L'un des aspects les plus fascinants de la guerre en Ukraine, c'est le grand nombre de stratèges de haut niveau qui ont averti depuis des années que cette guerre était imminente si nous poursuivions sur notre lancée. Voici les plus importants de ces avertissements.
George Kennan, architecte de la Guerre froide, en 1998:
Je pense que l'expansion de l'Otan est le début d'une nouvelle Guerre froide. Je pense que les Russes vont progressivement réagir de manière assez négative et que cela affectera leurs politiques. Je pense que c'est une erreur tragique. Il n'y avait aucune raison à cela.
(...) Bien sûr, il y aura une mauvaise réaction de la part de la Russie. Et ensuite [les partisans de l'élargissement de l'OTAN] diront que nous vous avons toujours dit que les Russes étaient comme ça, mais c'est tout simplement faux.
Henry Kissinger, ancien ministre des Affaires étrangères des États-Unis, en 2014:
Pour que l'Ukraine survive et prospère, elle ne doit pas être l'avant-poste d'un camp contre l'autre - elle doit servir de pont entre les deux. (...) L'Occident doit comprendre que pour la Russie, l'Ukraine ne pourra jamais être un simple pays étranger.
Même des dissidents aussi célèbres qu'Alexandre Soljenitsyne et Joseph Brodsky ont insisté sur le fait que l'Ukraine faisait partie intégrante de l'histoire russe et, en fait, de la Russie.
L'Ukraine ne devrait pas rejoindre l'Otan.
John Mearsheimer, l'un des principaux experts en géopolitique des États-Unis, en 2015:
La Russie est une grande puissance, elle n'a absolument aucun intérêt à laisser les États-Unis et leurs alliés s'emparer d'un vaste espace d'une grande importance stratégique à sa frontière occidentale pour qu'il soit incorporé à l'Occident.
Cela ne devrait guère surprendre les États-Unis d'Amérique, car vous savez tous que nous avons une doctrine Monroe. La doctrine Monroe stipule que l'hémisphère occidental est notre arrière-cour et que personne d'une région éloignée n'est autorisé à déplacer des forces militaires dans l'hémisphère occidental.
Vous vous souvenez que nous étions fous de rage à l'idée que les Soviétiques mettent des forces militaires à Cuba. C'était inacceptable. Personne ne met de forces militaires dans l'hémisphère occidental. Voilà ce qu'est la doctrine Monroe.
Pouvez-vous imaginer que dans 20 ans, une Chine puissante formera une alliance militaire avec le Canada et le Mexique et déplacera des forces militaires chinoises sur le sol canadien et mexicain, et que nous resterons là à dire que ce n'est pas un problème?
Personne ne devrait donc s'étonner que les Russes aient été horrifiés à l'idée que les États-Unis placent l'Ukraine dans la colonne occidentale du registre. (...) Mais nous n'avons pas cessé nos efforts pour que l'Ukraine fasse partie de l'Occident.
L'Occident conduit l'Ukraine sur la mauvaise voie et en bout de course, l'Ukraine sera complètement dévastée.
Si vous pensez que nous avons des difficultés avec les Russes, vous n'imaginez même pas les difficultés que nous aurons avec les Chinois.
Jack F. Matlock, dernier ambassadeur US en Union soviétique, en 1997:
L'expansion de l'OTAN a été la plus grande bévue stratégique depuis la fin de la guerre froide.
Loin d'améliorer la sécurité des États-Unis, de leurs alliés et des pays qui veulent rejoindre l'alliance, l'expansion pourrait encourager une série d'événements qui pourraient produire la menace la plus sérieuse pour la sécurité de ce pays [la Russie] depuis la chute de l'Union soviétique.
Si l'OTAN doit être le principal instrument d'unification du continent, la seule façon d'y parvenir est logiquement de l'étendre à tous les pays européens. Mais cela ne semble pas être l'objectif du gouvernement. Et même si c'est le cas, le moyen d'y arriver n'est pas d'intégrer de nouveaux membres au coup par coup.
William Perry, ministre de la Défense de Bill Clinton, en 1996:
Nous devions continuer à avancer avec la Russie, et je craignais que l'expansion de l'OTAN à cette époque ne nous pousse dans la direction opposée. Je pensais qu'un revers ici pourrait anéantir les relations positives que nous avions si laborieusement et patiemment développées dans la période opportuniste de l'après-guerre froide.
Nous avions besoin de plus de temps pour amener la Russie, l'autre grande puissance nucléaire, dans le cercle de sécurité occidental.
Tenant compte du fait que la Russie disposait toujours d'un énorme arsenal nucléaire, j'ai accordé une très grande priorité au maintien de cette relation positive, surtout pour ce qui concernait la réduction à venir de la menace des armes nucléaires.
Noam Chomsky, l'un des intellectuels vivants les plus importants, en 2015:
L'idée que l'Ukraine puisse rejoindre une alliance militaire occidentale serait tout à fait inacceptable pour n'importe quel dirigeant russe. Cela remonte à 1990, lorsque l'Union soviétique s'est effondrée. (...) Gorbatchev avait accepté que l'Allemagne soit unifiée et rejoigne l'OTAN. Il s'agissait d'une concession vraiment remarquable, mais assortie d'une contrepartie : l'OTAN ne s'étendrait pas d'un pouce à l'est.
Son désir de rejoindre l'Otan ne protège pas l'Ukraine, il la menace d'une guerre majeure.
Jeffrey Sachs, conseiller spécial du gouvernement US et des Nations unies, trois jours avant l'invasion:
Les États-Unis ne seraient pas très heureux si le Mexique rejoignait une alliance militaire dirigée par la Chine, pas plus qu'ils ne l'étaient lorsque Cuba, sous Fidel Castro, s'est aligné sur l'URSS il y a 60 ans.
Ni les États-Unis ni la Russie ne veulent de l'armée de l'autre sur le pas de leur porte.
Il était particulièrement imprudent en 2008 pour le président George W. Bush d'ouvrir la porte à l'adhésion de l'Ukraine (et de la Géorgie) à l'OTAN.
La Russie a longtemps craint les invasions de l'Ouest, qu'il s'agisse de Napoléon, d'Hitler ou, plus récemment, de l'OTAN.
L'Ukraine devrait aspirer à ressembler aux membres de l'Union européenne qui ne sont pas membres de l'OTAN : l'Autriche, Chypre, la Finlande, l'Irlande, Malte et la Suède.
Notre compilation est une adaptation d'un fil twitter 𝕏 d'Arnaud Bertrand. Une version plus complète de ces citations peut être trouvée ici.
Source originale: De Wereld Morgen
Traduit de l'anglais par GL pour Investig'Action