06/10/2021 les-crises.fr  7min #196096

 Enlèvement, assassinat et fusillade à Londres : les plans de guerre secrets de la Cia contre Wikileaks (1/4)

Cia vs Wikileaks (2/4) : Pompeo confirme que « certains passages de l'enquête Yahoo sont vrais »

Source :  Yahoo, Michael Isikoff, Zach Dorfman

L'ancien directeur de la CIA et ancien secrétaire d'État Mike Pompeo a appelé mercredi à ce que soient poursuivies pour crime les sources qui ont parlé à Yahoo News dans un article détaillant les propositions de l'agence de renseignement en 2017 pour enlever le fondateur de WikiLeaks Julian Assange et les discussions au sein de l'administration Trump et de la CIA pour éventuellement l'assassiner.

Pompeo, qui participait au podcast de Megyn Kelly, a été invité à répondre au reportage de Yahoo News, qui était basé sur des entretiens avec 30 anciens responsables du renseignement et de la sécurité nationale des États-Unis ayant connaissance des efforts du gouvernement américain contre WikiLeaks.

« Je ne peux pas dire grand-chose à ce sujet, si ce n'est que les 30 personnes qui ont prétendument parlé à l'un de ces journalistes [de Yahoo News] devraient toutes être poursuivies pour avoir parlé d'activités classifiées au sein de la Central Intelligence Agency », a déclaré Pompeo.

Dans le même temps, Pompeo a refusé de répondre à de nombreux détails contenus dans le rapport de Yahoo News et a confirmé que « certains passages sont vrais », notamment l'existence d'une campagne agressive de la CIA visant à cibler WikiLeaks à la suite de la publication par l'organisation de documents hautement sensibles nommés Vault 7, qui révèlent certains des outils et méthodes de piratage de la CIA.

« Lorsque des méchants volent ces secrets, nous avons la responsabilité de les poursuivre, d'empêcher que [cela] ne se produise », a déclaré Pompeo. « Nous avons absolument la responsabilité de réagir. Nous voulions désespérément tenir pour responsables les individus qui ont violé la loi américaine, qui ont violé les exigences de protection des informations et qui ont essayé de les subtiliser. Il existe un cadre juridique profond pour le faire. Et nous avons pris des mesures conformes à la loi américaine pour essayer d'y parvenir. »

L'ancien secrétaire d'État américain Mike Pompeo. (Joe Raedle/Getty Images)

Les commentaires de Pompeo sont intervenus alors que certains militants des droits de l'homme, des groupes de défense des libertés civiles et des soutiens d'Assange ont déclaré que les révélations de Yahoo News devaient faire l'objet d'une enquête et qu'elles constituaient un motif pour que le département de la Justice abandonne ses efforts pour extrader Assange d'une prison britannique dans le but de l'inculper aux États-Unis pour avoir publié des secrets gouvernementaux classifiés en violation de la loi sur l'espionnage datant de la Première Guerre mondiale, ainsi que pour avoir prétendument conspiré en vue de pirater un réseau gouvernemental américain classifié.

« Nous savons maintenant que cette affaire criminelle sans précédent a été lancée en partie à cause des plans véritablement dangereux que la CIA envisageait », a déclaré Ben Wizner, directeur du projet Speech, Privacy and Technology de l'American Civil Liberties Union. « Cela donne d'autant plus de raisons au département de la justice de Biden de trouver un moyen discret de mettre fin à cette affaire ».

Nils Melzner, rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, a également pris position sur l'article de Yahoo News. « Il ne s'agit pas de la loi. Il s'agit d'intimider le journalisme. Il s'agit de supprimer la liberté de la presse. Il s'agit de protéger l'immunité des représentants de l'État », a-t-il déclaré dans une vidéo publiée sur Twitter. Le cas d'Assange est « devenu impossible à ignorer », a-t-il ajouté. « Et j'encouragerais les journalistes de tous les médias à examiner cette affaire en profondeur, à rassembler toutes les preuves et à dénoncer les fautes, car le public mérite de connaître la vérité. »

Bien que le département de la justice, sous la direction de deux procureurs généraux nommés par le président Trump, ait prononcé des mises en accusation contre Assange, les procureurs fédéraux sous la direction du procureur général du président Biden, Merrick Garland, poursuivent l'affaire. Ils ont fait appel de la décision d'un juge britannique rendue plus tôt cette année, selon laquelle Assange ne devrait pas être remis au gouvernement américain parce qu'il présenterait un risque de suicide dans une prison américaine.

