Par B
Paru sur Moon of Alabama sous le titre How Europe Was Pushed Towards Economic Suicide
Avec l'aide active des « dirigeants » de l'Europe, les États-Unis parviennent à ruiner l'Europe.
Comme l'écrivait Michael Hudson, professeur d'économie à l'université du Missouri à Kansas City, début février, avant l'intervention de la Russie en Ukraine :
L'Amérique n'a plus la puissance monétaire et l'excédent commercial et de balance des paiements apparemment chronique qui lui avaient permis d'élaborer les règles du commerce et de l'investissement dans le monde en 1944-45. La menace qui pèse sur la domination américaine est que la Chine, la Russie et le cœur de l'île-monde eurasienne de Mackinder offrent de meilleures opportunités de commerce et d'investissement que celles offertes par les États-Unis, avec leurs demandes de plus en plus désespérées de sacrifices à leurs alliés de l'OTAN et autres.L'exemple le plus flagrant est la volonté des États-Unis d'empêcher l'Allemagne d'autoriser le gazoduc Nord Stream 2 afin d'obtenir du gaz russe pour les prochains grands froids. Angela Merkel s'était mise d'accord avec Donald Trump pour dépenser un milliard de dollars dans la construction d'un nouveau port GNL afin de devenir plus dépendante du GNL américain, dont le prix est élevé. (Le plan a été annulé après que les élections américaines et allemandes aient changé les deux dirigeants). Mais l'Allemagne n'a pas d'autre moyen de chauffer un grand nombre de ses maisons et immeubles de bureaux (ou d'approvisionner ses entreprises d'engrais) que le gaz russe.
Le seul moyen qui reste aux diplomates américains pour bloquer les achats européens est d'inciter la Russie à une réponse militaire, puis de prétendre que la réaction à cette réponse doit l'emporter sur tout intérêt économique purement national. Comme l'a expliqué la sous-secrétaire d'État aux affaires politiques, Victoria Nuland, lors d'un point de presse du département d'État le 27 janvier : « Si la Russie envahit l'Ukraine d'une manière ou d'une autre, le Nord Stream 2 n'avancera pas ». Le problème est de créer un incident suffisamment offensif et de dépeindre la Russie comme l'agresseur.
À la mi-février, un observateur de l'OSCE avait noté que les bombardements d'artillerie des Ukrainiens contre le Donbass étaient passés d'une poignée à plus de 2 000 explosions par jour. La Russie a réagi à ces préparatifs d'attaque en reconnaissant les républiques du Donbass, en signant des accords de défense avec elles et en leur venant finalement en aide.
Peu après le lancement de l'opération militaire russe, le professeur Hudson a approfondi ses réflexions :
Les récentes pressions sur la Russie exercées à travers l'expansion de la violence ethnique anti-russe par le régime néo-nazi ukrainien du Maïdan post-2014 vise à provoquer une épreuve de force. Elle répond à la crainte des intérêts américains de perdre leur emprise économique et politique sur leurs alliés de l'OTAN et d'autres satellites de la zone dollar, car ces pays ont vu leurs principales opportunités de gain dans l'augmentation du commerce et des investissements avec la Chine et la Russie.Comme l'a expliqué le président Biden, l'escalade militaire actuelle (« Aiguillonner l'ours ») ne concerne pas vraiment l'Ukraine. Biden a promis dès le départ qu'aucun soldat américain ne serait impliqué. Mais il exige depuis plus d'un an que l'Allemagne empêche le gazoduc Nord Stream 2 d'approvisionner son industrie et ses logements en gaz à bas prix et se tourne vers les fournisseurs américains, dont les prix sont beaucoup plus élevés.
L'objectif stratégique américain le plus urgent de la confrontation de l'OTAN avec la Russie est la flambée des prix du pétrole et du gaz. En plus de créer des profits et des gains boursiers pour les entreprises américaines, les prix plus élevés de l'énergie vont ralentir l'économie allemande.
