Jonathan Turley
Nous avons déjà discuté du recul alarmant des droits à la liberté d'expression en Occident, en particulier en France ( ici et ici et ici et ici et ici et ici et ici). Une grande partie de cette tendance est liée à l'expansion de la notion de "discours de haine" et des lois sur la non-discrimination. J'ai écrit précédemment sur les poursuites engagées contre la célèbre actrice Brigitte Bardot pour avoir déclaré en 2006 que les musulmans ruinaient la France dans une lettre adressée à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur (puis président). Bardot, une militante des droits des animaux, a été condamnée à plusieurs reprises par de telles plaintes pénales pour avoir critiqué différents groupes. Aujourd'hui, elle a de nouveau été condamnée à une amende pour avoir qualifié les habitants de La Réunion de "sauvages", car ils continuent à sacrifier des animaux dans le cadre de rituels religieux.
Bardot, 87 ans, a été condamnée à une amende de 20 000 euros ($23 000) par un tribunal de l'île française de La Réunion, dans l'Océan Indien, pour une lettre datant de 2019 dans laquelle elle condamnait la poursuite du sacrifice de chèvres par la population tamoule hindoue de l'île, qu'elle décrivait comme des "sauvages dégénérés". Elle a déclaré que "les indigènes ont conservé leurs gènes de sauvages" et a évoqué le "cannibalisme des siècles passés". Elle a décrit cette population comme "une population dégénérée encore imprégnée de traditions ancestrales barbares".
Son porte-parole, Bruno Jacquelin, a également été sanctionné pour avoir envoyé la déclaration à plusieurs médias à sa demande.
La ministre française d'Outre-Mer de l'époque, Annick Girardin, a appelé à l'action après lui avoir écrit "que le racisme n'est pas une opinion, c'est une offense".
Je comprends tout à fait la grande offense suscitée par ces déclarations. Bien que favorable depuis longtemps aux droits des animaux, je considère que ces commentaires méritent une condamnation publique. Cependant, et cela ne surprendra pas grand monde sur ce blog, je considère également ces déclarations comme une liberté d'expression qui devrait être protégée dans tous les pays.
La France est le chef de file dans le recul de la liberté d'expression en Occident ces dernières années, avec des lois de plus en plus nombreuses qui restreignent la liberté d'expression. Ces lois criminalisent les discours en vertu de normes vagues faisant référence à "l'incitation" ou à "l'intimidation" d'autres personnes en fonction de leur race ou de leur religion. Par exemple, le créateur de mode John Galliano a été reconnu coupable par un tribunal français d'avoir tenu des propos antisémites à l'encontre d'au moins trois personnes dans un bar parisien. Lors de sa condamnation, la juge Anne Marie Sauteraud a lu une liste des gros mots utilisés par Galliano à l'égard de Géraldine Bloch et Philippe Virgitti. "Il a dit 'sale pute' au moins un millier de fois", a-t-elle expliqué à haute voix.
Dans une autre affaire, le père de la candidate présidentielle conservatrice française Marine Le Pen a été condamné à une amende parce qu'il avait traité les personnes issues de la minorité rom de "malodorantes". Une mère française a été poursuivie parce que son fils s'est rendu à l'école avec une chemise sur laquelle on pouvait lire "Je suis une bombe".
Récemment, une adolescente française a été inculpée pour avoir critiqué l'islam en tant que "religion de la haine".
Le résultat de ces lois mal définies dans les pays européens est prévisible. Selon un récent sondage, seuls 18% des Allemands estiment pouvoir s'exprimer librement en public. Plus de 31% ne se sentent même pas libres de s'exprimer en privé entre amis. Seuls 17% des Allemands se sentent libres de s'exprimer sur Internet, et 35% affirment que la liberté d'expression est confinée à de petits cercles privés. C'est ce qu'on appelle un effet paralysant, et il faut avoir la plus grande crainte de son expansion.
La réponse à un discours malveillant, c'est un discours de plus haute tenue. En ce sens, la liberté d'expression est son propre désinfectant. Ce qui n'a jamais fonctionné, c'est la censure. L'Allemagne a depuis longtemps interdit les symboles du nazisme, mais le mouvement néonazi continue de se développer dans ce pays. La censure et la criminalisation de la parole invitent les gens à passer plus de temps à essayer de faire taire les opinions opposées qu'à y répondre dans le cadre d'une société libre et ouverte.