28/01/2022 reseauinternational.net  7 min #201236

Ukraine : La crise financière actuelle pourrait pousser la Banque nationale à limiter les retraits d'espèces

par Christelle Néant.

Alors que l'Occident continue d'entretenir l'hystérie autour de la future « invasion russe de l'Ukraine », les autorités ukrainiennes essayent de rassurer maladroitement leurs concitoyens, leur demandant de ne pas retirer leur argent des banques, ce qui fait craindre à certains experts que la Banque Nationale pourrait en venir à limiter les retraits d'espèces et de fonds d'épargne pour endiguer la crise.

Alors que l'armée ukrainienne continue ses préparatifs, accumulant troupes, armements et munitions près de la ligne de front dans le Donbass, et que plusieurs pays occidentaux ont appelé leurs ressortissants à quitter l'Ukraine, les déclarations des autorités ukrainiennes appelant la population à ne pas paniquer semblent dissonantes, mais s'expliquent par la volonté de  stopper l'hémorragie économique déclenchée par toute cette hystérie autour de la future « invasion russe » du pays.

En effet, alors qu'aucune action militaire n'a encore eu lieu, la hryvnia a chuté, les investisseurs fuient le pays, faisant baisser la valeur boursière des grandes compagnies ukrainiennes, et les étrangers revendent leurs biens immobiliers et leurs obligations d'État libellées en hryvnia avant de convertir l'argent ainsi récupéré en devises étrangères qu'ils s'empressent d'envoyer sur des comptes à l'étranger.

Si la déclaration récente du Premier-ministre ukrainien, Denis Chmygal, appelant les gens à ne pas paniquer mentionnait l'économie, indiquant que c'est l'état de cette dernière qui justifie ces appels au calme, la déclaration de Volodymyr Zelensky disant aux Ukrainiens de ne pas retirer leur argent des banques a de quoi inquiéter plus que rassurer.

Dans un message vidéo destiné à ses concitoyens , le Président ukrainien a en effet appelé au calme, à ne pas dévaliser les magasins et à ne pas retirer leur argent des banques.

« La seule raison de paniquer maintenant, c'est si, après huit ans de guerre, nous cédons encore à la panique, en retirant l'argent de son compte et tout ce qui se trouve sur les étagères des magasins, en lançant des fausses informations et des histoires effrayantes à nos amis et à tous ceux que nous connaissons. Tous nos citoyens, en particulier les personnes âgées, doivent comprendre cela. Nous devons respirer, nous calmer, et ne pas courir acheter du sarrasin et des allumettes », a déclaré le Président ukrainien.

Dans le même temps, la  Banque Nationale d'Ukraine a indiqué qu'elle n'imposerait aucune restriction sur les échanges de devises, malgré la forte demande de devises étrangères liée à la revente de plus de 6 milliards de hryvnia d'obligations d'État par des investisseurs étrangers depuis le début du mois de janvier. Cette forte demande l'a obligée à vendre 752 millions de dollars sur le marché des changes, alors que l'Ukraine a besoin de ces devises pour payer ce qu'elle doit aux créanciers internationaux. En clair, le risque d'effondrement de la hryvnia est réel.

Résultat, plusieurs experts commencent à s'inquiéter et envisagent que la Banque Nationale d'Ukraine puissent de nouveau limiter les retraits d'espèces et de fonds d'épargne, comme elle l'avait fait en 2008-2009 et en 2014-2015.

Ainsi,  l'économiste ukrainienne Viktoria Rozanova, a déclaré que le Président ukrainien n'a pas convaincu ses concitoyens, bien au contraire, et que les autorités ukrainiennes se préparent à devoir prendre des mesures radicales, comme l'interdiction du retrait anticipé des fonds d'épargne, voire la limitation des retraits en espèces.

« Les autorités du pays se préparent à prendre des décisions difficiles, qui affecteront chacun d'entre nous. Ainsi, les Ukrainiens pourraient bientôt se voir restreindre le retrait d'espèces et de fonds d'épargne, comme cela s'est déjà produit en 2014-2015. La Banque nationale a même convoqué une réunion pour discuter des mesures à prendre pour lutter contre la panique sur le marché financier. Le dollar s'envole, atteignant 28,5 hryvnia, et de nombreuses personnes se débarrassent de la hryvnia en achetant de la monnaie américaine. Les non-résidents retirent l'argent de leurs comptes courant et d'épargne et le font sortir du pays. Les Ukrainiens retirent également leurs dépôts des banques. La demande d'obligations libellées en hryvnia lors des ventes aux enchères du ministère des finances a chuté de 32 fois », écrit ainsi Rozanova.

