions) : l'Inde.
(On voit par ailleurs combien l'Inde, sacrée acteur majeur du QUAD, mais par ailleurs acteur de ce qu'il reste des BRICS et observateur attentif aux réunions de l'Organisation de Coopération de Shanghai [OCS], est un "acteur majeur ambigu".)
Les argument implicites/explicites des Russes sont de trois ordres :
• la Russie est une puissance "Pacifiste" (du Pacifique) et elle est concernée par un acte (AUKUS) qu'elle juge désormais comme stratégique et dangereuse de son point de vue pour la zone ;
• elle n'est pas formellement "alliée" à la Chine, mais elle l'est dans les faits d'une façon essentielle et dans de multiples domaines, notamment de sécurité et de politique générale, par de multiples accords et l'appartenance à une organisation commune de sécurité (l'OCS) ;
• il n'est en rien indifférent à la Russie d'entrer dans une crise où le bloc-BAO d'habitude aligné se trouve en crise de confrontation ; pour elle, cela peut avoir des effets très intéressants également en Europe, au sein de l'OTAN et de l'UE.
Voici le texte assez court mais significatif que publie RT.com, avec ce titre : « Le nouveau bloc nucléaire AUKUS ne se contentera pas de combattre la Chine, il entraînera également l'Occident dans une confrontation avec la Russie, selon le chef de la sécurité de Moscou. » On y lit :
« Un nouvel accord géopolitique qui verra les États-Unis et le Royaume-Uni s'associer à l'Australie pour stationner des sous-marins nucléaires dans les profondeur stratégique de l'océan Pacifique est une mesure hostile visant non seulement Pékin, mais aussi Moscou, affirme un haut fonctionnaire russe.» Nikolai Patrouchev, secrétaire du Conseil de sécurité russe, a déclaré mardi au journal 'Argumenty i Fakty' que le pacte entre les trois nations, connu sous le nom d'AUKUS, sera inévitablement un autre bloc militaire visant à contenir et à affronter les deux plus grandes puissances non occidentales.
» Dans l'interview, Patrouchev a comparé le pacte au groupe informel ' QUAD', format de dialogue stratégique entre les États-Unis, l'Inde, le Japon et l'Australie, conçu pour renforcer la position de Washington en Asie. Selon lui, ce groupe est "un bloc militaro-politique au caractère pro-américain prononcé".
» "L'autre jour, un autre bloc militaire a été formé dans la région - l'américano-anglo-australien AUKUS, qui poursuit les mêmes objectifs", a poursuivi le haut fonctionnaire. Selon lui, le nouvel accord, qui verra Londres et Washington transmettre le savoir-faire technique permettant à Canberra de développer et de déployer des sous-marins à propulsion nucléaire, constitue une menace pour "l'ensemble de l'architecture de sécurité en Asie".
» La France, qui a vu son contrat de plusieurs milliards de dollars, longtemps retardé, visant à fournir à l'Australie une flotte de nouveaux sous-marins, annulé à la suite du nouveau pacte, a réagi à cette décision. Au cours du week-end, Paris a rappelé ses ambassadeurs à Washington et à Canberra dans le cadre d'une réponse furieuse à cette décision, l'ambassadeur français en Australie accusant son pays de représentation de "trahison en devenir". Jean-Pierre Thebault a déclaré que toutes les options étaient sur la table en termes de réponse diplomatique après que sa nation ait été "poignardée dans le dos". »
Il s'agit donc, avec l'entrée dans le jeu de la Russie, d'une crise extrêmement intéressante par ses acteurs et par la complexité de leurs rapports, y compris et surtout à l'intérieur du bloc-BAO. En effet, les sous-marins AUKUS sont d'abord la cause d'une crise grave entre la France (membre du bloc-BAO jusqu'à nouvel ordre) et les trois d'AUKUS. Acceptons pour cette analyse l'affirmation, fortement sinon radicalement contestés par nous à l'origine, d'une initiative et d'une crise de 'Grande Stratégie' ; nous voulons dire : acceptons ce simulacre initial qui, par la pression de la communication où tant d'acteurs joue justement le jeu du simulacre, a été présenté et commenté comme un acte de 'Grande Stratégie'.
Voici la conclusion que nous proposions, à la suite d'un argumentaire serré, sur la signification de l'initiative submersible AUKUS :
« Dans cette affaire AUKUS, deux seules choses sont assurées, outre de valoir un Oscar aux pitreries de Boris Johnson :» • De beaux bilans pour quelques années, pour les contractants US, qui passeront au peigne fin tous les bénéfices possibles aux dépens des industriels britanniques et australiens ;
» • un miroir de plus offert à l'Europe pour qu'elle se contemple, seule, impuissante, inutile, fatiguée, le maquillage en bataille et le cheveu de plus en plus rare - mais bon, attentive aux droits de l'homme, de la femme et des autres, - et voguant ferme dans les perspectives de la catastrophe climatique, histoire de "shifter" la stratégie...
» Le reste, les grands plans stratégiques et les descriptions émues des géopoliticiens, c'est le côté bouffe de cette " tragédie-bouffe". »
Admettons que cette tragédie-bouffe évolue dans le sens d'une dramatisation, c'est-à-dire le simulacre prenant la place de la réalité et devenant réalité. Il n'est pas assuré que les fabricants du simulacre, lequel ne devait être que de circonstance, en soit particulièrement satisfaits ; car ils ne s'y trouvent nullement à l'aise, avec cette mauvaise querelle des insupportables Français que personne, dans la planification anglo-saxonne n'avait prévue ni même imaginé qu'elle pouvait seulement exister... Quant aux Russes, il nous apparaît bien possible qu'ils aient d'abord considéré le côté "bouffe" du bloc-BAO qu'ils connaissent bien et ne s'en sont pas mêlé, puis qu'ils décident désormais d'intervenir et d'y prendre une place en constatant que le côté "tragédie" (disons crise sérieuse) entre "amis" transatlantiques prend le dessus. Ils savent qu'il y a pas mal de marrons à tirer de ce feu de broussaille qui pourrait bien se transformer en incendie et ils développent aussitôt l'argument de la sécurité stratégique où l'on trouve pléthore de grains à moudre pour une communication dramatisée aux dépens du bloc-BAO et d'AUKUS.
Il n'y a rien qui ne plaise plus aux Russes que d'amener leurs "partenaires" fabricants de simulacres, à se laisser embourber dans un de leurs simulacres devenu vérité-de-situation. Les américanistes voulaient imposer une nouvelle 'Grande Stratégie' (simulacre) complètement centrée sur le Pacifique et la Chine, en laissant l'Europe de côté avec la France cocue ? Eh bien, entrons dans le jeu comme puissance du Pacifique (Vladivostok, Flotte du Pacifique), de la Chine ; et alors, les amis ! Puisque c'est la Russie qui est constamment en affaires diverses et souvent gesticulatoires avec l'Europe, c'est toute l'Europe qui est directement, stratégiquement concernée... Mais justement ! Cela, cette implication de l'Europe d'habitude antirusse à en mourir, alors que l'Europe est obligée au moins de faire semblant d'attaquer ses amis américanistes, sur l'injonction d'une France pré-électorale folle de rage où il est impensable de perdre laz face face aux insupportables yankees, où des candidats déclarés ou potentiels aux présidentielles (Mélenchon, Bertrand, Zemmour) prônent en cette occurrence la sortie de l'OTAN, - c'est pain béni. Tendez bien l'oreille : Poutine se marre...
Mis en ligne le 22 septembre 2021 à 09H30