Fabricio Estrada
Manuel Zelaya et Xiomara Castro lors d'un meeting du Parti Libre pendant la campagne électorale.
Ce dimanche 28 novembre auront lieu les élections nationales au Honduras. C'est un moment d'espoir pour le peuple hondurien qui patiente depuis 2009 pour avoir l'opportunité de se débarrasser du régime de Juan Orlando Fernandez (JOH). Le dictateur s'est installé au pouvoir depuis 2009 après avoir renversé, avec le soutien de l'armée et Washington en sous-main, le président démocratiquement élu Manuel Zelaya, qui cherchait à appliquer un programme de transformation sociale progressiste proche de la tendance bolivarienne émanant du Venezuela et la Bolivie, notamment avec l'adhésion à l'ALBA et le rejet des traités de « libre » commerce imposés par la Maison Blanche. Des prétentions souverainistes insupportables pour les faucons du Pentagone. Or quoi de pire que d'en avoir un justement à la tête de l'exécutif au moment des élections au Honduras ? Tonton Joe a bien sûr donné la bénédiction à son poulain JOH tout en mettant en sourdine ces biens vilaines casseroles qu'il traîne derrière lui, entre autres, l'accusation pour blanchiment d'argent et soutien au narcotrafic, les disparitions forcées et exécutions extrajudiciaires d'opposants politiques.
En effet, suite au coup d'état de 2009, une répression terrible s'abattit sur tout le pays rappelant les méthodes de la dictature militaire pendant la guerre froide, quand le Honduras était utilisé comme base du narcotrafic et des groupes paramilitaires de la Contra pour déstabiliser le Nicaragua et toute l'Amérique Centrale pour le compte des Etats-Unis. Il semblerait que cela ait peu changé, les Etats-Unis sont toujours présents avec leur base militaire de Soto Cano à Comayagua, où sont également « invités » la force armée d'Israël et le MOSAD.
Comme il est facile de l'imaginer, nombre de honduriens, dont l'ex président déchu Zelaya se sont vus contraints de fuir le pays pendant une longue période. Cependant, malgré la répression, l'opposition restante avec le soutien du peuple, meurtri, a lentement, timidement mais sûrement relevé la tête et a fait face au régime de JOH. L'épouse de Zelaya, Xiomara Castro a lancé puis présidé le parti "Liberté" et "Refondation", connu simplement sous le nom de Libre au Honduras et dans la diaspora d'exilés. Le parti reprend le programme et les positions originels de Manuel Zelaya, ainsi que se revendication du socialisme et la réalisation d'une constituante. Ce dernier l'a réintégré après avoir pu revenir au Honduras lors des dernières élections, au risque de sa vie.
En 2017, Xiomara Castro avait pratiquement gagné le scrutin malgré la candidature frauduleuse de JOH qui s'est présenté à la réélection en violation flagrante de la Constitution, puis, alors qu'il était clairement en train de perdre, il a fait arrêter le décompte des votes et s'est déclaré vainqueur, déclenchant une vague de protestations et une révolte populaire, durement réprimé dans le sang. Ces élections de 2021 seront-elles différentes ? Ou finiront-elles en répétition de celles 2017 ?
Fabricio Estrada considère que l'opposition devrait gagner et que JOH devrait laisser sa place à un autre dirigeant du Parti National, cependant rien ne permet d'écarter la possibilité de la fraude. « Si le régime truque de manière flagrante l'élection, le peuple hondurien réagira avec beaucoup plus de virulence qu'en 2017, c'est une possibilité et le régime le sait. C'est d'ailleurs pourquoi ils ont mis en place un état d'urgence policier et militaire, sous prétexte d'une supposée « violence » électorale, la preuve étant la découverte de supposés cocktails molotov qui se sont révélés, après enquêtes journalistiques, être des cannettes de bières guatémaltèques de la marque "Gallo" ! Un vulgaire canulard propagandistique ! »
En effet, il y a beaucoup en jeu pour la Maison Blanche. Aujourd'hui, Biden promet une refonte de l'Alliance pour la prospérité de 2015, qui a versé des millions de dollars au régime corrompu de JOH et a lancé des projets économiques qui menacent les droits fonciers des autochtones et dévastent l'environnement, comme les barrages, les mines et le tourisme de masse. De façon alarmante, les responsables de Biden semblent également aller de l'avant pour mettre en œuvre un accord de l'ère Trump visant à accroître l'échange de renseignements avec l'armée et la police honduriennes. Il faut dire qu'il n'y a pas un seul projet de Trump que Biden n'exécute pas, que cela soit la sortie pactée d'Afghanistan pour le laisser clés en main aux talibans ou encore la guerre contre la Chine.
Au sujet de cette dernière, le projet du canal du Nicaragua qui reste une menace pour l'hégémonie étasunienne, à poussé ces derniers à prendre le devant et à mettre en place un projet spécial, comme le fait remarquer Fabricio Estrada : « Le régime soutient le projet de canal « sec » entre le Honduras et le Salvador, qui ont les deux plus grands ports d'Amérique Centrale, pour le moment le « canal » est un corridor logistique et terrestre mais il pourrait, à l'avenir, par le biais d'un mégaprojet devenir un canal comme celui du Panama, permettant de raccourcir considérablement le temps de transports maritime. »
Le peuple hondurien sera-t-il libre et souverain ? La réponse le dimanche 28 novembre, ou le lendemain matin sur les barricades...
Article élaboré à partir d'un entretien réalisé avec Fabricio Estrada, poète hondurien, opposant à la dictature de Juan Orlando Fernandez et résidant à Puerto Rico depuis 2009, propos recueillis par Boris D. et Marie. S.