Si pour l'instant la Banque Nationale d'Ukraine s'est contentée d'augmenter le taux directeur en déclarant que cela éviterait l'inflation, l'économiste énumère les mesures plus radicales qui sont envisagées par les autorités.

« Jusqu'à présent, il a été décidé de ne pas introduire d'autres restrictions drastiques, mais dans une semaine, la situation pourrait changer. Plusieurs options sont envisagées en même temps, notamment l'interdiction du retrait anticipé des fonds d'épargne. Si la situation devait se détériorer, il n'est pas exclu que les retraits d'argent liquide aux distributeurs automatiques soient restreints dès la semaine prochaine. Toutes ces mesures sont proposées afin de ne pas ébranler le système financier. Nous sommes déjà passés par là, et beaucoup de nos citoyens ont souffert de ces interdictions. C'est pourquoi il est absolument compréhensible que de nombreux Ukrainiens ne fassent pas confiance à l'État et veuillent mettre rapidement leurs économies sous le matelas pour ne pas faire faillite et se retrouver les mains vides », a conclu Rozanova.

Même son de cloche du côté de la  consultante politique ukrainienne Tetiana Protortchenko, qui a déclaré que l'appel de Zelensky à ne pas paniquer signifie que l'économie du pays est en train de couler façon Titanic.

Pour elle la vidéo dans laquelle « le Président Volodymyr Zelensky a exhorté les Ukrainiens à ne pas paniquer, à ne pas retirer de l'argent des comptes bancaires et à ne pas se précipiter dans les magasins acheter du sarrasin et du sel... n'a non seulement rassuré personne, mais au contraire, elle est devenue une autre preuve que le pays connaît une grave crise économique ».

Pour elle cette histoire de ne pas acheter massivement des allumettes, du sarrasin et du sel est un non-sens, puisque la plupart des Ukrainiens ont encore des stocks depuis le dernier confinement. Pour elle, la véritable raison de la panique réside dans le système bancaire.

Elle rappelle ainsi que lors des deux plus graves crises financières et économiques qu'a connu l'Ukraine, en 2008-2009 et 2014-2015, qui ont toutes deux entraîné une chute de la hryvnia, la Banque Nationale avait introduit des mesures très strictes comme l'interdiction de retrait anticipé des fonds d'épargne. Une décision qui a même été fixée par le parlement au niveau législatif la deuxième fois, pour sauver le système financier et empêcher la sortie massive de fonds d'épargne.

« Par conséquent, il est possible que dans un proche avenir, la Banque Nationale va sortir avec la même proposition que lors des crises passées: l'interdiction de retrait anticipé des fonds d'épargne. Après tout, l'économie du pays a déjà commencé à réagir au risque d'une éventuelle guerre: la hryvnia a lentement commencé à chuter, la demande pour les obligations en hryvnia aux enchères du ministère des Finances a été divisée par 32, les Ukrainiens sont allés à la banque pour retirer leurs petites économies, et les hommes d'affaires retirent massivement leur capital du pays. Par conséquent, l'expression « pas de panique » dans la bouche de Zelensky est juste une raison pour, à minima, commencer à être nerveux. Après tout, notre histoire a prouvé à plusieurs reprises que les appels désespérés des responsables gouvernementaux au calme signifient en réalité que le pays est à l'épicentre d'une tempête économique et financière », a conclu Protortchenko.

Si pour l'instant peu d'experts écrivent à ce sujet en Ukraine, c'est pour ne pas effrayer les Ukrainiens et risquer de provoquer une ruée bancaire qui aggraverait la situation et accélérerait la mise en place de mesures restrictives sur les retraits de fonds d'épargne, voire d'espèces. Il est évident qu'ils resteront silencieux jusqu'au dernier moment, lorsqu'il sera trop tard pour réagir et retirer ses fonds de la banque.

 Christelle Néant

source :  donbass-insider.com

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