30/10/2021 reseauinternational.net  6 min #197178

L'administration Biden veut-elle une guerre en mer Noire ?

par Alexandre Lemoine.

Le retrait des États-Unis d'Afghanistan a sérieusement sapé la confiance en l'Amérique. Les alliés commencent à douter que Washington soit capable de tenir ses engagements, alors que les adversaires,  estiment certains experts américains, « sont tentés de mettre à l'épreuve la détermination des États-Unis ou de saper davantage la réputation des États-Unis ». Il est proposé à Joe Biden de réagir fermement à toute mise à l'épreuve de ce genre « en combinant les actions diplomatiques, économiques et même militaires contre les malfaiteurs ».

The American Conservative  s'interroge : l'administration Biden mène-t-elle les Américains vers une guerre ? Les craintes à ce sujet sont dues aux intentions de la Maison Blanche de soutenir tout pays qui se trouve en conflit avec la Russie et la Chine. Il s'agit notamment de la région de la mer Noire où, indique l'article, les États-Unis « font allusion à la confrontation et à une guerre éventuelle avec la Russie ».

L'auteur de l'article Pat Buchanan, rédacteur-fondateur du American Conservative s'interroge : « Pourquoi tenons-nous à Kiev et à Tbilissi ? » Il voit dans l'aspiration américaine à faire adhérer ces pays à l'OTAN la volonté de leur fournir des garanties militaires en vertu de l'article 5 de la charte de l'Alliance pour que l'Europe combatte ensemble avec l'Amérique en cas d'une nouvelle crise avec la Russie, comme celle qui s'est produite en Ossétie du Sud et en Géorgie en 2008.

C'est étonnant que les États-Unis proclament la mer Noire de vitale pour leur sécurité. Le Pentagone estime que celui qui contrôle la mer Noire ou y domine peut répandre son pouvoir sur les Balkans, l'Europe centrale et le sud du Caucase, ainsi que la Méditerranée orientale et le nord du Moyen-Orient. Trois des six pays de la mer Noire (Bulgarie, Roumanie, Turquie) font partie de l'OTAN et tombent sous les garanties de sécurité de l'Alliance. Deux autres pays (Géorgie, Ukraine) veulent adhérer à l'OTAN, mais conservent pour l'instant le statut de « partenaire ». La Russie reste la cible principale des États-Unis.

Washington cherche à assurer une présence militaire des États-Unis et de l'OTAN en Ukraine et en Géorgie. The Heritage Foundation a rédigé des recommandations pour l'administration Biden. Le rapport intitulé « Il est temps d'agir : les États-Unis et l'OTAN ne peuvent pas se permettre d'ignorer la région de la mer Noire »,  publié à la veille des visites du chef du Pentagone Lloyd Austin en Géorgie, en Ukraine et en Roumanie, indique directement ce que le secrétaire à la Défense « doit » faire.

En Géorgie, le chef du Pentagone  a confirmé que les États-Unis étaient attachés au maintien d'une « coopération bilatérale étroite en matière de sécurité et d'aide à la Géorgie dans son développement de ses capacités de défense et l'avancement de ses aspirations euro-atlantiques ». Sans oublier de mentionner « les menaces que la Russie représente pour la Géorgie et la région de la mer Noire ».

Mais M. Lloyd n'a pas pris le risque de remplir la recommandation de The Heritage Foundation d'inviter la Géorgie à joindre ses troupes au bataillon multinational sous le commandement des États-Unis. La participation d'unités géorgiennes signifierait une obtention informelle par la Géorgie du statut de membre à part entière de l'OTAN. Selon The Heritage Foundation, ce moyen permettrait de vérifier la réaction de la Russie et peut-être provoquer Moscou à attiser la tension.

À Kiev, Lloyd Austin  a promis que les États-Unis fourniraient à l'Ukraine une aide militaire supplémentaire à hauteur de 60 millions de dollars, après quoi l'aide totale de cette année pourrait dépasser 400 millions de dollars. Soit une somme plus élevée par rapport à la présidence de Donald Trump. D'autant que si à l'époque de ce dernier les accords de livraisons d'armes prévoyaient des restrictions pour leur usage dans les zones des activités militaires dans l'est de l'Ukraine, à présent il est question de livrer davantage d'armes avec des restrictions moindres.

Les deux ministres de la Défense ont évoqué à Kiev le point de départ pour commencer à mettre en œuvre  les accords fixés dans le document « Les cadres de la défense stratégique des États-Unis et de l'Ukraine », signé le 31 août 2021. Ce document est une copie d'un mémorandum type sur l'interaction des États-Unis dans le secteur de la défense avec d'autres pays. Beaucoup d'emphase sans éléments concrets. Seulement des promesses d'un « partenariat plus étroit ». Les Américains n'ont pas besoin de l'Ukraine comme d'une puissance militaire alliée, mais comme d'une plateforme de service pour faire avancer l'OTAN vers l'est plus près des frontières russes.

L'OTAN élabore actuellement son prochain Concept stratégique. L'administration Biden travaille sur l'inclusion de la région de la mer Noire dans plusieurs stratégies de sécurité régionale afin d'élaborer des moyens efficaces de travail avec les États bordés par la mer Noire contre la Russie. En cas d'adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie à l'OTAN, cela deviendrait une menace directe pour la Russie.

Washington incite également l'Europe. En particulier, les États-Unis proposent de faire participer des navires des pays membres de l'OTAN aux patrouilles militaires en mer Noire. Conformément à la Convention de Montreux de 1936, la présence de navires de puissances qui ne font pas partie de la région de la mer Noire réunies ne peut pas dépasser 30 000 tonnes à la fois. Cela nécessitera de l'OTAN d'établir une présence en rotation en mer Noire. La proposition est à l'étude, le Royaume-Uni a été le premier à y réagir.

Le 23 juin 2021, la flotte de la mer Noire avec le Service des gardes-frontières du FSB russe a empêché la violation de la frontière nationale par le destroyer Defender près du cap Fiolent, dont les actions ont été considérées comme une grossière violation de la Convention de l'ONU sur le droit de la mer.

En sondant la réaction de Moscou à leurs actes en mer Noire, les États-Unis comptent sur l'hésitation des Russes.

source :  observateurcontinental.fr

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