Début avril, le professeur Hudson a jeté un nouveau regard sur la situation :
Il est maintenant clair que la nouvelle guerre froide a été planifiée il y a plus d'un an, avec une stratégie sérieuse associée au blocage de Nord Stream 2 dans le cadre de l'objectif américain qui consiste à empêcher l'Europe occidentale (« OTAN ») de rechercher la prospérité à travers le commerce et les investissements mutuels avec la Chine et la Russie.Ainsi, les régions russophones de Donetsk et de Lougansk ont été bombardées avec une intensité croissante, et lorsque la Russie s'est abstenue de répondre, des plans ont apparemment été élaborés pour une grande épreuve de force en février dernier - une attaque massive de l'Ukraine occidentale organisée par des conseillers américains et armée par l'OTAN.
Le commerce et les investissements européens avant la guerre des sanctions avaient promis une prospérité croissante de l'Allemagne, la France et d'autres pays de l'OTAN à travers la Russie et la Chine. La Russie allait fournir une énergie abondante à un prix compétitif, et cet approvisionnement énergétique devait faire un bond en avant supplémentaire avec Nord Stream 2. L'Europe allait gagner les devises étrangères nécessaires pour payer ce commerce d'importation croissant en exportant davantage de produits industriels vers la Russie et en investissant dans la reconstruction de l'économie russe, par exemple par des entreprises automobiles allemandes, des avions et des investissements financiers. Ce commerce et ces investissements bilatéraux sont désormais interrompus - pour de très nombreuses années, étant donné la saisie par l'OTAN des réserves de change de la Russie conservées en euros et en livres sterling.
La réponse européenne à la guerre par procuration menée par les États-Unis contre la Russie s'est fondée sur un moralisme hystérique mené par les médias ou peut-être sur une hystérie moralisatrice. Elle n'était et n'est toujours ni rationnelle, ni réaliste.
Les « dirigeants » européens ont décidé que rien d'autre que le suicide économique de l'Europe n'est suffisant pour montrer à la Russie que Bruxelles est sérieusement fâchée. Les gouvernements nationaux des imbéciles, y compris celui de l'Allemagne, ont suivi ce programme. S'ils continuent sur leur lancée, le résultat sera une désindustrialisation complète de l'Europe occidentale.
Pour reprendre les mots d'un observateur sérieux :
Aujourd'hui, nous constatons que pour des raisons purement politiques, poussés par leurs propres ambitions, et sous la pression de leur suzerain américain, les pays européens imposent davantage de sanctions sur les marchés du pétrole et du gaz, ce qui entraînera davantage d'inflation. Au lieu d'admettre leurs erreurs, ils cherchent un coupable extérieur.On a l'impression que les politiciens et les économistes occidentaux oublient tout simplement les lois économiques de base ou choisissent de les ignorer.
Dire non à l'énergie russe signifie que l'Europe deviendra systématiquement et durablement la région du monde la plus coûteuse pour les ressources énergétiques. Oui, les prix vont augmenter, et des ressources vont aller contrer ces hausses de prix, mais cela ne changera pas la situation de manière significative. Certains analystes affirment que cela portera gravement, voire irrévocablement, atteinte à la compétitivité d'une partie importante de l'industrie européenne, qui perd déjà du terrain au profit d'entreprises d'autres régions du monde. Maintenant, ces processus vont certainement s'accélérer. Il est clair que les possibilités d'activité économique, avec ses améliorations, quitteront l'Europe pour d'autres régions, tout comme les ressources énergétiques de la Russie.
Cet auto da fé ce suicide économique est, bien sûr, l'affaire interne des pays européens.
Maintenant, les actions erratiques de nos partenaires - c'est ce qu'elles sont - ont entraîné une croissance de facto des revenus du secteur pétrolier et gazier russe, en plus des dommages causés à l'économie européenne.
En comprenant les mesures que l'Occident prendra dans un avenir proche, nous devons tirer des conclusions à l'avance et être proactifs, en retournant les mesures chaotiques irréfléchies de certains de nos partenaires à notre avantage pour le bien de notre pays. Naturellement, nous ne devons pas espérer que leurs erreurs se répètent. Nous devons simplement, pratiquement, partir des réalités actuelles, comme je l'ai dit.
Vladimir Poutine, Réunion sur le développement de l'industrie pétrolière, 17 mai 2022, Kremlin, Moscou
Traduction Corinne Autey-Roussel
Photo Adrian Malec / Pixabay