Les avocats d'Assange devaient déposer mercredi leurs réponses aux arguments du département de la justice et étudient activement les moyens de soulever les manquements de la part du gouvernement, en se fondant notamment sur de nombreux détails de l'article de Yahoo News. Parmi ceux-ci figure la révélation qu'à la suite de la fuite Vault 7, considérée à l'époque comme la plus grande perte de données de l'histoire de la CIA, Pompeo était furieux et a exigé une campagne sur plusieurs fronts pour démanteler WikiLeaks. Publiquement, il a décrit le groupe comme un « service de renseignement hostile non étatique ». Mais en privé, il a poussé à une action agressive lors de réunions avec des hauts responsables de l'administration Trump, y compris une opération pour capturer Assange à l'ambassade d'Équateur à Londres.

Des sources ont déclaré à Yahoo News qu'à la Maison-Blanche et à la CIA, des discussions ont également porté sur un éventuel assassinat, bien que d'anciens responsables ont déclaré que l'idée de tuer Assange n'était pas prise au sérieux. Mais lorsque les juristes de la Maison-Blanche ont appris certains des plans de l'agence visant Assange, en particulier les propositions d'exfiltration de Pompeo, ils ont exprimé des objections, donnant lieu à l'un des débats sur le renseignement les plus controversés de la présidence Trump.

Le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, tenant une conférence de presse à l'ambassade d'Équateur à Londres, en août 2014. (John Stillwell/Pool via Reuters)

Les commentaires de Pompeo durant le podcast de Kelly sont intervenus le lendemain de sa participation au podcast de Glenn Beck, où il a affirmé : « Je suis pour un Premier Amendement grand, audacieux et fort ». Mais son appel mercredi à des poursuites pénales contre les sources qui ont parlé à Yahoo News a suscité un sévère reproche de la part de l'un des membres de l'équipe juridique d'Assange.

« Je trouve très troublant que sa réaction soit d'essayer d'empêcher que les informations sur les fautes commises soient connues du peuple américain », a déclaré Barry Pollack, l'avocat américain d'Assange.

Wizner, l'avocat de l'ACLU, a déclaré que les commentaires de Pompeo « n'ont fait que confirmer la véracité de l'article [de Yahoo News]. Car la seule raison de poursuivre quelqu'un est d'avoir révélé des informations classifiées légitimes. Il s'agissait d'un journalisme d'intérêt public de premier ordre et la question est de savoir si le public a le droit de savoir que le gouvernement se livre à ce type de conduite. »

Lorsqu'il a été interrogé pour la première fois par Kelly sur l'article de Yahoo News, Pompeo a répondu : « Cela fait une assez bonne fiction. » Mais lorsque l'animateur lui a demandé si cela revenait à nier ce que Yahoo News avait rapporté, il a reconnu que « certains passages sont vrais. »

« Est-ce que nous cherchions à protéger les informations américaines de Julian Assange et de WikiLeaks ? Absolument, oui. Est-ce que notre département de la justice croyait avoir une requête valide qui entraînerait l'extradition de Julian Assange pour qu'il soit jugé ? Oui. J'ai appuyé cet effort, c'est certain. Nous sommes-nous engagés dans des activités incompatibles avec la loi américaine ? La loi américaine ne nous permet pas de mener des assassinats. Nous n'avons jamais agi d'une manière qui était incompatible avec cela. Nous n'avons jamais planifié de violer la loi américaine, pas une seule fois à mon époque. »

Il n'a pas abordé les détails des autres actions que la CIA envisageait, comme l'enlèvement possible d'Assange, ou les mesures que les services de renseignement américains ont effectivement prises, notamment la surveillance audio et visuelle d'Assange à l'ambassade d'Équateur ou la surveillance des communications et des déplacements de ses associés en Europe.

Mais Pompeo a contesté une déclaration de Trump, ce dernier avait soutenu WikiLeaks pendant la campagne de 2016 après la publication d'e-mails du Parti démocrate compromettant Hillary Clinton. Interrogé dans l'article de Yahoo News, Trump a déclaré qu'Assange était « très mal » traité.

Sollicité par Kelly pour savoir s'il était d'accord avec cette déclaration, Pompeo a répondu : « Non : « Non. Assange a très mal traité les États-Unis et son peuple. »

Source :  Yahoo, Michael Isikoff, Zach Dorfman, 30-09-2021

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